L'opposition a fait des trois médecins du gouvernement ses principales cibles lors de la rentrée de l'Assemblée nationale: Philippe Couillard a été attaqué sur les compressions, Yves Bolduc, sur sa prime de 215 000$ et Gaétan Barrette, sur les négociations avec les médecins.
Les libéraux «n'aiment pas» les familles, dit le PQ
Le premier ministre Couillard et son équipe «n'aiment pas» les familles, a lancé hier le chef de l'opposition péquiste, Stéphane Bédard, alors que plusieurs programmes phares de l'État québécois sont dans le viseur du gouvernement.
La possibilité de réduire substantiellement les versements d'assurance parentale et de revoir complètement la tarification des garderies - des «grosses aberrations» - entraînera la création d'un «impôt-famille» qui prendra à la gorge la classe moyenne, selon M. Bédard.
«Littéralement, le Parti libéral a copié le plan de la CAQ», a-t-il reproché, allant même jusqu'à qualifier M. Couillard de «militant caquiste». «Ils traitent très durement» les familles, a-t-il ajouté. «Il est évident qu'ils s'en prennent» à elles.
À la période des questions, le premier ministre Couillard a fait valoir que son gouvernement «y tient, aux services publics». «Et, parce qu'on y tient, on se doit de retrouver la liberté de faire les choix de soutenir les secteurs qui nous tiennent à coeur tels que la santé, l'éducation - eh oui - et la famille», a-t-il dit.
Le premier ministre a ajouté que le «déficit qui était supposé être de 1 750 000 000$ pour l'année en cours est en fait de 5,8 milliards [...] parce que notre collègue qui était le président du Conseil du trésor il y a quelques mois à peine a littéralement échappé les dépenses publiques».
Par ailleurs, M. Couillard a montré du doigt la fonction publique afin d'expliquer les fuites continuelles d'informations sur différents projets de réduction budgétaire au cours des dernières semaines.
«Ce sont clairement des fuites qui viennent des structures dans le secteur public qui tentent de freiner certains changements. Je vois ça comme ça», a-t-il dit en anglais, à l'entrée du caucus de ses députés.
Relancé en français afin de savoir s'il accusait des fonctionnaires d'être responsables de fuites, il a répondu: «Ce n'est pas une organisation planifiée par le gouvernement. Ça doit venir de quelque chose!»
Rembourser toute la prime ou démissionner
L'opposition demande à Yves Bolduc de rembourser en totalité sa prime de 215 000$ ou de démissionner. Mais pour le ministre de l'Éducation, «le dossier est clos». Il va plus loin: la pénurie de médecins serait moindre si tous travaillaient autant que lui, a-t-il soutenu hier.
De son côté, le premier ministre Philippe Couillard s'est porté à sa défense en disant qu'il est «un exemple pour l'ensemble de ses collègues».
Le Parti québécois et la Coalition avenir Québec ont mitraillé Yves Bolduc de questions au sujet de la prime de 215 000$ qu'il a touchée à titre de médecin, au moment où il était dans l'opposition, pour prendre en charge 1500 patients orphelins. Ces patients sont retournés sur des listes d'attente lorsque Yves Bolduc a été nommé au Conseil des ministres. À la suite d'une enquête, la Régie de l'assurance maladie a exigé que M. Bolduc rembourse un peu plus de 27 000$, c'est-à-dire 50% de la prime qu'il a reçue pour des patients qu'il n'a pas suivis pendant 12 mois. Le ministre a également donné une somme équivalente à deux organismes de charité.
Mais pour les partis d'opposition, c'est insuffisant. M. Bolduc a profité «sans vergogne» d'une entente sur les primes qu'il avait lui-même négociée dans le passé à titre de ministre de la Santé, a accusé la députée péquiste Agnès Maltais. Selon le chef caquiste François Legault, alors que le gouvernement demande des sacrifices à tous, Yves Bolduc «n'a pas prêché par l'exemple». «Est-ce que le nouveau slogan du ministre, c'est: faites ce que je dis, pas ce que je fais?», a-t-il lancé. Il a ajouté que M. Bolduc n'a pu bien faire son travail de député tout en s'occupant de 1500 patients.
«Il a bien fait son travail de médecin et de député, j'en suis profondément convaincu», a répondu Philippe Couillard. M. Bolduc est à ses yeux «un exemple pour l'ensemble de ses collègues».
Le principal intéressé a balayé les critiques. «J'ai fait les remboursements nécessaires», a dit M. Bolduc. Il a fait valoir qu'il travaillait le soir, le samedi et le dimanche à la clinique médicale. «En passant, si les médecins faisaient comme moi, probablement qu'il y en aurait moins de pénurie», a-t-il souligné.
Barrette hausse le ton contre les spécialistes
Le ministre de la Santé, Gaétan Barrette, menace les médecins spécialistes d'une loi spéciale, mais il soutient que les omnipraticiens lui ont fait une proposition «constructive» sur l'étalement de leurs hausses salariales.
Selon l'opposition péquiste, M. Barrette est en conflit d'intérêts, car il renégocie une entente qu'il avait lui-même signée quand il présidait la Fédération des médecins spécialistes du Québec (FMSQ). Il doit céder sa place au président du Conseil du trésor, Martin Coiteux, selon elle.
Hier, le ministre a accusé la FMSQ d'adopter une attitude intransigeante. «On nous a dit un moment donné: amène-la, ta loi spéciale, on verra après pendant les quatre prochaines années comment ça va aller», a-t-il raconté. Il leur reproche d'avoir déposé une «proposition sans chiffres» qui vise à verser toutes les hausses salariales prévues à l'entente au cours du mandat du gouvernement, donc pendant quatre ans. «Si on nous demande de retourner [1,2 milliard à tous les médecins] dans le mandat actuel, on remet le Québec dans un déficit qui va excéder 1 milliard de dollars [...] et les agences de notation vont nous décoter. C'est quoi qui est dur à comprendre là-dedans?», a lancé M. Barrette.
Le ministre avait proposé aux fédérations d'étaler les hausses salariales sur neuf ans. Lundi, la Fédération des omnipraticiens a présenté un scénario sur sept ans. Cette proposition, «par rapport à nos paramètres, a des faiblesses, mais il n'en reste pas moins qu'elle est la première proposition constructive qui prend en considération les intérêts de la population québécoise», a soutenu M. Barrette. Le litige porte entre autres sur la part des hausses salariales qui seraient versées cette année et en 2015-2016, année où le gouvernement veut retrouver l'équilibre budgétaire.
Gaétan Barrette prévient qu'il veut régler le dossier au cours des deux prochaines semaines. «Il est très possible qu'on s'entende avec une des deux fédérations et qu'on ait à prendre certaines actions, incluant une loi spéciale, avec l'autre fédération», a-t-il indiqué.
Au Salon bleu, l'opposition péquiste a affirmé que les pourparlers piétinent depuis juin et que le gouvernement doit mandater un nouveau négociateur «qui a à coeur l'intérêt public et non l'intérêt médical».
En bref
Course à la direction du PQ: pas de fiducie pour PKP
Pierre Karl Péladeau n'a aucune intention de se plier à des critères éthiques plus élevés que ceux que lui impose la loi s'il se lance dans la course à la direction du Parti Québécois. En entrevue avec La Presse, hier, le magnat de la presse et des télécommunications a clairement fermé la porte à l'idée de déposer ses actions de Québecor dans une fiducie sans droit de regard le temps que les militants péquistes choisissent s'ils veulent faire de lui leur nouveau chef. « Je suis assujetti à la loi et j'ai bien l'intention de la respecter et c'est ce que je fais, a-t-il dit. Je n'ai pas à aller plus loin [que la loi]. Je vais respecter la loi telle qu'elle existe. » Les règles prévoient des limitations à la propriété d'entreprises pour les ministres, mais pas pour les simples députés. Aucune disposition ne s'ajoute pour les courses à la direction des partis. Pierre Karl Péladeau n'a pas officialisé son entrée dans la course à la succession de Pauline Marois, mais les observateurs le qualifient déjà de favori. Au moment de son entrée en politique, il s'était engagé à confier sa participation de contrôle dans Québecor à une fiducie sans droit de regard s'il était nommé ministre.
- Philippe Teisceira-Lessard
Entente avec l'ex-patron de la SQ: Thériault revient sur ses propos
Elle avait soutenu que l'ancien patron de la SQ, Mario Laprise, avait demandé à retourner à son poste de responsable de la sécurité à Hydro-Québec. La ministre de la Sécurité publique, Lise Thériault, a modifié ses explications hier. La Presse a révélé que l'entente conclue entre M. Laprise et son ministère prévoit que ce dernier « consent » à retourner à son ancien poste. Clairement, l'initiative ne venait pas de lui, contrairement à ce que soutenait Mme Thériault. « M. Laprise a exprimé le souhait de rester au service du public », nuançait-elle hier, refusant la requête du député péquiste Pascal Bérubé, qui exigeait que l'entente soit rendue publique.
- Denis Lessard
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