Le niqab n'a pas sa place à la Cour

Justice et Niqab



La Cour d'appel de l'Ontario a rendu cette semaine une décision sur le port du niqab devant les tribunaux qui, à une époque pas si lointaine, aurait enflammé le débat sur les accommodements raisonnables.
Elle a tranché « à la Canadienne », pourrait-on dire, en avançant que chaque cas devrait être décidé au mérite. Pas question de bannir le voile islamique de la Cour, ni question de le permettre tous azimuts. Confrontés avec ce qui semblait être une tâche impossible de soupeser le droit à un procès juste et équitable et le droit à la liberté de pratique religieuse, les juges ont plutôt référé ce débat aux politiciens. À leur niveau, système judiciaire doit mettre de l'avant, selon eux, un principe de « compromis constructifs ».
Il est vrai que le droit à la pratique religieuse est fermement reconnu dans la Constitution et son application a déjà fait l'objet d'accommodements, comme le port du turban sikh au sein de la Gendarmerie royale du Canada, ou le port du couteau sikh, le kirpan, à l'école. Après un choc initial, ces accommodements ne font aujourd'hui plus problème. Le port du voile complet, favorisé par une très faible majorité de musulmanes, ne devrait-il pas faire l'objet de semblables accommodements ? Oui, a dit la Cour. Tout en donnant comme instruction à tous les juges de première instance que chaque décision devrait faire l'objet d'une étude au cas par cas. Doivent ainsi être soupesés des éléments comme la nature des accusations, l'historique de pratique religieuse du témoin, ou la possibilité d'autres accommodements, comme d'exiger que les hommes soient exclus de la salle du procès.
À plusieurs moments du processus judiciaire, notamment lors des interrogatoires, il paraît crucial que les intervenants de la Cour - juge, membres du jury et avocats, principalement - puissent voir le visage de tous les témoins pour apprécier les éléments du langage non verbal qui peuvent être tout aussi révélateurs de la vérité que les paroles prononcées. Nous ne parlons pas ici d'un procès pour un vol à l'étalage. Court-circuiter ces éléments potentiellement centraux de la preuve ne doit pas mettre en péril les droits des accusés à en évaluer la valeur.
Mme N.S.accuse deux hommes d'une agression sexuelle qui serait survenue il y a 20 ans lorsqu'elle n'était âgée que d'une douzaine d'années.
Nous croyons que la Cour d'appel, dans sa recherche de compromis justement, a erré en ouvrant trop grande la porte aux accommodements de nature religieuse. Ceux qui ont applaudi ce jugement difficile diront qu'il n'appartient à quiconque que la personne concernée d'apprécier les rites et coutumes de certaines pratiques de foi. Certes, cela semble bien difficile, même impossible à comprendre, vu de l'extérieur. Mais il y a une nuance entre reconnaître constitutionnellement le droit à la liberté de religion, qui est un geste personnel, et étendre tous les rites et toutes les coutumes de toutes les religions dans toutes les sphères de la vie.
Les femmes musulmanes qui choisissent de porter un voile intégral doivent l'enlever pour des fins d'identification lorsque vient le moment de voter, d'obtenir un passeport ou un permis quelconque. Lorsqu'elles se présentent en cour, le même principe doit s'appliquer. Témoigner devant un agresseur s'avère éminemment difficile, tous en conviennent, mais plusieurs victimes le font à toutes les semaines dans des tribunaux aux quatre coins du pays.
Ces victimes le font à visage découvert, malgré la douleur. Parce que le tribunal doit rendre une décision juste et équitable et que la probité de tous les témoins nécessite que tous les éléments de la preuve soient révélés à tous et appréciés par tous à leur juste valeur. Permettre au tribunal de potentiellement tronquer un de ces éléments derrière un motif non pas de foi, mais d'une pratique religieuse choisie de plein gré, niquab ou autre artifice, ne nous apparaît pas comme acceptable.


Laissez un commentaire



Aucun commentaire trouvé