Élection du 8 décembre

Le piège de Jean Charest

La peur de Pauline Marois

Chronique de Louis Lapointe

Sans contredit, Jean Charest planifie la stratégie de la présente campagne électorale depuis plusieurs mois déjà, probablement depuis le printemps. Il faudrait donc être vraiment naïf pour croire un seul instant qu’il n’a pas sérieusement considéré la possibilité de vivre avec l’élection de Barack Obama cet automne. Il est clair que cette éventualité faisait partie de tous les scénarios échafaudés par ses stratèges avant même qu’il ne se lance en campagne le 5 novembre dernier, sinon pourquoi aurait-il choisi cette date ?
En fait, Jean Charest avait le choix de vivre avec l’élection de Barak Obama et le vent de changement qui risquait de l’accompagner au nord des frontières américaines cet automne ou faire campagne en contexte de crise économique au printemps de 2009. De deux maux, il a choisi le moindre. Si Jean Charest a préféré l’automne, c’est qu’il croyait que sa marge de manœuvre serait probablement plus grande avec un inconnu au sud, que dans un contexte où les Québécois seraient confrontés à de véritables problèmes de pain et de beurre au printemps. Il ne restait plus à ses stratèges qu'à écarter les risques associés à la menace que pourrait constituer Barack Obama si ce dernier devenait le 44e président américain. Une stratégie fort simple et inspirée d'un des plus grands classiques du cinéma français.
Dans le film « Jean de Florette », le papé joué avec brio par Yves Montand explique à son neveu Hugolin (Daniel Auteuil) qu’il faut tirer parti des qualités et défauts de son adversaire pour mieux le déjouer, la meilleure stratégie étant toujours de le pousser du côté où il penche déjà. C’est exactement ce qu’a fait Jean Charest en suggérant une élection ne portant que sur l’économie, une proposition que s’est empressée d’accepter Pauline Marois tant elle a peur de parler de souveraineté. Une façon habile d’éviter que le vent de changement soufflant du sud vienne contrecarrer le projet de Jean Charest de faire réélire au nord de la frontière un troisième gouvernement libéral consécutif. Une situation analogue à celle déjà vécue par Robert Bourassa en novembre 1976, alors que les Américains avaient élu un démocrate à la présidence en remplacement d’un républicain. Les Québécois avaient répliqué avec l’élection d’un premier gouvernement du Parti québécois.
Pauline Marois n’est pas René Lévesque, mais la souveraineté est plus populaire qu’elle et son parti dans tous les sondages menés depuis un an et elle pourrait bien devenir la première femme à être plébiscitée dans le rôle de premier ministre du Québec. Une réelle menace pour les libéraux dans le contexte d’une élection qui a pris des airs de révolution chez nos voisins du sud. Un risque réel si les péquistes voulaient jouer les démocrates - Pauline Marois, les Obama - et les Québécois, les Américains. Mais la campagne ne fait que commencer et la garde rapprochée de la chef peut encore la persuader de jouer le tout pour le tout, au risque de devoir se contenter de l’opposition officielle, en faisant porter l’élection sur le changement, un vrai changement pour le Québec, dans le même esprit de ce qui se déroule chez nos voisins du sud. Un rêve qui deviendrait réalité à force de courage, de ténacité et de conviction.
Pauline Marois aura-t-elle la perspicacité de profiter du vent de changement qui souffle présentement sur l’Amérique et la planète entière en misant sur l’important bloc de Québécois qui appuient la souveraineté dans une proportion de 40%, proposant à tous les Québécois la souveraineté comme outil de développement social, économique et culturel ? Une vision qui aurait le grand mérite de ramener tous les souverainistes au vaisseau amiral, en plus de laisser un parti plus uni au terme de la présente campagne électorale, et ce, même dans la défaite, puisque l’indépendance du Québec est un projet qui rassemble.
Avec un tel appui des forces souverainistes, elle pourrait même compter sur l’effet de levier tant souhaité par tous les stratèges afin d'obtenir le soutien des électeurs qui, d’une élection à l’autre, se décident de plus en plus au dernier instant, au moment même d’inscrire leur vote sur le bulletin, choisissant presque toujours le gagnant désigné dans les derniers sondages. Justement ceux qui votent utile à Québec et dans le 450 et qu’elle peine à aller chercher parce qu’elle ne remonte pas dans les sondages !
Dis-moi Pauline, ne vois-tu rien venir ?
Louis Lapointe

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L'auteur a été avocat, chroniqueur, directeur de l'École du Barreau, cadre universitaire, administrateur d'un établissement du réseau de la santé et des services sociaux et administrateur de fondation.





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2 commentaires

  • Raymond Poulin Répondre

    7 novembre 2008

    À moins qu'elle ne modifie sa stratégie et son discours, on pourrait dire de la campagne de Mme Marois ce que disent les slogans fédéraux de la cigarette: «Le danger pour la santé croît avec l'usage» (bien que je sois fumeur).

  • David Poulin-Litvak Répondre

    7 novembre 2008

    Le probleme, M. Lapointe, c'est que Pauline Marois n'a pas la trempe morale de Barack Obama. Comme le disait Martin Luther King: je reve du jour ou l'on jugera les hommes et les femmes de ce pays non pas selon la couleur de leur peau, mais sur le contenu de leur caractere. Or, je le dis, Pauline Marois est une naine de caractere, compare avec le glorieux fils de Luther King, et sa femme, la probable prochaine presidente des Etats-Unis. Vous avez un regard informe et juste, mais toute la science du monde ne pourrait pas remplacer la force de caractere, une chose qui faillit parfois, et qui vous rever, peut-etre, que Marois soit ce qu'elle n'est pas.
    Amicalement,
    David Poulin-Litvak