Le sommet de la FEUQ

Que les recteurs se fassent une raison, c’est avec les étudiants que Duchesne doit s’entendre

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Pas rassurant pour l'avenir de nos jeunes

Québec — En politique, tout se peut. Prenons François Legault et Amir Khadir : ils formaient un drôle de couple quand ils sont apparus sur la même tribune vendredi, copain-copain, pour dénoncer le projet de minicentrale de Val-Jalbert. Un même sentiment d’irréalité peut nous saisir quand on entend Françoise David et Gerry Sklavounos, l’abrasif critique libéral, employer à quelques minutes d’intervalle la même expression pour dénoncer le gouvernement Marois et le Sommet sur l’éducation supérieure : « Les dés sont pipés. »

Le Parti libéral du Québec et Québec solidaire s’étonnent qu’à dix jours de la tenue du Sommet sur l’éducation supérieure, le gouvernement Marois puisse avoir une position précise à y défendre. Or, ils devraient aussi savoir que le ministre de l’Éducation supérieure, de la Recherche, de la Science et de la Technologie, Pierre Duchesne, et son entourage s’activent en coulisse pour définir une piste d’atterrissage pour ce Sommet et rallier le seul interlocuteur qui compte vraiment dans les circonstances : la Fédération universitaire étudiante du Québec (FEUQ).
Certes, Pauline Marois a pris un air penaud, jeudi, quand elle a commenté le refus de l’Association pour une solidarité syndicale étudiante (ASSE). « C’est dommage », a laissé tomber Pauline Marois, qui avait rencontré les représentants de l’ASSE lundi. En réalité, sans avoir souhaité l’absence de l’association étudiante la plus radicale, le gouvernement Marois y trouve son compte sur le plan politique. Cela montre que le gouvernement n’est pas à plat ventre devant les étudiants, confie-t-on.
Qui plus est, on estime que si le Sommet se soldait par le gel des droits de scolarité, le gouvernement en paierait le prix politique. Comme l’a montré le sondage Léger Marketing publié dans Le Devoir lundi, la très grande majorité des Québécois (68 %) est favorable à l’indexation des droits de scolarité universitaires. Le gouvernement a procédé à son propre sondage, qui confirme cet appui massif.
Le défi pour Pierre Duchesne reste entier : convaincre la FEUQ et sa présidente, Martine Desjardins, d’accepter une formule d’indexation dont la plus légère ne représenterait que 40 $ ou 50 $ de plus par an pour les étudiants. Le scénario idéal aux yeux du gouvernement : voir le ministre et Martine Desjardins, tout sourire, se serrer la main devant les photographes au terme du Sommet.
Quant aux recteurs, ils devront ronger leur frein. Dans l’entourage du ministre, on n’apprécie guère la dure campagne que les quatre recteurs - Luce Samoisette, de l’Université Sherbrooke, Guy Breton, de l’Université de Montréal, Denis Brière, de l’Université Laval et Heather Munroe-Blum, de l’Université McGill - ont menée pour contrer les visées du gouvernement. Le « c’est une farce » que cette dernière a proféré pour qualifier le Sommet fut mal reçu, c’est le moins qu’on puisse dire. On y voit un baroud d’honneur d’une rectrice qui quittera ses fonctions cet été.
De son côté, Jacques Parizeau a réussi, dans une entrevue accordée au Devoir, à donner de la crédibilité à l’idée de la gratuité. Les étudiants qui se battent pour la gratuité « ne sont pas hors-norme, ils ne sont pas hors d’ordre ». Mais l’ancien premier ministre a ajouté que la gratuité impliquerait « une redéfinition des universités » et l’imposition d’examens d’entrée. Au Journal de Québec, la présidente du réseau de l’Université du Québec, Sylvie Beauchamp, abonde dans le même sens. Dans un pays comme la Finlande, où l’université est gratuite, 90 000 candidats passent des examens d’entrée et le tiers seulement est admis. Sans compter que dans les grandes écoles françaises, par exemple, les étudiants issus des classes riches se paient une année de préparation et sont ainsi favorisés.
À la perspective d’un contingentement accru, Françoise David, tenante de la gratuité, grimace. Elle s’oppose aux examens d’admission et à un contingentement plus sévère qu’à l’heure actuelle.
À un peu plus d’une semaine du Sommet, le Parti libéral est dans une situation des plus inconfortables : il n’a toujours pas de position sur les droits de scolarité. Dans un point de presse jeudi, Gerry Sklavounos a promis qu’elle sera dévoilée d’ici le Sommet. Elle ne sera pas la même que celle du gouvernement Charest, a-t-il reconnu. Cette position pourrait d’ailleurs s’avérer bien éphémère : le candidat à la chefferie Philippe Couillard s’est dit favorable à l’indexation, bien que dans un texte récent, il semblait tergiverser.

Cohérence
Gerry Sklavounos a également du mal à garder un minimum de cohérence. Il soutient que les conclusions du Sommet sont dictées d’avance, tout en accusant le gouvernement d’improvisation. Il affirme que le Sommet a perdu de sa crédibilité à la suite de la décision de l’ASSE de ne pas y participer, alors que le gouvernement libéral dénigrait l’association qui l’a précédée, la Coalition large de l’Association pour une solidarité syndicale étudiante (CLASSE).
Pour sa part, François Legault a bu les paroles des recteurs Guy Breton et Heather Munroe-Blum ; il propose la création de deux classes d’université, l’une locale et l’autre d’envergure mondiale qui pourrait exiger des droits de scolarité plus élevés. De grandes universités qui font de la recherche - UdeM, McGill, Laval et Sherbrooke - et des universités plus modestes, le réseau de l’Université du Québec, essentiellement. Chose certaine, François Legault et Amir Khadir ne paraderont pas sur la même tribune pour parler d’enseignement supérieur. La position de la CAQ a le mérite de mettre en évidence les divergences de vues entre les « grandes universités » et l’UQ.
Pierre Duchesne arrivera au Sommet avec quelques éléments dans sa besace pour amadouer les uns et les autres. Des promesses de financement à long terme pour les recteurs et quelques « chantiers » - sur un Conseil des universités ou une Charte de l’éducation supérieure - pour les étudiants. Des modifications aux frais afférents pourraient leur être jetées en pâture. Surtout, il tentera de convaincre la FEUQ que les étudiants ont déjà gagné la partie pour l’essentiel, puisque les hausses « brutales » des libéraux sont chose du passé.
Si on a déjà une bonne idée de la piste d’atterrissage envisagée par le gouvernement, l’issue du Sommet demeure incertaine. On craint comme la peste les débordements et les affrontements avec les policiers lors des manifestations. Pauline Marois a promis de ramener la paix sociale : au gouvernement, on se croise les doigts pour que le Sommet en soit la démonstration.


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