L’arrivée de Donald J. Trump comme 45e président des États-Unis oblige le Québec à repenser ses relations avec les États-Unis. Depuis de nombreuses années, nous défendons nos intérêts aux États-Unis, pour le meilleur et pour le pire. Aujourd’hui, le pire est à nos portes et risque de bouleverser autant nos acquis que nos relations avec notre principal partenaire économique.
Alors qu’on attend encore la nouvelle politique internationale du gouvernement Couillard, Donald Trump nous oblige à nous poser une question fondamentale : quelle stratégie faut-il adopter devant le nouvel homme fort de Washington ? Notre gouvernement sait-il vraiment comment faire face à la tempête ? S’est-il développé une expertise et des réseaux aux États-Unis ? Ou laissera-t-il le gouvernement fédéral décider de l’avenir du Québec et des emplois des travailleurs d’ici ?
L’interdépendance
La ministre des Relations internationales et de la Francophonie (MRIF) du Québec, Christine St-Pierre, a bien raison de vouloir augmenter nos effectifs aux États-Unis. Il faut expliquer que l’accord de libre-échange est bénéfique des deux côtés de la frontière et que de nombreux emplois risquent d’être perdus si le président Trump adopte ses politiques protectionnistes.
Pour bien répondre au défi Trump, il faudra plus que jamais des ressources financières supplémentaires au MRIF, une réorganisation de notre politique américaine (comme Justin Trudeau l’a fait en remplaçant Stéphane Dion par Chrystia Freeland), le déploiement de ressources humaines sur le territoire américain, notamment à Washington, et surtout la présence du Québec à toutes les tables de négociations sectorielles et autres dans l’éventualité d’une réouverture complète ou partielle de l’Accord nord-américain de libre-échange (ALENA). Le gouvernement fédéral a d’ailleurs annoncé qu’il pourrait inclure le bois d’oeuvre dans la négociation et les discussions sur le traité de libre-échange.
La realpolitik du gouvernement du Québec sonne à l’heure américaine. Il y a 30 ans, alors que l’arrivée de Brian Mulroney à la tête de l’État canadien était imminente, le Québec était déjà très actif aux États-Unis. La première politique internationale du gouvernement du Québec de 1984 s’intitulait d’ailleurs Le Québec dans le monde : le défi de l’interdépendance. Le chapitre sur les États-Unis soulignait l’importance économique et politique de notre voisin du Sud et surtout cherchait des outils afin que le Québec puisse profiter de notre proximité avec la plus grande puissance économique mondiale. Au fil des ans, et surtout à la suite de la mise en oeuvre de l’ALE puis de l’ALENA, nos élites politiques et économiques ont compris que l’acceptation de notre identité continentale était un élément essentiel à la croissance de notre économie, et ce, sans négliger nos partenaires européens, et en particulier nos liens historiques avec la France et la Grande-Bretagne.
Cette reconnaissance signifiait de manière pratique qu’il fallait avoir des ressources sur le territoire américain afin de débattre de l’importance de développer des politiques communes, en matière énergétique, environnementale ou simplement en ce qui concerne notre sécurité. Les chiffres sont à ce chapitre éloquents. La valeur de nos exportations vers le pays de l’oncle Sam a atteint plus de 57 milliards $CAN en 2016 pour un surplus commercial de 20 milliards. Plus encore, les États-Unis sont le seul pays avec lequel nous avons un surplus commercial, alors que nous accumulons des déficits commerciaux avec toutes les autres zones géographiques de la planète. Finalement, 20 % du PIB québécois repose sur nos liens commerciaux avec les États-Unis. C’est énorme.
Le Québec ne peut rester silencieux ou ignorant devant ce qui se passe au sud. Il faut être présent sur toutes les tribunes pour faire valoir nos points de vue et défendre nos intérêts. Le gouvernement du Québec a aujourd’hui une belle occasion de démontrer qu’il est prêt à défendre les intérêts du Québec sur tous les fronts.
Quelle stratégie ?
Au fil des ans, et surtout depuis l’ALENA, tous les gouvernements du Québec et tous les partis à l’Assemblée nationale se sont entendus sur le fait qu’on ne peut ignorer notre partenaire du Sud. Mais le patriotisme économique de Donald Trump nous oblige, comme ce fut le cas au lendemain des attentats du 11 septembre 2001, à revoir nos priorités. Le MRIF doit avoir le plus rapidement possible, en concertation avec le Commerce international, une direction États-Unis à Montréal.
Il faudrait également que le MRIF finance une chaire de recherche sur nos relations extérieures et sur le commerce international entre le Québec et les États-Unis, à laquelle seraient associés des spécialistes québécois et américains. Les milieux d’affaires ont besoin d’un lieu d’analyse, de réflexion et de coordination afin de développer une stratégie de communication efficace et rejoindre tous les groupes aux États-Unis, et également en Europe. Il doit aussi multiplier les offensives au niveau des États américains pour que ces derniers fassent pression sur Washington. Sur ce dernier front, le ministre britannique du Commerce international, Liam Fox, a rappelé cette semaine à Montréal que le Royaume-Uni entrevoyait également de signer, après la fin des négociations sur le Brexit, un nouvel accord avec le Canada qui s’inspirerait de l’accord Canada–É.-U. On peut faire semblant d’avoir une politique internationale et commerciale pendant un certain temps, mais aujourd’hui la réalité politique rattrape le gouvernement du Québec.
Le Québec devrait donc profiter du moment pour financer davantage la délégation du Québec à Washington afin de faire un véritable lobby pour nos entreprises. C’est le Québec qui risque de perdre le plus, de toutes les provinces. Il faut plus qu’engager des firmes de lobby américaines pour faire ce travail auprès des décideurs américains ; il faut du personnel politique et économique capable d’ouvrir des portes. Nous n’avons pas eu ce genre de personnes par le passé ; il faut aujourd’hui les multiplier.
On entrevoit une baisse du budget du MRIF pour 2017-2018, qui est déjà sous la barre des 95 millions. C’est au premier ministre du Québec d’assumer son leadership entre deux voyages de pêche aux portes de l’Enfer ! Il faut une vision à long terme car, si l’orage devient tempête, il faudra être tous là si nous ne voulons pas que le bateau sombre.
> Lire la suite de l'article sur Le Devoir
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
Aucun commentaire trouvé