Première partie
Seuls les peuples qui ont soif de liberté, ceux qui savent ce que l'aliénation identitaire veut dire, seuls ces peuples savent puiser dans leurs entrailles la volonté d'offrir aux générations futures un pays indépendant.
Des changements majeurs sont en cours dans la Belle Province
Souvent, pour ne pas dire tout le temps, des évènements conjoncturels mais dont les effets se font sentir, non seulement à long terme mais aussi à très court terme, selon la manière dont ils sont perçus par le commun des mortels, nous interpellent et nous invitent à réagir. Ils sont soit à proximité soit à distance. Ils deviennent des enjeux cruciaux dans le devenir d’un peuple. Lorsqu’ils sont vécus à distance et que nous ne pouvons rien y faire il ne nous reste qu’à les apprécier à froid. Cependant, ils nous invitent à un plus de réflexion.
Par exemple, l’autodétermination, l’indépendance, la libération sont des moments qu’il faut réaliser et vivre pour soi-même et pour les autres. Ce qui se passe au Québec, où je vis depuis plus de quinze, années, m’invite à exprimer mon opinion et mon sentiment le plus profond au sujet de son maintien dans la confédération Canadienne ou son indépendance. Mais la décision ultime dépend avant tout des Québécoises et des Québécois.
Rappelons à celles et à ceux qui feignent de l’ignorer ou l’ont réellement oublié que des citoyens de pays européens constitués depuis plus d’un demi-siècle demandent pour leurs provinces, leurs régions ou leurs territoires, l’autonomie et quelques-uns, tels que l’Écosse, veulent l’indépendance. Ils le font essentiellement afin de préserver leur identité et leur culture originelles mais aussi pour partager les valeurs universelles. Le Québec, cette Belle Province du Canada et d’Amérique du Nord n’est pas en reste.
En 2006, le Monténégro a déclaré son indépendance rompant avec ce qu’était devenu la communauté d’États de Serbie-et-Monténégro.
En octobre 2015, en Catalogne, lors des élections la coalition ‘’Ensemble pour le oui (JxSí)’’ et la Candidature d'unité populaire (CUP), défendant un programme indépendantiste, ont remporté 73 députés sur 135 au Parlement, avec 47,8 % des suffrages exprimés.
Considérant juste ces deux temps forts, comment pourrait-on ignorer que cela fait déjà plus de cinquante ans que des pans entiers de la société Québécoise sont encore à la recherche de l’indépendance de leur pays ?
Beaucoup d’immigrants qui arrivent au Canada, ignorants de l’histoire des premiers européens qui ont débarqué sur les rives du St Laurent, demandent depuis plusieurs décennies et à qui veut les entendre : Pourquoi, l’ont-ils égarée, pourquoi la cherchent-ils encore puisqu’ils n’ont pas su la préserver, la protéger, la garder ?
La réponse est simple mais concise et claire : Non ! Ils n’en ont jamais disposé.
Le Québec, c’est environ 8.000.000 habitants et un territoire qui couvre une superficie de 1.667.441 Km2 dont 21 % recouverts d’eau (Lacs, fleuves, rivières, sources). À elle seule cette ressource naturelle est une véritable richesse pour les générations futures. Le Québec est aussi la plus grande province du Canada.
Des changements majeurs sont en cours dans la Belle Province et, encore une fois, c’est le parti Québécois qui est sous les feux de la rampe malgré l’incendie ravageur de Fort Mc Murray en Alberta, à l’autre bout du Canada. Encore une fois, le point de mire, reste le Parti Québécois qui vient d’être déstabilisé par le départ impromptu de son chef Pierre Karl Péladeau. Cette ‘’sortie’’ donne un grand répit au gouvernement libéral provincial et fait oublier pour une période sa non-gouvernance. Personne ne saurait nier le fait que ce Parti, est une institution du siècle dernier, née à la lumière des indépendances.
Malgré les vicissitudes du temps, l’adversité à la fois endogène et exogène c’est-à-dire partisane provinciale et / ou fédérale et parfois continentale, malgré des changements organisationnels souvent inexplicables et inexpliqués, nonobstant les départs de leaders - hommes et femmes - d’exceptions, cette institution survit au temps et aux évènements, sans pour autant atteindre l’objectif qu’elle s’était fixée au début des années ‘’60’’.
Pourtant le problème - parce qu’il y a un problème - persiste et la solution ne semble pas être trouvée. Chacun y va de sa proposition, de sa suggestion, de ses idées de révision, de réorganisation, de changement mais l’indépendance est toujours dans le tunnel et la fameuse lumière qui devrait être le signe son bout n’apparait pas encore.
J’y ai pensé et malgré mon manque de connaissance des arcanes du Parti Québécois, j’ai fait deux tableaux : d’un côté les hommes et les femmes du Parti et de l’autre celui de leurs idées sur fonds de souveraineté ou d’indépendance. J’en ai conclu que les références, à quelques exceptions près sont les mêmes mais elles ne rassemblent pas et souvent elles ne font pas dans l’unité des rangs.
Cela m’a rappelé le fonctionnement du Front de Libération Nationale D’Algérie devenu après l’indépendance de l’Algérie le Parti Unique et ses multiples courants idéologiques. Je n’irai pas plus loin dans la comparaison qui offusquent déjà quelques lecteurs. Elle n’est pas de mise selon les uns et elle n’est pas pertinente selon les autres. Mais, j’ai osé… Alors, je poursuis ma réflexion pour dire quelques mots sur l’immigration.
Contrairement à ce que pensent et veulent faire accroire quelques faiseurs d’opinons et bien entendu quelques immigrants mal intégrés et souvent ignorants de l’Histoire de leur pays d’accueil, bien des immigrants, dis-je, qui ont quitté leurs pays d’origine pour venir s’installer au Québec s’intègrent, s’impliquent et veulent participer à la réalisation de ce pays qui sera aussi le leur. Ils savent qu’ils ne peuvent pas rester neutre ou indécis lorsqu’une indépendance est en jeu.
Théoriquement, l’indépendance d’un pays n’est pas l’affaire d’un seul homme ou d’une seule femme.
Depuis 1995, les Québécoises et les Québécois ont-ils compris et savent-ils que faire l’indépendance d’un pays ne saurait se résumer à une bataille à la chefferie, à la désignation d’un leader ou d’un chef d’un parti aussi prestigieux soit-il et que La chefferie ne saurait être le moteur de la lutte pour l’indépendance ?
À mon humble avis, dès le départ, la sémantique est à revoir. Commençons par nous demander qu’est-ce que l’indépendance ? Ensuite, demandons-nous qu’est-ce que la souveraineté ? Personnellement, je ne répondrais ni à l’une ni à l’autre des deux interrogations, parce que j’ai vécu une indépendance et je conçois que celle et celui qui n’ont pas vécu cette expérience n’exprimerons pas le même sentiment. Par contre j’élimine le concept de la souveraineté pour une raison toute simple, il fait référence à la monarchie, et je pense à la Britannique et par opposition elle me fait aussi penser à la monarchie pontificale.
Faire l’indépendance d’un pays est en soi une œuvre colossale qui intéresse et concerne autant ses hommes que ses femmes et surtout si elles et ils mettent de l’avant l’avenir des générations futures. Il est indéniable que depuis plus de cinquante ans, le Québec a progressé, il s’est développé et bien entendu les Québécoises et les Québécois ont évolué, mais est-ce suffisant sans une véritable émancipation collective ? Est-ce suffisant pour achever le projet d’une véritable indépendance ?
Faire l’indépendance d’un pays c’est, avoir la conviction que c’est le rassemblement des forces vives de la nation qui saura venir à bout des divergences pour une lutte de longue haleine. Une lutte pour des idées citoyenne, une lutte pour une véritable justice sociale, une lutte pour une répartition équitable des richesses du pays, une lutte pour une gouvernance qui prend en considération les besoins de toutes et de tous.
Faire l’indépendance d’un pays c’est anticiper que sur le champ de l’adversité des premiers, des seconds et des militants avérés et convaincus, sans omettre des citoyens désabusés et frustrés que les chefs n’ont pas atteint pour parachever le projet et son but final, ne seront présents pour fêter la consécration finale.
Pour celles et ceux qui le savent déjà - et pour nous qui venons de loin et qui l’avons vécu - faire l’indépendance a exigé de nos aînés, celles et ceux qui l’ont réalisée de gros sacrifices, y compris ceux envers les plus proches et les plus intimes.
En fait, nous qui l’avons vécue, nous l’avons appris au fur et à mesure que le temps passait et que nous comprenions l’importance de ces sacrifices et nous en avons pris conscience. Nous avons aussi compris que seuls les peuples qui ont soif de liberté, ceux qui savent ce que l'aliénation identitaire veut dire, seuls ces peuples savent puiser dans leurs entrailles la volonté d'offrir aux générations futures un pays indépendant.
Au plus profond de leurs êtres les Québécois le savent mais encore une fois, la recherche du consensus légendaire n’y est pas pour se lancer, à l’unisson, dans cette belle aventure.
Faire l’indépendance, c’est aussi, pour les leaders, les chefs, les politiques et les militants, énoncer clairement les principes, les valeurs et les règles qui participeraient de l’atteinte au but final qu’ils s’assignent et qu’ils souhaitent atteindre comme patriotes prêts à tout sacrifier pour le recouvrement de l’identité et de la vraie distinction culturelle.
Faire l’indépendance d’un pays c’est savoir que vivre libre dans son propre pays est meilleur que de vivre sous la dépendance et le pouvoir de l’autre comme aliénés. La prison tutélaire, condescendante et dédaigneuse est avant tout idéologique, elle est pire que le bagne. La vivre et la subir c’est finir par mourir comme coupable d’un crime de lèse-majesté ou on s’en échappe comme victime d’une machination. Lorsqu’on voit le mépris avec lequel sont qualifiés ‘’les séparatistes’’ qui peut vivre et survivre sans dignité, sans indépendance et sans être libre ?
Ceci devient d’autant plus crucial que l’aliénation fait perdre tout ce qui a été l’histoire des ancêtres, de leur identité, de leur culture, de leur langue remplacées par d’autres plus prégnantes et envoutantes au point que la résistance des plus convaincus s’étiole au fil du temps et devient tenue, fragile et au final impuissante à faire face à une nouvelle histoire qui s’écrit de plus en plus sans leur concours, qui leur est imposée et qu’ils doivent assimiler et répéter comme étant la leur.
L’indépendance d’un pays, n’est pas l’affaire d’un seul homme aussi charismatique soit-il ou d’une seule femme aussi leader ou pionnière soit-elle, c’est l’affaire d’hommes et de femmes porteurs d’un projet de pays, d’un projet de société, d’un projet de citoyenneté. Il importe pour la faire d’informer, de sensibiliser et de conscientiser les citoyens par des actions constantes et permanentes de ce qu’apportera l’indépendance à toutes et à tous.
Les grands agrégats d’un État tels que la défense nationale, l’économie, la diplomatie, l’éducation, la santé, la jeunesse, la solidarité ne sauraient configurer à eux seuls les contours d’un pays si au préalable les fondements de la Nation ne sont pas pensés, conçus, considérés et partagés fièrement et dignement par tout le peuple.
À suivre
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4 commentaires
Garcin Francine Répondre
15 mai 2016Bonjour M. Chikhi,
J'ai relu vos articles publiés par Vigile, la constance vous l'avez, vos idées, vos témoignages, vos suggestions sont fort judicieux et je sais que quelques-uns s'en inspirent, y compris, dans leurs recherches académiques. Mais bien entendu, même si vous n'êtes pas cité, vous êtes présents dans nos pensées.
Comme le dit M. Carmichael vous êtes plus que beaucoup de souche et il faut reconnaître que nous aimons des personnes comme vous qui ont su suivre le bon chemin pour s'intégrer et faire partie de notre Société francophone en progrès constant et surtout avec une ouverture permanente en matière d'égalité des droits entre les femmes et les hommes. J'aimerais vous lire à ce sujet et lire votre seconde partie.
Francine Garcin
Ferid Chikhi Répondre
14 mai 2016Messieurs Sauvageau et Carmichael, merci pour vos appréciations.
La seconde partie de ma réflexion a été envoyée à la rédaction de Vigile. Je pense qu'elle verra à sa publication dés sa validation.
M. Carmichael, rassurez-vous, je suis pour l'autodétermination des peuples et si je pouvais poussez surle bouton pour l'indépendance du Québec je n'hésiterai pas un instant.
Dans ma seconde partie je souligne que l'ère des révolutions armées n'est plus de mise et le Québec a réinventé et mis à jour la ‘’Révolution Tranquille’’ mais une question subsiste : jusqu’où ses militants sont-ils prêts à aller pour l’habiller de la belle étoffe de l’émancipation ?
Mes cordiales salutations,
Ferid
Archives de Vigile Répondre
12 mai 2016Entièrement d'accord avec M. Sauvageau. Quel excellent texte. On a hâte de lire la suite. Juste un bémol: Vous écrivez «Ce qui se passe au Québec, où je vis depuis plus de quinze, années, m’invite à exprimer mon opinion et mon sentiment le plus profond au sujet de son maintien dans la confédération Canadienne ou son indépendance. Mais la décision ultime dépend avant tout des Québécoises et des Québécois.»
Cela laisse entendre que vous ne seriez pas partie prenante de cette décision ultime. Vous êtes un québécois à part entière, M. Chikhi. Même plus québécois que bien des "de souche".
Il est ironique de réaliser qu'en Algérie, ils ont acquis leur indépendance en versant leur sang, tandis qu'ici, on a peur de notre ombre. Pourtant, cela serait cent fois plus facile ici. Vous devez nous trouver pas mal moumoune!
Archives de Vigile Répondre
12 mai 2016Quel texte extraordinaire ! Si seulement, la grande majorité des québécois(e)s, de quelque origine qu'ils soient, réalisaient tous les avantages à poser ce geste de libération et prenaient leur avenir en main, ce serait le début d'un temps nouveau.
Merci.