Le pari de Couillard

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L'énigmatique Dr Couillard

En se présentant dans la circonscription de Roberval, où il a établi sa résidence principale, Philippe Couillard a fait un pari qui laisse croire qu'il n'a pas l'intention de rester en politique s'il ne devient pas premier ministre.
M. Couillard, en effet, ne sera élu dans Roberval que s'il y a une vague libérale qui déferle sur la province, l'assurant du même coup d'un gouvernement majoritaire. Par contre, si le PLQ est défait, son chef le sera aussi dans sa propre circonscription, alors qu'il aurait été élu dans Outremont... et forcé d'assumer la fonction de chef de l'opposition.
Bref, le chef libéral s'est donné une porte de sortie en choisissant de se présenter dans une circonscription où, en principe, ses chances sont limitées: Roberval, au coeur du bassin péquiste du Lac-Saint-Jean, a voté Oui à 65% au référendum de 1995, et il est représenté depuis 2007 par Denis Trottier, un député populaire qui a été réélu avec 47% des voix en 2012.
Certes, le fait de se faire élire dans le Québec profond peut être politiquement rentable pour le chef d'un parti que ses adversaires associent aux «Anglais». Robert Bourassa, en 1985, avait voulu renforcer sa crédibilité nationaliste en se présentant dans Bertrand, une circonscription francophone de la Rive-Sud, mais alors que son parti était porté au pouvoir, lui-même subissait une défaite personnelle. (Il se fit ensuite élire dans la circonscription cosmopolite de Saint-Laurent).
Quant à M. Couillard, il a changé de circonscription presque aussi souvent que de position constitutionnelle! Il a été tour à tour député de Mont-Royal, de Jean-Talon et d'Outremont avant de devenir, Inch Allah, celui de Roberval!
C'est comme si sa trajectoire avait consisté à s'éloigner le plus possible de sa ville natale de Montréal. S'il profita de l'élection partielle à Outremont pour se faire élire, ce fut seulement parce que son absence de l'Assemblée nationale était devenue vraiment problématique pour le PLQ et que nul ne savait quand des élections générales auraient lieu.
Le voici donc dans Roberval, comme il en avait manifesté l'intention depuis longtemps, même si Outremont, au coeur de la métropole, aurait été un choix beaucoup plus logique pour un chef de parti qui devrait se trouver au centre de l'action, à proximité des médias nationaux, des universités, des grandes lignes de communication et des milieux d'affaires, plutôt que dans une région excentrée à 600 km au nord de Montréal et à 4 heures de route du parlement.
M. Couillard habite depuis cinq ans, comme nous l'apprend le reporter Kevin Dougherty de la Gazette, dans un chalet de chasse et de pêche reconverti, au bord de la rivière Ashuapmushuan, près de Saint-Félicien. Évidemment, tout le monde a le droit d'habiter où il veut, d'autant plus que la femme de M. Couillard est native de la région, et que l'endroit a l'avantage d'accommoder la passion pour la pêche du chef libéral.
Il n'empêche qu'un chef de parti qui souhaite être premier ministre ne s'appartient plus tout à fait et qu'on a déjà vu à quel point l'éloignement géographique a nui, l'automne dernier, à la cohérence des positions du chef libéral, qui a été le plus souvent absent du débat sur la Charte et en retard sur les événements.
Les premiers ministres québécois jouissent d'un luxueux pied-à-terre à Québec. Mais la résidence principale reste leur ancrage essentiel. Pauline Marois, députée de Charlevoix, a sa résidence principale à Montréal, tout comme Jean Charest, même s'il représentait la circonscription de Sherbrooke. S'il gagne son pari, M. Couillard sera le premier «PM» depuis Jean Lesage à ne pas avoir établi sa résidence principale à Montréal.


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