Le PLQ et les francophones: un point de non-retour

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Le PLQ est devenu une succursale du PLC

La seconde grande commotion survenue le 1er octobre, après l'hécatombe sans précédent au Parti québécois, est la douche froide s'étant abattue sur le Parti libéral du Québec. Jamais, en 150 ans d'histoire, les rouges n'avaient obtenu en dessous de 25% des voix, un exploit qu'ils ont accompli lors du présent scrutin. Ses députés restants n'en ont pas fait de secret, ils sont absolument estomaqués devant ce flop monumental et une certaine remise en question figure à l'ordre du jour.


Un parti étranger aux francophones


Le premier constat majeur auquel se heurte obligatoirement le PLQ s'articule autour de la désaffection majeure de la marque libérale chez les francophones, qui ne sont plus que 17% à l'appuyer, alors qu'environ 76% des non-francophones votent rouge. C'est loin d'être anecdotique, surtout lorsqu'on s'aperçoit que ce sont très majoritairement des circonscriptions francophones qui ont basculé du PLQ à la CAQ le jour du vote. Manifestement, Philippe Couillard et son équipe, sans doute via un savant mélange d'anti nationalisme virulent et de scandales de corruption, sont parvenus à s'aliéner environ les trois quarts des francophones du Québec au terme de leur mandat.


La désaffection majeure de la marque libérale a atteint les francophones, qui ne sont plus que 17% à l'appuyer, alors qu'environ 76% des non-francophones votent rouge.

Au lendemain de la plus cinglante dégelée de l'histoire libérale, les survivants du parti n'ont eu d'autre choix que de reconnaître leur échec cuisant auprès de la majorité, ce qui a même poussé Hélène David et Pierre Moreau à affirmer que leur formation politique devait se rapprocher des francophones. La ministre sortante de l'Éducation supérieure et de la Condition féminine a même été jusqu'à proclamer que le PLQ devait parler de nationalisme, un concept que l'on n'a pas vu depuis belle lurette chez les rouges.


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Parler de nationalisme, vraiment?


Si Moreau et David ont esquissé une volonté de reconquête partielle de l'électorat francophone, rien n'indique que celle-ci soit partagée par l'ensemble de leur parti, bien au contraire. Après avoir été plus dur que jamais avec les nationalistes, notamment sur le dossier des signes religieux avec le fameux épisode des «braises de l'intolérance», Philippe Couillard a mené la campagne la plus multiculturaliste du PLQ, voulant faire de l'immigration «la question de l'urne» contre François Legault, une décision qui lui a assurément coûté très cher.


Parallèlement, le Parti libéral est allé chercher énormément de candidats issus des communautés culturelles ces dernières années, et ce serait toute une surprise s'ils se mettaient soudainement à parler de nationalisme québécois.

Sachant que Carlos Leitao s'est attaqué à la CAQ pour son «nationalisme ethnique» plus tôt cette année et que Marwah Rizqy, nouvellement élue dans Saint-Laurent, a déclaré que «toute bonne démocratie doit d'abord défendre les groupes minoritaires», il risque d'y avoir d'énormes tensions internes si jamais le PLQ en venait à parler pour la majorité, ce qu'il ne fait plus depuis des années.


Une colonie fédérale


Si des nostalgiques comme Hélène David souhaitent puiser dans le riche héritage de Robert Bourassa pour renouveler leur parti, ils se rendront compte plus tôt que tard que le PLQ a trop évolué depuis les années 1990 pour qu'un tel retour en arrière soit possible.


Au cours de la dernière décennie, les libéraux du Québec sont devenus, tout compte fait, une véritable colonie idéologique du Parti libéral du Canada, lequel refuse la reconnaissance même de nations au Canada, car il privilégie l'idée d'un «état postnational». Marwah Rizqy, qui a tenté par deux reprises d'accéder à la Chambre des communes sous la bannière libérale, est assurément de cette école, et les chances sont qu'elle est loin d'être la seule.


Céder sur le multiculturalisme équivaudrait pour les libéraux à abandonner une large frange de leur électorat à Québec solidaire.

Pour que les libéraux réussissent à percer le vote francophone à nouveau, il serait primordial de tourner le dos à leur fascination minoritaire pour donner une plus grande légitimité à la majorité. Ce n'est pas près d'arriver, d'abord parce qu'un très grand nombre de leurs députés défendent désormais bec et ongle cette doctrine, mais également parce que de faire plus d'espace au Québec francophone contrarierait inévitablement les bases anglophones et allophones du PLQ, lesquelles s'accommodent fort bien de son discours anti nationaliste.


Céder sur le multiculturalisme équivaudrait pour les libéraux à abandonner une large frange de leur électorat à Québec solidaire, qui peut parfois être plus trudeauiste qu'eux sur le plan identitaire, sans toutefois faire des gains au profit de la CAQ, qui jouit présentement d'une mainmise sur l'électorat nationaliste.


Essentiellement, les années Couillard et l'évolution politique du Québec ont fait en sorte que le Parti libéral a franchi un point de non-retour dans son histoire: il est pour le moment condamné à un règne hégémonique sur le vote non-francophone, couplé à de maigres appuis chez les francophones dogmatiquement fédéralistes ou encore profondément anti nationalistes.


Voilà une situation à la fois plutôt sécuritaire, car elle garantit un certain plancher d'appuis, mais aussi périlleuse pour un parti qui, jadis, savait parler pour la nation québécoise au Québec, comme à Ottawa.