C'est une question de temps. Jack Layton aura beau truffer son discours de bonnes intentions comme il l'a fait au cours de la campagne électorale, il n'arrivera pas à tenir ensemble ses 103 membres élus qui vont devoir représenter «tout et n'importe quoi» dans les mois qui viennent. Pour le moment, ils sont encore sonnés par «l'honneur» qui leur a été fait d'avoir été choisis comme représentants du peuple au salaire qu'ils vont toucher. C'est comme s'ils avaient gagné le gros lot. Le problème, pour eux, ça va être de savoir de quel peuple on parle.
Lors de sa conférence de presse de mardi dernier, Jack Layton a été vraiment clair pour la première fois sur ce qu'il entendait par «les conditions gagnantes», une expression bien connue au Québec et qui a toujours signifié des conditions gagnantes pour le Québec au moment d'un troisième référendum. Jack, lui, a dit clairement qu'il parlait des conditions gagnantes pour le Canada au Québec. Une sacrée nuance qui avait sans doute échappé à beaucoup d'électeurs québécois qui ont cru entendre un engagement de Layton allant dans le même sens que celui du Bloc québécois. Grave erreur.
C'est comme l'engagement du NPD, à son congrès de Sherbrooke, de reconnaître un référendum gagné par les Québécois indépendantistes à 50 % du vote plus un. Mardi dernier, Layton endossait la position de la Cour suprême sur le sujet. La réaction immédiate de certains de ses députés élus n'a laissé aucun doute sur le fait que la pilule était difficile à avaler.
Le groupe d'élus néodémocrates se partage en deux. Ceux qui viennent du Canada et ceux qui viennent du Québec. Comment vont réagir ceux qui ont accepté la responsabilité de défendre les intérêts des Québécois quand ils vont saisir le sens de ce qu'affirme Jack Layton quand il répète que le NPD est un parti fédéraliste? Pas qu'il n'y ait pas de fédéralistes parmi les nouveaux élus québécois, mais il y en a plusieurs dont les attaches sont moins simples et plusieurs qui ne savent pas encore pourquoi ils sont là.
En fait, ils vont aussi réaliser qu'ils sont là pour former la glorieuse opposition face au Parti conservateur qui détient une majorité comme il y en a rarement eu au Canada. Une majorité qui permettra à Stephen Harper, premier ministre inébranlable pour les quatre prochaines années, de faire à sa tête quoi qu'en dise la fameuse opposition.
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La plupart des nouveaux députés NPD sont jeunes et sans expérience, mais ils ne sont pas ignorants. Ils abordent un monde dont ils croient qu'il peut changer une société. Peut-être ne font-ils pas encore tout à fait la différence entre le pouvoir et l'opposition. Mais la réalité va finir par les rejoindre et c'est là où l'enthousiasme de Jack Layton ne réussira plus à tenir tout ce beau monde ensemble. La vie en politique peut être si décevante quand le coeur n'y est pas, et le besoin viscéral du Canada de donner sa leçon aux Québécois, qui ont encore une fois choisi de faire bande à part, pourrait radicaliser les élus néodémocrates à tendance souverainiste. Il y en a.
Il finira aussi par être évident que Jack Layton ne peut pas réaliser tout ce qu'il a promis en campagne électorale. Le système politique dans lequel nous vivons ne permet pas une grande marge de manoeuvre à l'opposition, même quand elle est officielle. Elle peut crier, hurler, taper sur les doigts du pouvoir, mais elle ne peut rien réaliser de ce qu'elle a promis. L'opposition est à la fois essentielle pour donner l'impression d'une véritable démocratie, mais dans les faits, elle ne sert qu'à alerter l'opinion publique quand le pouvoir exulte et ne connaît plus ses limites.
L'élection du 2 mai aura au moins provoqué une réflexion au Québec. Les citoyens ont voté n'importe comment et ils vont être gérés n'importe comment. Marie-Louise, ma grand-mère, avait une expression bien de chez nous pour nous annoncer ce qui nous menaçait. Elle disait: «On va en manger tout une!» L'expression s'applique tout aussi bien à ce que nous allons vivre au cours des prochaines années.
Nous avons refusé à Stephen Harper de soumettre le Québec à ses ambitions et le prix à payer va être élevé. L'attitude du fédéral par rapport aux dossiers québécois en général et des récentes inondations en Montérégie en particulier n'annonce rien de bon. Et Jack Layton, qui en a visiblement plein les bras avec ses mensonges et ses promesses, ne demandera pas mieux que de nous oublier le plus rapidement possible.
Il a devant lui une tâche impossible: tenir deux discours à la fois. Un pour garder son électorat canadien et l'autre pour ne pas perdre à tout jamais son électorat québécois. Ce qui amènera le NPD à imploser. C'est juste une question de temps.
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