Les dirigeants des Premières Nations et des experts en droit constitutionnel mettent les séparatistes de la Saskatchewan et de l’Alberta en garde : quitter le Canada engendrerait des conflits avec les Premières Nations signataires d’un traité avec le fédéral.
Si le mouvement séparatiste prend de l’ampleur dans l’Ouest canadien depuis l’élection du gouvernement libéral minoritaire de Justin Trudeau, le 21 octobre, les dirigeants des Premières Nations croient qu’il sera difficile de réaliser cet objectif sans leur accord.
Pour le moment, je ne prête aucune attention à ce mouvement. Si des mesures concrètes sont prises [par rapport à la séparation], les personnes concernées [par le projet] devront s’entendre avec les Premières Nations
, affirme la chef régionale de l’Alberta pour l’Assemblée des Premières Nations, Marlene Poitras.
Les gens doivent comprendre davantage la véritable nature de nos traités.
Entre 1871 et 1921, la Couronne britannique a signé 11 traités avec les Premières Nations afin de départager certains territoires dans l’ouest du pays et d'offrir diverses responsabilités aux communautés. Ainsi, pour plusieurs membres des Premières Nations au Canada, il est impensable de songer à céder leurs terres.
Nous avons toujours dit qu’un traité, c’est le plus grand acte de coopération au Canada sur la façon dont nous partageons le territoire et les ressources
, mentionne le chef national de l’Assemblée des Premières Nations, Perry Bellgarde, dont la communauté d’origine, Black Bear, en Saskatchewan, est membre du Traité 4.
Il faut faire attention avec le mouvement séparatiste. Nous avons des droits inhérents, des droits issus de traités, et ce sont des ententes internationales avec la Couronne [britannique].
Le chef du Conseil tribal de Saskatoon, Mark Arcand, note de son côté que des consultations devraient avoir lieu au sujet du processus de séparation.
La Saskatchewan et l’Alberta n’ont pas le pouvoir de décider de se séparer
, précise-t-il.
Une importante bataille constitutionnelle
L’expert en droit constitutionnel et en droit des traités James (Sákéj) Youngblood Henderson est d’avis que le projet séparatiste s’annonce difficile, puisque l’Ouest canadien est fermement construit sur la base des traités signés
entre les Premières Nations et le fédéral.
En 1930, en vertu des lois sur le transfert des ressources naturelles, les terres appartenant à Ottawa qui étaient visées par un traité ont été transférées aux Premières Nations du Manitoba, de la Saskatchewan, de l’Alberta et de la Colombie-Britannique, ce qui leur permettait de gérer leurs ressources naturelles, précise James (Sákéj) Youngblood Henderson.
Il faudrait que les traités soient renégociés. Je ne pense pas que quiconque soit prêt pour ce type de bataille constitutionnelle
, estime-t-il.
Pour un autre expert en droit constitutionnel, Paul Chartrand, qui agissait aussi à titre de conseiller lors de la réunion des premiers ministres sur la réforme constitutionnelle des peuples autochtones dans les années 1980, une renégociation potentielle des traités pourrait permettre aux Premières Nations signataires d’augmenter leur influence.
Les Premières Nations signataires d’un traité fonctionnent généralement comme de petites communautés qui ont très peu de poids politique. [...] Dans un contexte comme celui-ci, où les provinces menacent de se séparer, le pouvoir de négociation des Premières Nations serait plus important
, souligne-t-il.
Peu d’appui chez les politiciens
Si le mouvement séparatiste prend de l’ampleur sur les réseaux sociaux, l’idée ne semble pas avoir d’écho chez les politiciens provinciaux et municipaux en Saskatchewan et en Alberta.
Le premier ministre de la Saskatchewan, Scott Moe, souhaite plutôt rétablir la relation avec Ottawa, se qualifiant lui-même de fédéraliste frustré
.
Quant au premier ministre de l’Alberta, Jason Kenney, il qualifie le mouvement séparatisme d’irrationnel
, tout en pressant Justin Trudeau de protéger l’unité nationale
.
Le maire de Regina, Michael Fougere, indique pour sa part que le projet d’indépendance dans l’Ouest canadien est « voué à l’échec », alors que le maire de Saskatoon, Charlie Clark, trouve l’idée très inquiétante
.
Avec les informations de Jorge Barrera