J'écoutais en souriant le député Amir Khadir, en conférence de presse, expliquer calmement pourquoi il allait s'opposer à ce que le projet de loi préparé par le maire Régis Labeaume visant à empêcher toute contestation judiciaire du fameux accord intervenu entre la Ville de Québec et Quebecor sur le projet d'amphithéâtre soit étudié par l'Assemblée nationale du Québec comme le maire en avait décidé. Khadir, visiblement, n'avait pas succombé aux charmes du maire Labeaume. Il savait pourtant qu'il risquait d'être le seul député à refuser de jouer le jeu, car il semble bien difficile d'affronter le bulldozer de Québec quand celui-ci a quelque chose dans la tête.
J'ai été étonnée que l'image qui me vienne à l'esprit en écoutant Amir Khadir, ce jour-là, soit celle de ce résistant chinois, jouant au chat et à la souris avec un tank de l'armée chinoise sur la place Tiananmen, une image qui a fait le tour du monde et dont tout le monde se souvient. J'ai imaginé Amir Khadir, face au bulldozer Labeaume, refusant de céder un pouce de terrain, convaincu d'agir dans l'intérêt du peuple qu'il défend.
Je l'avoue, j'ai toujours eu un faible pour ceux et celles qui se tiennent debout, parfois seuls dans une foule, pour crier haut et fort qu'ils ne sont pas d'accord. Si je reconnais que la politique exige qu'on sache faire des compromis de temps en temps, je m'incline avec admiration devant ceux et celles qui refusent de les faire dès que leurs convictions profondes sont heurtées et qui ne suivent pas nécessairement le troupeau, même quand il pourra y avoir un prix à payer pour leur audace. Il m'arrive même de trouver qu'il n'y a pas assez de ces courageux parmi nos élus. Il est vrai que déplaire en même temps à Régis Labeaume et à Pierre Karl Péladeau, c'est jouer dangereusement. Ça peut coûter cher.
Le fouillis de ce projet de loi n'est pas innocent. Soumis trop tard pour suivre la voie normale des autres projets semblables, poussé fortement par l'agitation habituelle du maire Labeaume en personne, il prévoit retirer aux citoyens (quels qu'ils soient) un droit qui n'est pas insignifiant: le droit de contester devant les tribunaux, un droit que possède chaque citoyen qui se sentirait lésé par la fameuse entente entre Québec et Quebecor, entente qui scelle le sort du nouveau Colisée pour 25 ans. Enlever un droit n'est pas une décision banale. Ça mérite au moins d'être regardé de très près.
L'Assemblée nationale, à moins de se bander les yeux, ne peut pas faire semblant de ne pas comprendre. Les citoyens ne sont pas dupes. Ils savent bien à quel point les partis politiques doivent flatter une population dans le sens du poil afin de s'assurer de votes dont ils ont besoin pour se maintenir au pouvoir ou pour passer de l'opposition au pouvoir. C'est assez triste, mais c'est chaque fois la même chose.
C'est aussi évidemment la liberté dont bénéficie Amir Khadir, dont le parti n'en est pas encore à flatter qui que ce soit dans le sens du poil, ce qui lui permet d'être un politicien logique avec lui-même, fidèle à ses engagements comme un chevalier sans peur ni reproche. Ce que le peuple apprécie puisqu'il est pratiquement devenu le député préféré des foules depuis qu'il a été élu à Québec et un modèle que le peuple voudrait voir se multiplier.
Il va s'en trouver parmi vous pour dire qu'Amir n'est pas parfait. Que j'ai choisi de ne pas parler de ses défauts ou de ses faiblesses. C'est vrai. Si on s'y met à plusieurs, on finira bien par en trouver. Je vous entends déjà dénoncer ses prises de position à gauche alors que celles de Deltell à droite ne vous dérangent pas vraiment et que le patin de fantaisie de Legault vous met déjà l'eau à la bouche. C'est vous dire comme tous les goûts sont dans la nature.
Quand je vois la somme de travail que peut abattre Amir Khadir, seul dans son coin, il m'arrive de penser que si tous les députés étaient aussi libres, nous n'en serions peut-être pas à faire du sur-place, convaincus que c'est la seule façon d'avancer... Khadir fait la démonstration qu'il y a d'autres moyens.
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