Le pari perdu de Boisclair...

Le PQ et la Gauche - recentrage


La crise de leadership que vit actuellement le Parti québécois révèle l’inanité d’une stratégie de repositionnement à droite élaborée à la suite des élections complémentaires de 2002 en vue de courtiser l’électorat adéquiste.
Le PQ, loin de faire le plein des votes, assiste plutôt à la désaffection de sa clientèle électorale et à la montée de l’ADQ dans les sondages. Même s’ils serrent les rangs à l’approche de l’écheance électorale, les péquistes ne peuvent ignorer qu’en tentant d’occuper le terrain adéquiste, leur parti n’est parvenu qu’à évacuer ce qui restait encore de sa rhétorique social-démocrate.
Un dilemme gauche-droite
En juin 2002, l’ADQ rafle la mise en remportant trois élections complémentaires sur quatre. Joseph Facal, alors président du Conseil du Trésor, appelle à un repositionnement à droite du PQ, pensant profiter de cet engouement nouveau pour les idées plus à droite. Facal estime qu’il faut revoir le «sacro-saint modèle québécois, corporatiste et rigide» et de réviser le programme péquiste «qui donne l'impression d'avoir été écrit en 1978».
André Boisclair, à l’époque ministre des Affaires municipales, acquiesce, estimant qu’il faut «occuper tout le terrain» parce que «les gens ordinaires dans la vie de tous les jours exigent du PQ qu'il se situe davantage au centre». Pour Boisclair, le PQ doit montrer «un souci plus grand pour les gens ordinaires de la classe moyenne, qui réclament plus de liberté dans les relations qu'ils peuvent avoir avec l'État québécois».
Ce geste de rupture avec la social-démocratie se répercutera plus tard lors de la course à la chefferie, où les militants devront choisir entre l’aile «gauche», représentée par Pauline Marois, et l’aile «centriste», c’est-à-dire celle qui cherche à occuper le terrain adéquiste, menée par André Boisclair.
Élu chef du PQ, Boisclair ne cherchera pas à se distinguer des chefs des partis de droite, s’engageant plutôt dans une stratégie de mimétisme, multipliant les discours antisyndicaux et les charges contre la social-démocratie québécoise.
Dès sont entrée en fonction, André Boisclair, au contraire de Louise Harel, donne son aval au jugement Chaoulli, lequel ouvre une brèche importante dans le caractère public du système de santé. Il refuse aussi de condamner les lois anti syndicales du gouvernement sous prétexte qu’il n’a pas le rôle de «fédérer les mécontentents». Il précisera plus tard sa pensée : son rôle serait de «soulager le capital». Il poursuit la même orientation de droite dans le dossier du mont Orford et dans celui de la nationalisation du secteur éolien, défiant de façon arrogante les décisions de son propre parti.
Pressée de rafler sa part du vote populiste de droite, la direction péquiste oublie cependant de faire le bilan des élections générales de 2003, où le PQ a perdu plus de 450 000 voix chez sa clientèle traditionnelle. Ces électeurs ne sont pas tous allés à Québec solidaire. La politique n'est pas affaire de vases communiquants. La plupart sont devenus abstentionnistes.
Cela tend à montrer que le glissement vers la droite ne parvient qu’à aliéner la base historique du parti, qui est traditionnellement plus à gauche. L’électorat de droite, lui, est loin de se bousculer au portillon, préférant sans doute l’original libéral-adéquiste à la copie péquiste.
La suite des choses
L’éventualité d’un balayage péquiste lors des prochaines élections est à exclure. Deux scénarios plus probables se dessinent à la lumière de la conjoncture actuelle. Une courte victoire du PQ lui donnerait une majorité parlementaire faible, ce qui lui causerait un problème de légitimité pour l’application d’un programme référendaire affirmatif. Mais le déplacement vers la droite et l’absentéisme électoral pourraient bien assurer une victoire libérale.
Dans tous les cas, le pari Facal-Boisclair sera perdu. En faisant table rase du passé social-démocrate du parti et en sciant la branche historique qui l’a vu naître, la «nouvelle génération» péquiste qu’incarne André Boisclair aura dissocié le règlement de la question nationale des luttes sociales progressistes.
Or, l’avenir du mouvement indépendantiste ne réside pas dans le marketing politique adaptatif, qui tend à indifférencier les produits électoraux jusqu’à ce qu’ils se confondent en une seule et même tendance. Le glissement vers la droite n’est pas un raccourci, mais
un cul-de-sac.
Reste l’engagement dans un long processus de reconstruction liant l’émancipation sociale et économique à la lutte nationale. Ce pari, celui de Québec solidaire risque, à terme, de s’avérer beaucoup plus probant que celui d’André Boisclair.
François Cyr, Gordon Lefebvre et Éric Martin
Respectivement chargés de cours et étudiant à la maîtrise à l'UQAM


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