J’ai écrit mon dernier billet intitulé « L’erreur » au petit matin. Tant qu’à ne pas dormir, pourquoi ne pas écrire ? Et comme je le fais souvent, aussitôt écrit, je me suis empressé de lancer mon dernier-né dans le cyberespace sans trop l’avoir révisé. Quelques heures plus tard, en me relisant, j’ai cru alors y déceler cette grosse faute tant redoutée en première page de Vigile : « détenir » un rapport de force. On peut construire ou même exercer un rapport de force, mais peut-on vraiment en « détenir » un ? Si je pouvais répondre par l’affirmative à cette question, je n’aurais pas besoin de corriger mon texte. Il me fallait donc trouver des exemples concrets pour me conforter dans mon « erreur ».
Construire et exercer...
C’est ce que les indépendantistes ont fait lorsqu’ils ont fondé le Parti Québécois et le Bloc Québécois. Ils ont « construit » le rapport de force qu’ils ont « exercé » lors des deux référendums qui ont suivi la création et l’élection de ces deux partis.
… ou détenir
Mais depuis 1995, les indépendantistes ont cessé de construire et d’exercer des rapports de force. Aucun événement majeur n’est venu galvaniser les troupes. L’adoption de la loi sur la clarté est passée comme une lettre à la poste, et ce petit soubresaut qui a immédiatement suivi les révélations de la commission Gomery au sujet du scandale des commandites est demeuré un divertissement au ras des pâquerettes. Mais, somme toute, très peu a été fait par le mouvement indépendantiste depuis 1995 afin de profiter des erreurs de nos adversaires, sinon « détenir » sagement un rapport de force. En fait, rien n’a été fait pour augmenter la pression sur nos opposants fédéralistes !
La vérité est que nous ne construisons plus de rapport de force au Québec depuis le dernier référendum. Nos chefs font même tout pour taire les débats sur la nécessité de faire l’indépendance. Loin de les susciter, ils les étouffent. Il n’est donc pas étonnant que les indépendantistes, comme plusieurs Québécois, soient de moins en moins nombreux à aller voter. Personne ne les y incite. Aucun projet pour les motiver, que des discours pour les détourner des vrais enjeux. Nous attachons plus d’importance à la rhétorique qu’à la dialectique de l’indépendance. Voilà pourquoi de moins en moins de Québécois s’y intéressent, surtout les jeunes.
La dernière élection fédérale en est une preuve flagrante. Nos chefs se sont plus attachés à discourir sur la nécessité de battre Stephen Harper qu’à faire la promotion de la souveraineté. L’un n’aurait certainement pas empêché l’autre ! On ne sera donc pas étonné d'apprendre qu’au lendemain du 14 octobre Gilles Duceppe ait déclaré que les Québécois n’avaient pas voté pour l’indépendance en votant Bloc, même s’ils avaient voté pour un parti indépendantiste. On ne peut pas avoir un plus bel exemple de rhétorique. Pourtant, je suis convaincu que les 38 % de Québécois qui ont voté Bloc sont surtout des indépendantistes, cela correspond étrangement au 40% qu’on nous donne dans tous les sondages depuis un an.
...le rapport de force
N’eut été la dernière sortie de Jacques Parizeau, les dernières déclarations du président Sarkozy seraient probablement demeurées lettre morte. Comme si le mot d’ordre de nos chefs était de ne pas trop faire de vagues. Il ne faut surtout pas contredire le président Sarkozy parce que cela n’est pas poli en public ! Il ne faudrait plus parler d’indépendance parce que ce n’est plus à la mode, ça fait peur aux électeurs ! Il ne faut plus construire, ni exercer de rapport de force, juste le « détenir ». Ça casse moins de vaisselle dans les salons de thé des gentils diplomates et les cocktails-bénéfices où nos bons hommes d’affaires sont invités afin de généreusement contribuer à la caisse électorale du parti. Je ne sais pas si c’est ce que René Lévesque avait en tête lorsqu’il a proposé l’adoption de sa loi sur le financement des partis politiques !
L’erreur
Je n’avais donc pas commis d’erreur en cette nuit du 18 octobre 2008 alors que j'écrivais « L’erreur ». Si erreurs il y a, c’est celle du président français qui a renoncé à maintenir la politique de non-ingérence et de non-indifférence de la France à l’égard du Québec, et celle des chefs indépendantistes qui se complaisent à détenir un simple rapport de force avec nos opposants fédéralistes, alors qu’ils devraient plutôt s’affairer à en construire et à en exercer de nouveaux.
Louis Lapointe
Alors qu’ils devraient construire et exercer...
Le rapport de force
…le PQ et le Bloc peuvent-ils se limiter à le détenir
Chronique de Louis Lapointe
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L'auteur a été avocat, chroniqueur, directeur de l'École du Barreau, cadre universitaire, administrateur d'un établissement du réseau de la santé et des services sociaux et administrateur de fon...
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L'auteur a été avocat, chroniqueur, directeur de l'École du Barreau, cadre universitaire, administrateur d'un établissement du réseau de la santé et des services sociaux et administrateur de fondation.
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1 commentaire
Archives de Vigile Répondre
19 octobre 2008Les choses vont très bien pour les militants indépendantistes.
La victoire du Bloc qui a remporté 2/3 des députés avec seulement 38% des votes est un sacré rapport de force.
La participation au vote se réduit et ce sont les indépendantistes qui sont les plus politisés, plus instruits politiquement et les plus actifs.
Les fédéralistes sont en mode panique et ce spectacle de Sarkozion se voulait un fouettage du fédéralisme.
Mais, malheureusement pour eux, leur tactique d'abrutissement de la masse est incompatible avec la conscience politique et donc produit des électeurs paresseux.
Nous devons être encore plus actifs et surtout se rassembler.
Nous pouvons avoir le pouvoir avec un minimum de votes.
Il faut surtout se maintenir et s'entretenir entre-nous et laisser les fédéralistes s'endormir. Ne pas les brasser.