Les contribuables québécois doivent-ils payer pour «ça»?

Question de péage

Il se pense bien malin, André Pratte, qui, dans un récent éditorial publié dans La Presse, affirme que l'ensemble des contribuables canadiens n'a pas à payer pour un pont qu'il n'utilisera jamais, en parlant du futur nouveau pont Champlain. D'où la nécessité d'établir un péage pour financer ce projet. Pourtant ce pont de remplacement, au-dessus du fleuve Saint-Laurent et de la voie maritime, n'est pas un luxe et il est plus que nécessaire.
Au même moment, on apprend que la prochaine visite au Canada - en Nouvelle-Écosse, à l'Île-du-Prince-Édouard et au Manitoba - de membres de la famille royale, le prince Charles et sa charmante épouse, la duchesse Camilla, coûtera aux mêmes contribuables canadiens la jolie somme de 721 620 $, plus les frais de sécurité et autres extras. On ne se trompera pas si on avance la somme rondelette d'un million de dollars, pour une visite de trois jours de personnalités qui, sans vouloir leur manquer de respect, n'ont absolument rien à voir avec notre culture, notre mode de vie et nos intérêts.
La ministre du Patrimoine canadien, Shelly Glover, a invité «les Canadiens à se joindre aux célébrations qui se dérouleront à l'occasion de la tournée royale». Le communiqué ne précise pas si les milliers de royalistes seront mis à contribution à l'aide d'un péage dont le montant serait à déterminer pour financer un événement aussi futile qu'inutile. Est-ce que l'ensemble des contribuables canadiens, dont nous faisons encore et malheureusement partie, a à payer pour «ça», Monsieur Pratte?
La dernière visite royale, en 2011, avait coûté 1,5 million $, sans parler des autres coûts pour assurer la sécurité, tandis que celle de 2010 avait coûté 2,79 millions $, ces «sommes n'incluant pas les frais de déplacement d'une foule d'employés envoyés en éclaireurs à travers le pays».
A-t-il comptabilisé, notre perspicace éditorialiste de La Presse, les sommes gaspillées en dépenses somptuaires et stériles par nos lieutenants-gouverneurs (quelle appellation ridicule, quand on y pense!)? J'imagine qu'avec les budgets alloués à cette institution royale de plus en plus désuète et obsolète, qui existe depuis 147 ans, des ponts Champlain, nous aurions pu nous en construire quelques-uns, sans envisager de frais de péage.
Rappelons qu'un gouverneur général gagne en 2014 la jolie somme de 270 602 $ annuellement, plus les autres frais de fonctionnement, et qu'un lieutenant gouverneur en gagne environ la moitié, plus tout le fling flang. Si on se fie à ce qui est étalé à pleines pages dans nos journaux à propos des dépenses somptuaires de l'ex-lieutenante-gouverneure Lise Thibault, la facture est beaucoup plus salée. De telles engeances, il y en a treize à travers ce beau pays, misère de misère. Et c'est encore nous qui devons payer pour ça.
Et la participation canadienne à la guerre en Afghanistan, un pays situé à 10 000 kilomètres de chez nous, peut-on en parler, monsieur Pratte, puisque nous avons dû débourser plusieurs milliards de dollars?
Après dix ans de combats, le bilan est catastrophique, comme l'affirme l'ex-soldat Martin Forgues, dans L'Afghanicide, cette guerre qu'on ne voulait pas gagner (VLB éditeur): cent soixante morts, «sacrifiés en vain», parmi les effectifs de l'armée canadienne (sans parler des milliers de morts civils du côté afghan), des centaines de blessés qui y ont laissé «une jambe, un bras, un œil ou leur âme», l'installation d'un gouvernement corrompu et mafieux, avec le soutien américain et canadien, une production d'opium qui a augmenté de 36 % en un an et le retour appréhendé des talibans.
Soulignons que «les Québécois s'opposent à la guerre à 75 % et 77 % jugent que cette guerre ne valait pas le coup». Malgré ce refus, nous avons dû, veut, veut pas, payer pour ça. Qu'est-ce qu'on fait?
La liste des opérations coûteuses auxquelles nous n'avons pas donné notre accord pourrait s'allonger ainsi indéfiniment dans ce pays sans bon sens. Alors, M. Pratte, je me garderais une petite gêne en parlant du futur pont Champlain. Un gouvernement souverain du Québec pourrait bien, un jour, demander un péage pour tous les bateaux qui empruntent la voie maritime comme le fait le Panama, souverain avec son canal. Ces bateaux qui s'en vont décharger leurs marchandises dans la région des Grands lacs, c'est autant d'activités portuaires qui nous échappent.


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