Officiellement, rien n’est joué puisque le sort de la Grèce sera tranché par le référendum du 5 juillet mais l’Europe a déjà décidé qu’elle pouvait se passer de son cœur, la Grèce, et que la construction d’une société était maintenant une affaire de gros sous et non plus de symboles ou de mythes.
La Grèce n’a jamais été un cœur financier ou commercial, contrairement à Venise, Gènes, Anvers, Genève ou la City of London. Contrairement à l’Espagne, le Portugal, la France, l’Angleterre, les Pays-Bas, la Belgique, l’Allemagne, ou même à l’Italie fasciste, elle n’a jamais tenté de se construire un empire colonial pour devenir une Grande-Puissance. Par contre, au titre de berceau de la démocratie et des autres grands mythes fondateurs de l’Europe et de la civilisation occidentale, elle en a été et elle en est toujours le cœur symbolique.
Il s’agit bien de mythes puisque, dans les faits, la Grèce antique était une société esclavagiste, tout comme la Rome antique, mais nous avons choisi d’oublier ce petit détail. Par contre, l’Europe actuelle ne semble pas prête à pardonner à la Grèce son autre péché bien plus grave que l’esclavage, soit la pauvreté, aussi nommée « sous-développement ». Une pauvreté tout relative, puisque que le revenu par habitant des Grecs est environ la moitié de celui des Allemands, des Français ou des Britanniques.
Dans n’importe quelle société autre que nos sociétés actuelles soumises au calcul des comptables et des actuaires, c’est une vision à plus long terme des réalités qui prévaudrait, en prenant en compte de multiples dimensions. Les décideurs finiraient par réaliser que les problèmes financiers actuels de la Grèce ne sont pas plus insolubles que ceux de l’Argentine à une autre époque, et que l’intérêt de l’Europe est de se consolider plutôt que de se suicider par amputation de ses membres les moins riches. Pour cela, peut-être aurait-il fallu laisser les institutions politiques en décider, ou bien organiser un référendum dans toute l’Europe. Mais on a choisi de laisser le gouvernail aux banquiers et d’exercer le pouvoir ultime par la voie du mémorandum. Un choix qui n’est pas sans rappeler l’austère gouverne actuelle de notre propre société.
Opposer les mythes inscrits dans l’histoire de la Grèce aux institutions financières qui gèrent maintenant l’Europe et le reste du monde est d’ailleurs un aperçu très simplifié du problème. La Grèce n’a pas que ses ruines et ses fantômes à proposer au reste de l’Europe. Elle a un territoire, des ressources, des institutions, une langue, une culture, une musique, des arts, des entreprises, des champs d’expertise, etc. Et elle a d’abord et avant tout une population qui est et qui sera toujours une richesse, quoi qu’en disent les chiffres inscrits par nos scribes dans les colonnes qu’ils ont choisi de prendre en considération.
Le proche avenir nous permettra de voir dans le détail les conséquences de ce régime mais sa vraie nature est déjà parfaitement visible, même si nous choisissons de l’ignorer pour nous accrocher à nos nouveaux mythes.
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1 commentaire
François A. Lachapelle Répondre
30 juin 2015@ Denis Blondin
Je n'ai pas lu votre livre "La mort de l'argent". Je ne serais pas surpris qu'il explique le dicton populaire: " l'argent est un bon serviteur mais un mauvais maître !"
La tragédie grecque qui se joue devant nous devrait être l'occasion de ramener l'humain et ses sociétés de personnes au centre de la vie sur terre au lieu de laisser les banquiers néo-capitalistes occuper la timonerie du monde.
Comme si pour l'Europe et ses banquiers néo-capitalistes et véreux ( des faillites, des mauvaises créances, des mauvaises prévisions ont toujours existées ) la situation économique de la Grèce est insoluble ... par les banquiers.
Ce sont les politiciens qui doivent redevenir imputables devant leurs citoyens et considérer l'argent comme un outil dans un coffre d'outils plus varié que les seuls instruments bancaires. La corvée et le troc sont des outils connus de remplacement de la monnaie.
Depuis la crise mondiale financière-bancaire de 2008, les banques privées capitalistes, sauvées par l'argent du public, continuent d'abuser de leurs clients et de leurs emprunteurs. Le pire symptôme de la dérive des banques commerciales sont les salaires exorbitants payés aux dirigeants, membres du 1%.
Les banques sont un rouage de la vie économique et non le gouvernail comme elles sont devenues. Les firmes de cotation sont un autre rouage de l'hégémonie des financiers mondiaux. Ils n'en ont jamais assez ce qui est le capitalisme narcissique.
Vous l'écrivez, je cite: « Mais on a choisi de laisser le gouvernail aux banquiers et d’exercer le pouvoir ultime par la voie du mémorandum. » Cela se passe aussi au Québec avec le gouvernement cul-de-sac de Couillard-Blais-Leitao-Coiteux-Daoust. Ces apprentis-sorciers gèrent le budget d'un pays comme leur argent de poche: ils nous racontent des faussetés qu'il faut dénoncer.
Au supermarché aujourd'hui, nous avons choisi d'acheter une huile d'olive grecque au lieu d'une autre huile d'olive.