Une fois admis que les écarts de niveau de vie et de chômage entre le Québec et l'Ontario ont considérablement diminué, voire disparu, au cours des vingt dernières années, on peut légitimement se demander si la performance du Québec en matière d'immigration, elle, s'est améliorée.
À court terme, les mouvements migratoires réagissent à de multiples influences: économiques (taux de chômage, boom albertain), administratives (contingents imposés par Ottawa et Québec), culturelles (climat linguistique) et politiques (référendums constitutionnels). La tendance à long terme du solde migratoire n'est pas toujours facile à repérer à travers ces fluctuations. Toutefois, dans le cas présent, les données qui s'échelonnent sur une vingtaine d'années aident à y voir clair. Elles permettent un certain optimisme au sujet de la capacité d'attraction du Québec comme terre d'immigration.
Le solde migratoire est la différence entre le nombre d'immigrants (les entrées) et le nombre d'émigrants (les sorties). Dans le cas des provinces comme le Québec et l'Ontario, on enregistre non pas un, mais deux soldes migratoires: international et interprovincial. La distinction n'est pas que comptable, elle a aussi une portée analytique. L'immigration internationale est tenue de respecter les contingents fixés par les autorités de l'immigration (canadiennes ou québécoises). L'immigration interprovinciale résulte, au contraire, de décisions que les résidents canadiens (citoyens ou immigrants reçus) prennent en toute liberté.
Traditionnellement, les deux soldes migratoires, international et interprovincial, ont été plus faibles au Québec qu'en Ontario. Au cours de la période de 1985 à 1989, par exemple, les entrées nettes annuelles d'immigrants internationaux au Québec ont été inférieures de 331 personnes par 100 000 habitants à celles qui étaient enregistrées en Ontario. Pendant ce temps, le solde migratoire interprovincial du Québec a accusé un déficit annuel de 341 personnes par 100 000 habitants par rapport à celui de l'Ontario. Au total, donc, les mouvements migratoires ont ajouté 672 personnes par 100 000 habitants de moins au Québec qu'en Ontario.
Performance économique en cause
La situation a cependant nettement évolué depuis vingt ans. Le déficit migratoire international annuel du Québec par rapport à l'Ontario a baissé du tiers. De 331 personnes par 100 000 habitants qu'il était en 1985-1989, il n'était plus que de 227 personnes vingt ans plus tard, en 2005-2009. En même temps, le déficit migratoire interprovincial du Québec par rapport à l'Ontario, qui était de 341 personnes par 100 000 habitants en 1985-1989, a entièrement disparu.
En 2005-2009, le solde migratoire interprovincial a été négatif dans les deux provinces, principalement en raison des mouvements de population vers l'Ouest canadien, mais il n'a pas été plus négatif au Québec qu'en Ontario. Ainsi, au cours de cette période récente, le solde migratoire total annuel du Québec (somme de l'international et de l'interprovincial) n'a été inférieur à celui de l'Ontario que de 227 personnes par 100 000 habitants. Le déficit annuel de 672 personnes par rapport à l'Ontario enregistré en 1985-1989 a donc été amputé des deux tiers en vingt ans.
On ne sait pas encore précisément dans quelle mesure la bonne performance économique du Québec relativement à l'Ontario de 1989 à 2009 a été responsable de ces évolutions. Mais il serait farfelu de croire qu'elle n'a joué aucun rôle et que le hasard est la seule cause. En elles-mêmes, les observations qui précèdent ne favorisent ni une augmentation ni une diminution des contingents officiels d'immigrants internationaux au Québec. Mais elles permettent d'affirmer que le temps est venu de reléguer aux oubliettes la vision dépassée d'un Québec qui, pour des raisons économiques, souffrirait d'une incapacité congénitale à attirer autant d'immigrants que son voisin en proportion de sa population.
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Pierre Fortin, professeur émérite d'économie à l'UQAM
Immigration
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