Jean-François Lisée, le Naufrageur

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Tribune libre

En plus de s’adonner à la politique, Jean-François Lisée est un essayiste. Il a publié plus de 15 ouvrages entre 1990 et 2015, et notamment un essai intitulé « Le Naufrageur », où il accuse Robert Bourassa d’avoir saboté le projet indépendantiste du Québec. Il est maintenant chef du Parti Québécois et il semble prêt à tout pour devenir premier ministre, y compris à provoquer l’ultime naufrage du même projet indépendantiste.


Lisée se présente lui-même comme un politicien « de gauche » : il a publié Pour une gauche efficace (2008) et Comment mettre la droite K.-O. en 15 arguments (2012). On peut imaginer qu’il a dû avoir beaucoup de mal à comprendre pourquoi de larges segments de Québec Solidaire ont refusé tout projet d’alliance conjoncturelle avec lui et son parti.


Depuis l’émergence d’un mouvement indépendantiste au Québec, nous avons toujours dû composer avec la coexistence d’un électorat qui supportait le projet indépendantiste en tant que projet de réforme sociale et d’un autre qui le supportait en tant que rempart pour la survie et l’affirmation d’une identité nationale, soit des valeurs considérées comme plus conservatrices.


Ce deuxième segment nationaliste, qu’on pourrait qualifier de défensif, semble bien plus lourd électoralement que le segment « progressiste », qui se retrouve maintenant dans le parti Québec Solidaire. C’est surtout cet électorat nationaliste défensif qui a failli mener l’ADQ de Mario Dumont jusqu’au pouvoir, sans le moindre projet indépendantiste à l’horizon, et qui fera peut-être de même pour la CAQ de François Legault.


Jean-François Lisée a choisi de courtiser cet électorat pour se faire élire. Il a fait partie du gouvernement qui a proposé le projet de Charte des valeurs, dont le concept même a toutes les allures d’une astuce conçue dans le plus pur style de Lisée. Pendant la course à la chefferie, il est allé jusqu’à brandir le spectre de mitraillettes cachées sous des burqas. Il a aussi torpillé, en parfait accord avec la CAQ, le projet d’une commission d’enquête sur le racisme systémique, en affirmant qu’une telle horreur ne pouvait pas exister au Québec étant donné que « les Québécois ne sont pas racistes ». C’est sur la base de ce même argument qu’il s’est aussi opposé au projet d’un Journée contre l’Islamophobie, toujours en harmonie avec la CAQ.


De telles stratégies politiques peuvent clairement être qualifiées de edge politics. Elles tranchent l’opinion publique en deux dans l’espoir que l’une des deux parties soit suffisante pour gagner des élections. Cela fonctionne parfois, comme l’ont montré les élections de Steven Harper ou de Donald Trump, mais pour la société globale, les résultats de cette stratégie de division sont toujours désastreux.


Il y a fort à parier que tout cela ne mènera nulle part, si ce n’est à l’enterrement du PQ et avec lui, à celui du projet indépendantiste qui a présidé à sa formation et qui ne sera plus supporté que par Québec solidaire. D’où l’étiquette de « Naufrageur » qui ira alors comme un gant à Jean-François Lisée.


L’avenir dira si l’idée d’indépendance survivra autrement ou si elle s’effritera avec la génération qui l’a portée. Pour survivre et se répandre, elle devra être proposée par une coalition de partis de tous les horizons, comme en Catalogne.


En attendant, c’est la laïcité qui a remplacé l’indépendance comme enjeu de société. Nous continuons à distraire la galerie avec d’interminables débats politiques qui portent sur le style vestimentaire de quelques personnes, en délaissant les très nombreux enjeux essentiels qui concernent le réel plutôt que des fantasmes et sur lesquels Lisée ne semble capable de proposer ni des idées de gauche ni des idées de droite.


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Denis Blondin35 articles

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Anthropologue





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3 commentaires

  • André Gignac Répondre

    6 février 2018

    Monsieur Blondin



    Un nouveau sondage publié ce matin dans les journaux indique que la CAQ consolide son avance dans les intentions de vote chez les Québécois. Le PQ nous a fait perdre les 50 dernières années au niveau politique, il faut le faire! Seule l'arrivée de Péladeau peut réussir à remettre ce parti sur les rails et y donner une nouvelle impulsion pour l'arrivée du pays québécois.


    Pour réussir notre indépendance, ça prend une confrontation directe avec le régime fédéral  "canadian" pour en finir et il faut régler une fois pour toute la question identitaire des Québécois, côté de l'immigration, de la langue et il faut affirmer très fort nos valeurs collectives. Seule l'indépendance nous permettra d'être vraiment nous-mêmes et d'être libres!



    INDÉPENDANCE OU ASSIMILATION!



    André Gignac 6/2/18


  • François Ricard Répondre

    4 février 2018

    Avant d'obtenir l'indépendance d'un État,il faut que cet État existe. Dans les faits. Ce qui n'est pas le cas pour le Québec.Alors on peut s"égosiller jusqu'à l'extinction de voix, scribouiller des tomes entiers, faitre des référendums à répétion,on n'aura jamais l'indépendance.


    Depuis 150 ans, le Canada a tissé de fort nombreux liens qui rattachent les Québécois à sa gouverne.Et il n'existe pas de ciseaux suffiasmment gros pour trancher ces liens d'un seul coup.Il faut défaire ces liens petit à petit, construire ce pays que nous voulons petit à petit. La Révollution tranquille nous a permis de faire de belles avancées. Il faut revenir à cette approche faite de patience et de volonté tenace.


  • Gilles Verrier Répondre

    3 février 2018

    Monsieur Blondin, Je vous remercie pour votre analyse bien articulée. Je vous donne raison sur l'ensemble du propos. J'ajouterais toutefois que le PQ n'a jamais constitué la nation et que, si le PQ devait mourir - préparons-nous en réfléchissant à sa mort prévisible - le verdict populaire aura eu raison de lui. Le peuple aura eu raison d'un parti qui l'a tant exaspéré. Si le PQ, parti de la petite bourgeoisie canadienne française, n'a jamais voulu s'identifier aux descendants des vaincus, ces deniers continueront d'exister après lui. Même quand le West Island a décrété avec beaucoup d'insistance qu'il ne serait jamais québécois, le PQ a dit qu'ils étaient quand même Québécois. La mort prévisible du PQ sera - il faut l'espérer - la renaissance d'un nationalisme décomplexé qui dira les choses telles quelles sont. Soit que le West Island est une minorité démographique, certes, mais la majorité sociologique toute puissante du Canada au Québec. Autrement dit la minorité de blocage qui nous a toujours barré la route.


    Dans un nouveau rapport constitutionnel, désiré par bien d'autres au Canada, et aussi les Québécois, on leur laissera peut-être le West Island, s'ils sont fins. Sinon on les expulsera, comme ils s'expulsèrent eux-mêmes en 1976 pour bien nous faire sentir leur indépendance du Québec. En revanche de la perte d'une territorialité qui ne nous a jamais été acquise, on négociera des gains de continentalité pour sanctuariser des territoires francophones au Canada, en Acadie et ailleurs dans nos terres. Avec une péréquation linguistique pour réparer les torts ! On fera les comptes. Pour ce faire, il nous faudra des représentants bien meilleurs que des traites comme Morin-Lévesque et des lâcheurs comme Parizeau. Un objectif pas trop difficile à atteindre dans nos rangs si on se donne - a minima - la capacité de barrer la route aux infiltrateurs de la GRC et d'exiger de nos chefs qu'ils n'abandonnent pas à mi-chemin. Une fois acquis un leadership de confiance - pas de chefs comme André Boisclair, Pierre-Marc Johnson et tant d'autres mal partis, de grâce - il nous faudra déstabiliser la fausse paix constitutionnelle canadienne en renouant notre alliance naturelle avec les Canadiens français de partout. Ce n'est qu'en se mettant à jour avec nos alliés traditionnels :  les premières nations et les francophones, fondateurs du Canada (dans le sens européen), que nous pourrons nous tailler un avenir. Je demeure confiant que le rejet du PQ par les francophones du Québec, un réflexe sanitaire, mettra fin - sans aucune déprime - à cinquante ans de naufrages, de stagnation et de reculs.