Hockey et langue

Le retour des Maroons de Montréal

CH — boycott des produits Molson


Y aura-t-il toujours des misères faites à la langue française, des affronts faits aux parlants français dans cette Amérique aux accents par trop souvent hostiles? Et n'est-ce doubler l'injure que de nommer un unilingue de langue étrangère comme pilote des Canadiens de Montréal, au cœur de cette métropole dite la deuxième ville française du monde?
En fins renards, les suppôts de la perfide Albion auront toujours cette subtilité de «faire faire leurs jobs de bras» par des rois nègres du genre Pierre Elliott Trudeau ou les valets de service du style Jean-Jean, Chrétien et Charest. Le directeur général de la célèbre équipe centenaire, Pierre Gauthier, n'aura été rien d'autre (lors de sa dernière année, nous verrons bien) qu'une vulgaire copie de ces tristes sires atteints de la terrible mentalité de colonisés.
Une petite révolution s'est amorcée et les dénonciateurs pullulent. Les journalistes procèdent à de petites recherches et à des analyses; même la ministre St-Pierre jette les hauts cris, alors qu'une étude vient de démontrer 76 infractions à la loi 101 dans sa propre circonscription. Mais personne n'est vraiment retourné aux sources du problème qui a engendré la plus fameuse organisation sportive d'Amérique. A-t-on oublié que c'est en toute protestation contre la mainmise des Anglais sur le tout jeune sport du hockey qu'un groupe de jeunes Canadiens décida de fonder une équipe?
Il faut bien se rappeler qu'il y avait au Canada, le 3 décembre 1909, les Canadiens de sang français et les autres venus de la Grande-Bretagne qu'on appelait des Anglais. Il y avait aussi des rivalités de ligues avant l'avènement de la Ligue nationale en 1917. L'Association canadienne de hockey de l'Est comprenait les Sénateurs d'Ottawa, les Bouledogues de Québec, mais aussi les All-Montreal et les Shamrocks de la même ville, en plus du National. Outre les Canadiens, la nouvelle Association nationale regroupera les Wanderers, aussi de Montréal, et trois clubs de l'Ontario, soit Renfrew, Cobalt et Haileybury.
Un coup fourré
Près de trois quarts de siècle après l'ignoble rapport Durham qui proposait l'assimilation en douceur des Canadiens, les forces impérialistes avaient fomenté un puissant retour. Dans les provinces où les «fédérastes» avaient favorisé une immigration étrangère massive, on faisait en même temps la guerre à l'enseignement en langue française. Deux semaines après la première joute du 5 janvier 1910 des Canadiens, quelque 1200 congressistes franco-ontariens réunis à Ottawa fondaient l'ACFEO (Association canadienne-française d'éducation d'Ontario) pour contrer les machinations assimilatrices auxquelles participait le haut clergé de sang britannique.
L'évêque de London, l'oblat Francis Fallon de sinistre mémoire, était un francophobe notoire qui encouragea la mise en vigueur du règlement 17, lequel viendra interdire, comme on l'avait fait dans d'autres provinces, l'enseignement du français dans les écoles. La nomination de Charles Hugh Gauthier au siège épiscopal d'Ottawa, toujours en cette première saison des Canadiens, n'eut rien de rassurant, sa mère étant une MacAvoy, Écossaise d'Alexandria.
Ce sera aussi le combat linguistique mené par Le Devoir d'Henri Bourassa fondé en cette fameuse année de 1910.
Et lors du 21e Congrès eucharistique tenu le 10 septembre à Notre-Dame de Montréal, quand l'évêque de Westminster viendra enjoindre aux forces vives du catholicisme de se mettre à l'anglais, au nom de la grande unité de l'Église, ce même Bourassa lui servira une monumentale leçon de nationalisme.
La conscience nationale
Cette véritable éclosion du nationalisme au temps du tribun Bourassa se reflétait chez les joueurs des Canadiens, tous de sang français à l'exception du gardien Jos Cattarinich, qui joua quelques parties avant de laisser le but à Théodore Groulx puis au célèbre Georges Vézina à l'automne 1910. «Afin de donner au CANADIEN toutes les chances possibles de mettre une bonne équipe sur la glace», pouvait-on lire en décembre 1909, «les autres clubs de l'Association Nationale de Hockey ont résolu de ne pas engager de joueurs canadiens-français avant que Laviolette n'ait trouvé tous ses hommes.»
Outre le fameux capitaine Jack Laviolette, le légendaire Charles Édouard Lalonde et l'étoile Didier Pitre, des as franco-ontariens, ces jeunes porte-couleurs de la Sainte Flanelle avaient noms Bernier, Bertrand, Bougie, Chapleau, Chartrand, Décarie, Duquette, Larochelle, Leduc, les frères Millaire, Paillé, Poulin, Séguin et Trudel. Outre Vézina, s'ajouteront dès la deuxième saison les Payan, Payer, Power et Hector Dallaire de Rockland. Puis on verra Berlinguette, Dubeau, Jetté et d'autres Canadiens français nombreux, jusqu'aux brillants Pit Lépine, Johny Gagnon et Aurèle Joliat d'Ottawa.
Petit à petit, se grefferont quelques anglophones, dont des dirigeants et la vedette Howie Morenz. La conscience nationale aura tendance à s'édulcorer progressivement. Avec la venue de la Grande Dépression des années trente, les Maroons, dernière des nombreuses équipes anglaises de Montréal, financièrement sur la voie de la faillite, fusionneront aux Canadiens. Il n'en fallait pas plus.
Il n'y eut point de dualité linguistique, et qui dit bilinguisme dit foyer d'assimilation. Quand survient Maurice Richard en 1942, le futur Monsieur Hockey ne trouve plus qu'un seul compatriote valeureux en Émile Bouchard. Inconsciemment d'abord et malgré une adversité constante, il deviendra le porte-flambeau canadien-français et, lors de sa suspension de 1955, l'émeute au forum du 17 mars sonnera l'alarme d'un autre réveil nationaliste qui conduira à la Révolution tranquille, après la fondation de l'Alliance laurentienne de 1957 et du RIN de 1960.
Nouvelle ère francophone
Les Canadiens se refranciseront. Après quinze ans, l'entraîneur unilingue Dick Irvin disparaît. Les jeunes Geoffrion, le passionné et l'élégant Béliveau sont arrivés. Viennent les jeunes Henri Richard, le marchand de vitesse, et tant d'autres: le tenace Robert Rousseau, l'intrépide Yvan Cournoyer, le parrain Serge Savard et l'intelligent Guy Lapointe, le fleuron glorieux Guy Lafleur, nouvelle fierté du peuple dans la lignée des Richard et Béliveau, le volontaire Guy Carbonneau, le très doué Stéphane Richer suivi des talentueux Vincent Damphousse et Pierre Turgeon.
Puis c'est le malencontreux départ de Serge Savard et de Jacques Demers. Adieu les 24 coupes Stanley après 1993. L'amateurisme des dirigeants s'installe. Le recrutement au Québec fait cruellement défaut. Les joueurs viennent de partout, véritable concert des nations. Mais c'est la cacophonie sur glace. Les capitaines ne connaissent plus le français. L'esprit d'équipe s'étiole. Plus d'esprit d'appartenance et, partant, plus de fierté. Seul compte le dieu de la piastre.
Douloureux creux de vague et retour à l'anglomanie. À moins que ce soit un retour des Maroons de Montréal? Nouvelle dépression, fatale à notre bonheur. Précipice élevé d'où tombe notre honneur (Le Cid de Corneille, 1636).
Peuple du Québec, «les fruits sont mûrs, dans les vergers de mon pays. Ça signifie, l'heure est venue, si t'as compris» (Félix, Le tour de l'Île, 1975). Et c'est Maurice Richard, l'idole d'un peuple, qui lance et compte. Sous un tonnerre..., le Centre Bell s'écroule. Vivement un pays français d'Amérique!
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Yves Saint-Denis - Chute-à-Blondeau, Ontario
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ADDENDUM - Vigile
Poème composé par Félix Leclerc lors de sa rencontre avec le Rocket
Maurice Richard :
_ Quand il lance, l’Amérique hurle.
_ Quand il compte, les sourds entendent.
_ Quand il est puni, les lignes téléphoniques sautent.
_ Quand il passe, les recrues rêvent.
_ C’est le vent qui patine.
_ C’est tout le Québec debout
_ Qui fait peu qui vit…
_ Il neige !
Source : PELLERIN, Jean-Marie. « Maurice Richard : l’idole d’un peuple », Montréal, Éditions de l’Homme, 1998, p.11
Félix Leclerc, Île d’Orléans en 1983 lors de sa rencontre avec le Rocket le 19 octobre.


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