Le Petit Maghreb

Tribune libre

Le Petit Maghreb
Lettre parue dans le Devoir, 17 novembre 2009
Habitant à deux pas du quartier du Petit Maghreb (situé sur Jean-Talon, entre St-Michel et Pie IX), nous avons voulu y savourer un souper de cuisine locale arrosé de vin. Or, on y trouve essentiellement des cafés-pâtisseries et un seul restaurant maghrébin, qui n’offre pas de vin. Il est de plus interdit d’y apporter son vin. Nous avons finalement trouvé un excellent restaurant tusinien, beaucoup plus au nord-ouest, sur la rue Fleury, avec permis de la SAQ. Qu’attend le Petit Maghreb pour offrir des restaurants qui permettraient de tisser davantage de liens avec les Québécois de souche?
Hélène Talbot
Jacques Fournier
Montréal, le 14 novembre 2009.

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Jacques Fournier98 articles

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Organisateur communautaire dans le réseau de la santé et des services sociaux





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2 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    23 novembre 2009

    Mr, petit Maghreb arabe, ne représente pas les populations nord africaines mais représente une idéologie arabiste anti-berbère.
    Les pouvoirs dictatoriaux en place depuis l'indépendance des pays d'Afrique du nord exercent un deni-identitaire, un mépris et marginalisations des peuples autochtones berbères d'Afrique du nord.
    Apparemment pour la mairesse de st-michel, elle ne respecte pas les berbères et donne carte blanche aux arabistes d'exercer leurs doctrine et continue leurs déni sur les berbères résident montréal. Mr dans la future tu ne verras pas de restaurant avec du vin mais des mosquées à la taliban qui vont agrandir dans ce quartier, des odeurs, la saleté et ça sera le lieu de rencontre de tout les fanatiques arabistes et islamo intégristes.

  • Caroline Moreno Répondre

    17 novembre 2009


    Autochtones et musulmanes
    Par Émilie Dubreuil
    Publié dans Châtelaine

    Dans les réserves du Québec, on rencontre de plus en plus de femmes au bras d’un Marocain rencontré sur Internet. Certaines d’entre elles se convertiront à l’islam. Métissage d’amour ou de raison ?



    Mashteuiatsh, Betsiamites, Uashat, La Romaine, Pakuashipi, Manawan, Weymontachie, Wendake, Obedjiwan : des noms dignes d’un poème de Gaston Miron, des lieux méconnus, mystérieux. En fait, il s’agit de réserves amérindiennes qui n’ont de poétique que le nom. Les réserves, c’est un peu notre tiers-monde à nous, des endroits où la pauvreté matérielle et existentielle se cache derrière les épinettes noires.
    Pour s’y rendre, il faut avoir une bonne raison. Des médecins, des infirmières, des enseignants y vont pour le travail et ont hâte de rentrer chez eux une fois leur boulot accompli. Autrement, personne n’aurait l’idée saugrenue d’aller s’installer dans un de ces villages où l’alcool fait des ravages, où le taux de suicide dépasse l’entendement (chez les jeunes autochtones, il est de cinq à huit fois supérieur à la moyenne nationale), où la violence conjugale est monnaie courante, où les jeunes filles ont souvent leur premier enfant avant l’âge de 16 ans et où la perspective d’avenir la plus commune est le désœuvrement total... Personne ? Pourtant, depuis quelques années, des immigrants marocains y élisent domicile.
    Des bouteilles virtuelles à la mer
    C’est le cas d’Abel Azziz Eddaif, qui a quitté le Maroc il y a deux ans pour s’établir dans la communauté attikamek de Weymontachie, située à une centaine de kilomètres de La Tuque, sur le bord de la rivière Saint-Maurice. « Tout petit, je rêvais de l’Amérique. Au lieu de débarquer aux États-Unis, je suis arrivé ici. Ce n’est pas exactement ce que j’avais imaginé enfant... mais, tout de même, je suis en Amérique ! Je ne pensais pas y parvenir un jour, surtout avec la vie que je menais au Maroc. En 2000, j’avais 34 ans, je vivais encore chez mes parents et j’étais au chômage. Il fallait que je m’en sorte. »
    Azziz décide donc de lancer des bouteilles virtuelles à la mer. Comme bien des Marocains sans emploi, il passe de longues heures dans les cafés Internet de sa petite ville. Il correspond avec des étrangères dans l’espoir de nouer une relation amoureuse avec une femme assez décidée pour le sortir de son pays sans avenir. « Même si j’avais rencontré une femme au Maroc, je n’aurais pas pu la faire vivre. Dans ces conditions, autant chercher ailleurs », dit-il en frissonnant, alors que nous discutons sur le pont qui mène à l’ancien village de la communauté amérindienne. Il est visiblement transi dans son petit manteau de nylon peu approprié à la rigueur du climat québécois.
    Au hasard du clavardage, Azziz tombe sur Suzanne Chilton, une policière attikamek de Weymontachie. Une femme en chair, rieuse, sympathique et brillante. Après quelques conversations sur Internet, le Marocain, qu’elle n’a jamais vu, lui demande sa main. Elle refuse. Le prétendant ne se décourage pas et réitère sa proposition quelques mois plus tard. Cette fois, Suzanne, qui sort d’une cure de désintoxication, accepte promptement. Elle n’a vu son homme qu’en photo mais, persuadée qu’Azziz est celui qu’il lui faut, elle se rend au Maroc pour l’épouser. À son retour au Québec, elle entreprend les démarches de parrainage qui permettront à Azziz de quitter son pays pour immigrer ici.

    Le village de Weymontachie, où vit Suzanne, à 90 kilomètres au nord de La Tuque. Des hommes galants
    Des histoires comme celle de Suzanne et Azziz, on en dénombre beaucoup dans les communautés autochtones du Québec. Particulièrement chez les Innus (Montagnais) de la Côte-Nord et du Lac-Saint-Jean et chez les Attikameks de la Haute-Mauricie, des Amérindiens d’expression française qui peuvent donc communiquer avec les Marocains et autres Maghrébins, très présents sur la Toile. Dans presque toutes les communautés de ces deux nations, des femmes soit ont épousé un Marocain, soit sont en train de le parrainer, soit entretiennent une relation virtuelle avec l’un d’eux.
    Ce phénomène récent semble le résultat (inattendu) d’un programme du gouvernement fédéral qui a branché à Internet, au début des années 2000, l’ensemble des communautés amérindiennes. Dès lors, les femmes autochtones ont découvert les plaisirs des sites de rencontres.
    Éric Labbé a implanté le réseau Internet à Manawan, une réserve attikamek de 1 500 personnes située en pleine forêt boréale, à 86 kilomètres de Saint-Michel-des-Saints. Ce jeune père de famille sait à quel point ces idylles virtuelles peuvent abîmer des ménages de sa communauté. Il connaît personnellement le sujet : la femme de son assistant a quitté ce dernier pour aller retrouver un amoureux au Maroc. « Comme la population du village est isolée, Internet et les sites de rencontres sont devenus des échappatoires. Il faut comprendre qu’ici la vie n’est pas très drôle et les hommes, pas très galants. Les Marocains savent parler aux femmes, ils sont gentils et romantiques et elles aiment ça, c’est normal ! »

    Suzanne élève aussi un petit garçon dont la famille ne va pas bien. Des amours taboues
    L’affection particulière qu’éprouvent des femmes autochtones pour des Marocains fait jaser dans ces milieux fermés où tout le monde se connaît. Si elle en fait sourire plus d’un, elle inquiète aussi. Certains craignent que ces femmes ne soient victimes d’arnaques amoureuses, qu’on les manipule essentiellement pour obtenir la citoyenneté canadienne.
    Il faut dire que, en effet, bon nombre d’entre elles ont été abandonnées par leur amant peu après l’arrivée de celui-ci au Canada. Jeannette Volant, de Maliotenam, sur la Côte-Nord, a même jugé opportun, il y a quelques années déjà, de consacrer une heure à ce sujet à son émission Jeannette veut savoir, diffusée à la radio communautaire. Des femmes de sa propre famille sont allées au Maroc à plusieurs reprises pour rencontrer des hommes ; une de ses connaissances a même eu un enfant avec un Marocain qu’elle avait parrainé et qui l’a quittée par la suite.
    « Il faut mettre les filles en garde, dit Jeannette Volant. Les mères en discutent entre elles car elles sont inquiètes, mais on ne soulève pas la question dans l’espace public. Nos filles vont au Maroc, ça leur coûte cher, certaines sont mariées et ça fait de la peine à leur mari, qui reste derrière avec les enfants. À mon avis, elles se font avoir par de belles paroles. Ces gars-là veulent venir au Canada et sont prêts à tout pour parvenir à leurs fins. » Cette femme pétillante est l’une des seules « sages » à avoir accepté d’aborder avec nous ce problème délicat. Problème dont on n’a pas envie de discuter avec une journaliste, surtout pas une journaliste blanche.
    À Weymontachie, trois femmes ont parrainé des Marocains et, à notre connaissance, deux autres sont fiancées et en processus de parrainage. Tout le monde le sait au village. Il n’y a là-bas, après tout, que 1 200 personnes. Si Suzanne et ses proches nous ont parlé de ces amours postmodernes avec chaleur et ouverture, d’autres ont su nous faire sentir que notre présence dans la réserve n’était pas appréciée du tout. Le soir de notre arrivée à Weymontachie, une des femmes les plus influentes de la communauté, avec qui j’avais pourtant longuement bavardé au téléphone et qui me disait s’inquiéter pour « les filles », s’est arrêtée à l’auberge où je séjournais pour m’avertir que personne ne se confierait à moi. « L’association des femmes attikameks ne tient pas à ce que, encore une fois, les médias blancs stigmatisent les femmes autochtones, qu’on les fasse passer pour des naïves, etc. »
    À Obedjiwan, situé non loin du réservoir Gouin, à 300 kilomètres à l’ouest de Roberval, ce fut carrément une fin de non-recevoir. Dans cette autre communauté attikamek tristement célèbre pour les vagues de suicide et pour le climat de violence qui y règne, nos contacts nous avaient donné les noms d’une dizaine de filles mariées ou en relation avec des Marocains, ce qui est énorme pour une communauté d’à peine 2 000 habitants. Aucune d’entre elles n’a voulu nous accorder d’entrevue.
    À La Romaine, village innu isolé au nord de Natashquan, où l’on ne peut se rendre qu’en bateau ou en avion, les gens qui nous ont parlé au téléphone ont insisté pour garder l’anonymat. À Betsiamites, dans la région de Baie-Comeau, un membre du conseil de bande a tenu à nous rappeler de chez lui, où personne ne pourrait l’entendre. Finalement, dans une des réserves du Lac-Saint-Jean où les liens entre Marocains et Amérindiennes sont florissants, une travailleuse sociale qui a, elle aussi, exigé l’anonymat, nous a expliqué qu’en regard des problèmes vécus dans la communauté les amours marocaines n’étaient pas une priorité. « Ce mois-ci, nous avons encore eu plusieurs suicides, des cas de femmes battues et des enfants à placer parce que leurs parents sont incapables de s’en occuper. Vous comprendrez que des adultes majeures et vaccinées qui s’amourachent de Marocains sur Internet, c’est le moindre de nos soucis et qu’on ne veut pas s’en mêler. »
    Qui prend mari prend religion
    Françoise vit à Weymontachie. Elle aussi a fait la connaissance d’un Marocain sur Internet. Hassan l’a prestement demandée en mariage et la jeune femme dans la trentaine, célibataire et sans enfant, s’est rendue au Maroc il y a quelques mois. Ils devaient se marier durant son séjour, mais Françoise a délibérément « oublié quelques papiers nécessaires », nous a-t-elle raconté avec un sourire. La fiancée a néanmoins rapporté de son voyage des cadeaux, des bijoux, des robes, mais surtout un livre : Mes premiers pas dans l’islam. Une religion qu’elle songe à adopter après son mariage, prévu au printemps.
    Marcia est la grande amie de Françoise. Divorcée, cette mère de deux enfants en est à sa deuxième relation sérieuse avec un Marocain connu sur Internet. Tous les soirs, elle discute longuement avec son amoureux qui lui envoie des messages tendres et romantiques.

    Le Coran de Suzanne, que lui a offert son beau-frère marocain. Se convertir, pour elle, signifie aussi se guérir de son alcoolisme. Au grand dam de sa famille, Marcia s’est convertie à l’islam. À la maison, loin des regards, elle porte le voile islamique, fait ses prières sur un tapis, ne mange plus de porc et ne boit plus d’alcool. Conversion salutaire pour cette femme qui avait de gros problèmes de toxicomanie. Marcia émet d’ailleurs l’hypothèse que la popularité des Marocains auprès des femmes autochtones s’explique par leur sobriété. « Selon l’islam, il est interdit de consommer de la drogue ou de l’alcool. Mes amies qui fréquentent des Marocains ont le privilège d’être avec quelqu’un qui n’a pas de dépendances. Difficile à trouver chez nous... C’est pour ça que je cherche absolument un homme musulman », dit-elle.
    Suzanne aussi est catégorique : son alcoolisme a été capital dans sa décision d’épouser un musulman. « Je sombrais dans l’alcool et comme Azziz ne consomme pas, ça m’a beaucoup aidée. Maintenant, je suis en voie de me convertir, donc je ne bois plus. Un des frères de mon mari m’a offert le Coran, et nous allons élever notre fille dans la religion musulmane. »



    Pas d’accommodements possibles
    Il y a 40 ans à peine, les Attikameks de la région de Weymontachie étaient nomades. Dans cette société homogène où les hommes vont encore régulièrement à la chasse et à la pêche et où la religion est un amalgame de croyances animistes et de christianisme, l’arrivée de musulmans et, surtout, la conversion de certaines femmes à l’islam en rendent plus d’un perplexe !
    Lors de nos différents séjours, bien des villageois nous ont confié craindre comme la peste ces nouveaux arrivants et leur religion. Un fabricant de canots d’écorce, François Newashish, nous a même affirmé qu’il n’y aurait jamais de mosquée chez eux. « Nous n’allons pas virer fous et accepter n’importe quoi ! »
    Dans le village, Azziz fait les frais de nombreuses blagues : on l’appelle « le terroriste », on lui a déjà fait manger du porc en douce. Sa femme rit de bon cœur des moqueries de ses pairs. Philosophe, elle compare le racisme dont sont victimes les Arabes à celui dont souffrent les autochtones : « Ce ne doit pas être vivable d’être un Arabe depuis 2001, d’être tout le temps montré du doigt. Pendant la crise d’Oka, nous autres aussi, on a été étiquetés. Tous les Indiens ont été mis dans le même panier. »
    Des membres de la famille proche de Suzanne ont soupçonné très fortement l’homme venu du Maghreb de l’avoir utilisée seulement pour immigrer au Canada. « J’imaginais que son mari voulait juste accéder à la citoyenneté canadienne et que, ses papiers obtenus, il s’en irait. J’ai toujours cette crainte », témoigne le frère de Suzanne, Denis Chilton, qui s’est installé dans un campement à Windigo, territoire ancestral. Le reste de la famille l’y a rejoint pour une fin de semaine en plein air.
    La tante de Suzanne est de la partie. Aujourd’hui, elle est en colère contre Azziz, qui n’a pas voulu venir avec eux dans le bois. Pour elle, les filles comme sa nièce se font avoir : « Elles se font dire “Je t’aime” et elles y croient. Les Marocains veulent seulement sortir de leur pays et entrer au Québec. » Hélène Chilton trouve aussi le mari de sa nièce un peu trop macho à son goût.
    Une intégration difficile
    Pendant que Suzanne est à Windigo, avec sa famille, Azziz est seul à Weymontachie. Il ne pratique ni la chasse ni la pêche. Il a peur de monter dans un canot et ne fait pas de quatre-roues. Il a choisi de rester « en ville » pour clavarder avec ses proches au Maroc et travailler, car il a trouvé un emploi comme intervenant d’urgence au centre de santé. C’est lui, par exemple, qui doit agir si quelqu’un tente de se suicider ou consomme une trop grande quantité d’alcool ou de drogue. Ce qui arrive souvent à Weymontachie. Tout un choc culturel pour un homme venu d’un pays où les suicides sont extrêmement rares. Mais Azziz est heureux. Ce job lui donne une petite indépendance financière et beaucoup de fierté, lui qui a été entretenu par sa femme dès leurs fiançailles. Depuis qu’il est ici, Suzanne continue d’ailleurs d’envoyer des sous à sa belle-famille au Maroc.
    Il y a quelques mois, un ami d’Azziz, marocain comme lui, a quitté la réserve, sa femme autochtone et son enfant pour aller vivre à Trois-Rivières. Azziz restera-t-il à Weymontachie ? « Pour le moment, oui », dit-il en regardant au loin. Suzanne, elle, ne s’en fait pas trop : « S’il veut me quitter, je ne le retiendrai pas. Je me dis que j’aurai connu des moments de bonheur avec lui. »

    Émilie Dubreuil est reporter à Radio-Canada. Sa recherche a été effectuée dans le cadre de l’émission Enquête.