Face au mutisme du Parti québécois sur les politiques libérales en matière d’immigration, il est à se demander si la déclaration de l’ancien premier ministre Jacques Parizeau sur le vote ethnique le soir du 30 octobre 1995 aurait pu faire naître, notamment chez les souverainistes, cette censure insensée dans les débats publics. Au Québec, c’est sans aucun doute une entreprise périlleuse pour sa réputation que de tenter de critiquer les politiques d’immigration. Ce n’est toutefois pas cet état d’esprit collectif qui a empêché le député indépendant Pierre Curzi, nouvellement libéré de ses contraintes partisanes, de ramener sur la table une question dont la pertinence pour la société québécoise est indiscutable. Selon ses propos, rapportés dans Le Soleil du 15 juillet, la volonté du gouvernement Charest d’accueillir 200 000 nouveaux immigrants d’ici 2015 n’est pas de nature à aider la cause souverainiste « si l’intégration n’est pas réussie et dans la mesure où la francisation est incertaine ».
En tant que personnes immigrantes demeurant au Québec depuis plus de 20 ans et côtoyant tous les jours des personnes issues des communautés culturelles, nous nous permettons également de transgresser l’interdit. À notre avis, les propos de Pierre Curzi, quoiqu’encore trop timides, sont fondés. Nous sommes à même de constater le rejet quasi unanime et souvent véhément du projet d’indépendance chez les personnes immigrantes. Force est de constater, en outre, la rhétorique anti-francophone et anti-québécoise chez certains anglophones d’origine immigrante qui, bien que dirigée contre la majorité, frôle le racisme. Il n’y a en principe aucune raison pour une personne immigrante d’appuyer un projet étranger à son ethnicité. L’immigrant est fédéraliste par défaut. Pour lui, la question nationale est réglée dès son arrivée au Canada ou lors de son serment d’allégeance à la reine. Les rares souverainistes issus des communautés culturelles, quant à eux, ne sont pas représentatifs des points de vue politiques de leurs communautés, d’autant plus que le simple fait de s’y afficher souverainiste entraîne automatiquement l’incompréhension, voire l’« excommunication ».
La défrancisation alarmante de Montréal combinée à la ghettoïsation de 80% des nouveaux arrivants dans la métropole fait en sorte que l’intégration à la culture québécoise est vouée à l’échec, car on tente une intégration au sein d’anciennes cohortes non encore bien intégrées. Dans certaines enclaves multiethniques telles que Parc-Extension, l’immigrant type n’y côtoie que d’autres personnes immigrantes, forcé de s’exprimer tantôt dans sa langue d’origine, tantôt en anglais alors que pratiquement aucun francophone n’habite les environs. Ainsi, la proportion des personnes immigrantes qui s’intègrent à la majorité francophone, empruntant les habitudes linguistiques et identitaires de celle-ci n’est pas substantielle. Pour ce qui est d’en adopter les comportements électoraux, c’est zéro. L’analyse des résultats des référendums et des élections provinciales et fédérales successives montre que le vote des immigrants est une constante extrêmement prévisible. Cette assertion s’applique également aux communautés établies de longue date (italienne, juive, etc.) dont à peu près tous les membres votent libéral à vie. Cela fait en sorte d’assurer à certains candidats libéraux fédéraux et québécois de Montréal une victoire à coup sûr, indépendamment des vagues ou conjonctures politiques. Ce monopole électoral du Parti libéral du Québec sur les minorités n’est pas étranger aux cibles d’immigration exorbitantes et arbitraires prônées par le gouvernement Charest.
C’est d’ailleurs sans surprise que la ministre Kathleen Weil, en réponse aux propos de Pierre Curzi, s’est rabattue sur l’argumentaire traditionnel selon lequel l’immigration stimule le dynamisme économique et démographique du Québec. Les fondations mêmes de cette politique ont pourtant été réfutées dans « Le remède imaginaire », récent livre dans lequel les auteurs Dubreuil et Marois démontrent que l’immigration n’a pas les vertus économiques et démographiques qu’on lui prête. Les consultations publiques initiées par la ministre en avril dernier auraient dû, à tout le moins, se pencher sur les conclusions de cet ouvrage. Le Conseil supérieur de la langue française vient par ailleurs d’affirmer que le Québec ne prenait pas tous les moyens nécessaires pour intégrer ses immigrants. En tout état de cause, vu la situation linguistique sur l’île de Montréal où les francophones sont désormais minoritaires, et vu l’échec manifeste des tentatives d’intégration menées à ce jour, il est clair que le Québec a atteint, voire dépassé sa capacité d’accueil et d’immigration. D’autre part, n’eut été les effets néfastes de l’immigration sur la situation du français, les récents propos de Gilles Duceppe selon lesquels les Québécois et Québécoises seront sur la même pente que les Franco-canadiens et les Acadiens s’ils ne bougent pas d’ici 15 ans ne traduiraient pas autant la réalité. Bref, le lien de causalité entre l’immigration, la minorisation des francophones au Québec et la possibilité de réaliser l'indépendance est évident.
Compte tenu du caractère facultatif de la francisation et de la forte proportion d’immigrants qui choisissent plutôt l’anglais, il n’est pas rare que l'intégration dite « négative » annule les effets de l’intégration francophone. En réalité, lors même que l’intégration était réussie, l’immigration demeurerait néfaste à la cause souverainiste puisqu'à notre avis, la corrélation entre le niveau d'intégration et l'appui à l'indépendance est faible. En 1995, le droit à l’autodétermination d’un peuple a été nié par le vote d’environ 50 000 personnes détenant un certificat de citoyenneté canadienne octroyé à la hâte et dont les liens avec le Québec ne se résument qu’à leur arrivée récente. Alors que plus de 60% des francophones ont choisi de se donner un pays, la répartition ethno-démographique de l’époque a néanmoins empêché cette victoire.
Au prochain référendum, s’il en est, il est fort probable qu’on assiste au même comportement référendaire de la part de la minorité qui, à ce rythme, aura presque doublé en nombre. Le seuil à atteindre pour les francophones risque dès lors d’être insurmontable, sans parler de l’effet d’un moratoire de dix ans sur la question nationale tel que proposé par François Legault.
Tout compte fait, l’immigration en tant que compétence partagée s’avérera un moyen démocratique pour le Canada de faire échec à tout éventuel référendum sur l’indépendance du Québec, représentant par le fait même une garantie en béton pour son unité.
Antoine Phirun Pich et Nathalie Celestin
Immigration et souveraineté
L'immigration massive au Québec: une garantie en béton pour l'unité canadian
le lien de causalité entre l’immigration, la minorisation des francophones au Québec et la possibilité de réaliser l’indépendance est évident.
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10 commentaires
Yves Capuano Répondre
11 mai 2015La première chose à faire est de donner le droit de vote lors du prochain référendum sur la souveraineté seulement aux québécois nés au Québec. Cela est légal et c'est probablement la seule façon pour les québécois de se faire un pays de façon démocratique. Cela permettra de résoudre la question du nombre d'immigrants au Québec de façon plus rationnelle. Si on commence à voir chaque immigrant qui arrive ici comme un "non" au référendum sur la souveraineté, on n'a pas fini de voir de multiples dérapages dans le camp du oui. Par contre, toute personne qui prétend vouloir gagner un référendum en laissant les immigrants voter comme s'ils étaient nés ici vient d'enlever beaucoup de chances de gagner au clan souverainiste.
Pour ce qui est de la quantité d'immigrants qui immigrent au Québec il faut être très prudent. Voulez-vous diminuer les immigrants qui arrivent de la France par exemple? Il me semble que cela serait ridicule. Je pense que, si l'on désire intégrer les immigrants, il faut exiger la connaissance presque parfaite du français dès leur arrivée pour tous les immigrants de la catégorie économique, ce qui n'est pas le cas. Pour ce qui est des immigrants de la catégorie familiale, (environ le tiers de l'immigration en incluant les réfugiés) il faut exiger la connaissance du français après 3 ans au Québec sous peine d'amende. Dans plusieurs cas l'attente pour immigrer au Québec est de plus qu'un an. Pourquoi ne pas fournir des cours de français dans leurs pays à ses immigrants si tout ce qui leur manque est la connaissance du français pour être de parfaits candidats à l'immigration? Je pense aussi qu'on devrait presque accepter automatiquement tous les immigrants dont la langue maternelle est le français. Il y a une différence entre connaître une langue et avoir cette langue comme la vue maternelle....
La combinaison de mes deux propositions permettent d'augmenter notre immigration et de gagner le prochain référendum!
mes deux articles dans Vigile à ce sujet
http://vigile.net/Pour-une-plus-grande-immigration
http://vigile.net/Etre-ne-au-Quebec-pour-voter-au
Archives de Vigile Répondre
26 août 2014l'immigration relève officiellement et en définitif qu'au gouvernement fédéral ,la citoyenneté est Canadienne et non Québécoise et tant qu'on donnera le droit de vote pour un référendum sur l'avenir du petit peuple du Québec aux immigrés ,aux non natifs au pays rien ne fonctionnera et c'est normal ,il me semble que ce point avait fait l'objet d'un débat au sein de l'ONU pour les Sahraoui,ou ils s'étaient rendu compte que le Maroc envoyait vivre beaucoup de ses ressortissants pour gonfler éventuellement les urnes, nous n'aurons jamais de pays car il est trop tard pour un référendum gagnant .
Archives de Vigile Répondre
1 janvier 2012Il faut empêcher l'immigration de masse sous prétexte qu'elle serait néfaste au projet souverainiste et si les immigrants étaient plus favorables à la séparation du Québec, il aurait fallu l'encourager? Voyons, soyons sérieux! Peut-être que les amérindiens auraient aussi dû arrêter l'immigration de masse au 17ème siècle.
Pas un mot de l'exode massif des francophones qui rêvent tous d'une maison de banlieue dans la couronne Nord et la rive sud?
Aucun mot sur le fait que les appuis à la souveraineté sont a niveau tellement bas en ce moment qu'il est évident qu'une majorité francophone n'est plus favorable à la séparation.
Archives de Vigile Répondre
21 septembre 2011Antoine, etes-vous encore membre de Québec Solidaire ?
Que pensez-vous de la position très favorable de Québec Solidaire sur l'immigration ?
Réjean Labrie Répondre
21 août 2011Chère madame, cher monsieur,
Vous n'êtes plus des immigrants mais de vrais Québécois comme nous maintenant. Bravo!
Vous faites preuve de lucidité et de clairvoyance dans vos propos clairs et nets.
Convergence des esprits, j'ai exprimé le même jour que vous un point de vue similaire, comme dans de nombreux autres de mes articles nationalistes.
http://www.vigile.net/Le-Canada-implante-de-futurs
Si plus d'immigrants vous ressemblaient, le référendum de 1995 aurait été gagné et vous et moi habiterions depuis dans un pays libre et beau.
Réjean Labrie
Archives de Vigile Répondre
21 août 2011LA FÉDÉRATION BRITANICO-ANGLO-CANADIAN
Il est clair qu'il y a au Québec un réveil de sa Nation Canadienne Française - qu'on appelle à présent «Québécois» - que les Britanniques ont toujours voulu voir disparaître et, au pire pour eux, être assimilée et pauvre. C'était ouvertement le but visé par le rapport Durham publié à Londre en 1839 et qui exigeait la disparition pure et simple de ladite Nation devenue minoritaire au Canada.
C'est ce que des fédéralistes monarchiques et des traitres - composés de quelques québécois abrutis - tentent encore aujourd'hui de compléter. Ladite Nation n'est plus dupe du Parti Québécois.
L'action est déjà commencée, de façon pacifique du côté des indépendantistes jusqu'à présent.
De mon point de vue, l'immigration en tant que «compétence partagée» dont il est fait mention pour conclure l'article, n'a de partage et de compétence que dans une volonté d'assimilation ou de génocide de la Nation Canadienne Française qui vit sur ses terres au Québec depuis plus de 400 ans et qui possède depuis tout ce temps les compétences pour s'auto-gérer ou pour tout autre cause.
De plus, j'ajoute que ce n'est certes pas dans le plus grand des intérêts pour les Premières Nation d'Amérique que ledit génocide est présentement en action et caché sous une formulation magique de pseudo démocratie.
S'il se réalise, il est peu enviable le sort qu'on réserve présentement à ma Nation Canadienne Française du Québec enchaînée à une hypocrite et anti-démocratique fédération britannico-anglo-canadian.
Vive le Québec libre!
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Réjean Pelletier, indépendantiste
Archives de Vigile Répondre
20 août 2011Bravo, vraiment bravo. J'aurais pu écrire votre texte de la première à la dernière ligne tellement je partage tous vos points (j'ai souvent écrit sur tout ça)
Sur ce que les immigrants pensent vraiment de nous, je vous invite à aller lire les commentaires de La Tribune de jeudi dernier. Ca portait sur les cotas d'immigration
http://www.radio-canada.ca/emissions/la_tribune/2011/chronique.asp?idChronique=168855&autoPlay=##commenter
Envoyé par Mathieu Fregeau de Seattle
19 août 2011 à 03 h 38 HAE
Il y a beaucoup de xénophobes au Québec. Trop. La majorité des québécois ont peur des immigrants. C'est exactement le problème. Les québécois francophones de race blanches croient qu'ils ont un droit supérieur sur les autres races, parce qu'ils étaient "les premiers", en oubliant volontairement les autochtones (évidemment une autre race "inférieure") et en oubliant bien sûr qu'ils se sont fait planté par les anglais sur les plaines d'Abraham.
Je ne crois pas qu'il existe ailleurs en Amérique du Nord un Comité sur des règles d'assimilations aussi conservateur et inutile qu'au Québec.
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Envoyé par Cédric Bardoux de Montréal
18 août 2011 à 21 h 04 HAE
Le québec souffre d'un très gros malaise envers les immigrants parce que les québécois sont déjà divisés entre eux-même: le québécois veut nous intégrer mais le souverainiste veut nous assimiler. En tant qu'immigré maintenant canadien, je trouve lamentable cette attitude de la minorité de vouloir arracher le coeur des hommes pour y planter un drapeau à la place. Le nationalisme tue les hommes, il créé des frontières; tant que les gens ne le comprendrons pas, inutile de rêver à une meilleure compréhension entre les hommes.
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Envoyé par Katia Alves de Montréal
18 août 2011 à 20 h 10 HAE
Quelques questions et possibles solutions :
1. Question de langue… Les Maghrébins, les Africains, sont des francophones par excellence. Souvent ils parlent mieux que certains Québécois, qui sont soumis – tant à l’oral qu’à l’écrit – à l’anglicisation continue de leur langue.
2. Les Québécois doivent davantage s’impliquer dans le quotidien pour aider les nouveaux arrivants à s’intégrer, leur montrer leur culture, leur identité pour éviter la sortie vers le multiculturalisme, qui mène à la constitution de ghettos. Les Québécois doivent être des marchands de leur propre langue, savoir « vendre », dans le meilleur sens du terme, leurs idées et leur identité.
3. Côté travail... Pour quoi pas engager quelqu’un avec un anglais faible mais l’encourager ? On apprend une langue dans la vie quotidienne. Je dis ça, parce que j’étais récemment à Vancouver et j’ai vu à l’Art Gallery of Vancouver des employés ont été embauchés… même si leur anglais était de niveau débutant.
4. On ne peut pas oublier que les vrais Québécois sont les amérindiens qui sont complètement oubliés, tant au Canada qu’au Québec. À mon avis, il y a quatre solitudes : les Canadiens anglais, les Canadiens français, les autochtones et les immigrants. La question que se pose : si on vit séparés, en ghettos avec notre peur de l’autre, où va-t-on arriver? On connaît la réponse…
Archives de Vigile Répondre
20 août 2011Merci d'amener cela à la parole, de nous donner les mots pour le dire...
Jean-Claude Pomerleau Répondre
20 août 2011Vous confirmez un élément de mon argumentaire sur la gravité de la situation:
http://www.vigile.net/Une-Nation-face-a-son-destin
D'aucun, idéaliste du Grand Soir, pense qu'il s'agit là d'un argumentaire de la "terreur":
http://www.vigile.net/Appel-a-la-terreur
JCPomerleau
Archives de Vigile Répondre
20 août 2011Si j'allais par exemple demeurer dans un pays étranger et habiter une région de ce pays qui veut l'autonomie et s'il y avait référendum à ce sujet, personnellement je n'irais même pas voter parce que je me dirais que ce que ces gens veulent faire de leur pays n'est pas de mes affaires.
Ainsi, peut-être ai-je tort, mais je trouve étrange que cette gêne que j'aurais moi-même ne se retrouve pas chez les immigrants du Québec.