Les Britanniques ont causé vendredi un véritable raz-de-marée en claquant la porte de l’Union européenne, qui vit probablement la crise la plus grave de son histoire, après celles de l’euro et des migrants. Le vote historique a révélé des fractures importantes au Royaume-Uni, provoqué la démission du premier ministre, David Cameron, et stupéfié le continent tout comme la communauté internationale.
Par une majorité claire, 51,9 % des électeurs britanniques ont décidé de dire non à l’Union européenne qu’ils avaient rejointe 43 ans plus tôt après de longues hésitations. Les électeurs auront donc bravé les avertissements de la City, du Fonds monétaire international, de la Commission européenne et même de Barack Obama, qui, tous, leur promettaient une grave récession économique s’ils votaient Leave. Malgré la pluie et les orages, durant toute la journée de jeudi, ils se sont massivement présentés aux urnes. Avec une participation de 72 %, il faut remonter à 1992 pour retrouver une aussi faible abstention. La plupart des instituts de sondage n’auront pas su décoder qu’autant de Britanniques reprochaient à l’Union européenne d’être antidémocratique, de coûter trop cher et de leur interdire de contrôler leur immigration.
Cameron démissionne
Devant le 10 Downing Street, visiblement ému, le premier ministre David Cameron a aussitôt pris acte de la décision des Britanniques et annoncé qu’il quitterait ses fonctions d’ici le mois d’octobre. En attendant, David Cameron consacrera ses efforts à calmer les esprits, aussi bien dans l’Union européenne que sur les marchés, qui ont vivement réagi. La livre sterling a aussitôt perdu 10 % de sa valeur par rapport au dollar américain, entraînant l’euro dans son sillage.
« Les Britanniques ont pris une décision claire, et je pense que le pays a besoin d’un nouveau leader pour aller dans cette direction », a déclaré le premier ministre sur un ton à la fois digne et sincère. « Je ne crois pas qu’il serait indiqué que je sois le capitaine qui mènera notre pays vers cette nouvelle destination. »
C’est donc à un nouveau premier ministre que reviendra la tâche d’invoquer l’article 50 du traité de Lisbonne signifiant ainsi à Bruxelles l’intention du Royaume-Uni de quitter l’Union européenne et enclenchant des négociations qui devraient durer deux ans. À Londres, pour succéder à David Cameron, tous les yeux sont tournés vers l’ancien maire de Londres Boris Johnson, qui a mené le camp du Leave à la victoire et qui n’a jamais dissimulé ses ambitions.
Dans la capitale britannique, on estimait que l’avenir politique de Jeremy Corbyn n’était guère plus assuré. Tout au long de la campagne, le leader travailliste, jusque-là très eurosceptique, a été accusé de se traîner les pieds et de ne pas défendre suffisamment l’Union européenne.
L’Europe est sonnée
Dans une Europe où l’insatisfaction des Britanniques est partagée par des secteurs croissants de la population et où jamais un pays n’a encore choisi de partir, le choix britannique apparaît comme un véritable coup de tonnerre. De Dublin à Berlin, les leaders européens cachaient mal leur effarement. Comme s’ils n’avaient jamais vraiment envisagé qu’un Brexit soit possible.
« Il n’y a pas à tergiverser. C’est un coup porté à l’Europe, un coup porté au processus d’unification européenne », a déclaré Angela Merkel, qui perd avec la Grande-Bretagne un allié de poids. Sur un ton conciliant, la chancelière, dont le pays est l’un des tout premiers exportateurs en Grande-Bretagne, a appelé les 27 États de l’Union européenne à se donner le temps de la réflexion et à ne pas prendre de décisions trop « rapides et simples ». « L’Europe est assez forte » pour trouver une réponse aux défis d’aujourd’hui, a-t-elle conclu.
En France, où le taux d’insatisfaction à l’égard de l’Union européenne est au moins aussi élevé qu’outre-Manche, le président François Hollande a adopté un ton nettement plus tranchant. « La Grande-Bretagne ne fera donc plus partie de l’Union européenne, et les procédures prévues par les traités seront rapidement appliquées, c’est la règle et c’est la conséquence, a déclaré le président. Le vote des Britanniques met gravement l’Europe à l’épreuve », a-t-il conclu tout en appelant à « prendre lucidement conscience des insuffisances du fonctionnement de l’Europe et de la perte de confiance des peuples sur le projet qu’elle porte ». Plus tôt cette semaine, le président avait tranché sans état d’âme : « Quand c’est non, c’est non, et il n’y a pas de statut intermédiaire. »
Angela Merkel a déjà convié ses homologues français et italien lundi à Berlin. Selon le site bruxellois EurActiv, les 28 et 29 juin, les leaders européens rencontreront d’abord David Cameron, puis ils délibéreront sans lui pour décider d’un sommet plus tard en juillet. En France, le vice-président de l’Assemblée nationale, François de Rugy, a appelé le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, à faire comme David Cameron et à démissionner.
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