Un gouvernement usé par le pouvoir

Gaz de schiste



Dans le dossier du gaz de schiste, les troupes de Jean Charest font preuve d'une insouciance typique aux gouvernements usés par le pouvoir. En balayant avec désinvolture sous le tapis les soupçons de copinage entre le secteur gazier et le gouvernement, les libéraux québécois jettent le doute sur tout le débat de fond qui devrait avoir lieu au cours des prochains mois.
Le débat était mal parti : des entreprises de prospection sont déjà à pied d'oeuvre dans certaines régions du Québec, où le sous-sol pourrait receler un intéressant potentiel gazier. Le défi est de balancer les opérations de prospection - et si tout s'avère, la perspective d'une exploitation à long terme - avec les populations qui habitent depuis des décennies à proximité des sites d'exploration.
Entre les besoins et droits du peuple et ceux de l'industrie, il y a un fragile équilibre à trouver.
Cette semaine, le lobby gazier a lancé une première initiative de charme avec la sortie d'André Caillé, l'ex-patron d'Hydro-Québec qui préside aujourd'hui l'Association pétrolière et gazière du Québec. L'APGQ a ensuite nommé Stéphane Gosselin à titre de directeur général.
M. Gosselin est un conseiller politique très proche du gouvernement. Il y a huit jours à peine, il était à l'emploi du ministre du Développement économique, Clément Gignac. Il y a un peu plus d'un an, il occupait des fonctions similaires aux Ressources naturelles.
Officiellement, M. Gosselin ne commettrait pas d'impair face à la Loi québécoise sur la transparence et l'éthique en matière de lobbyisme, car une année s'est passée depuis la fin de ses responsabilités aux Ressources naturelles. Mais son passage au Développement économique ne devrait pas être biffé de son curriculum vitae à ce point de vue, car l'exploitation gazière relève presqu'autant de ce dernier ministère que des Ressources naturelles.
Un jour, M. Gosselin est un chef de cabinet d'expérience au sein du gouvernement Charest. Une semaine plus tard, il se retrouve à la tête du principal lobby d'une industrie qui défraie la manchette. Cela devrait suffire pour brandir plusieurs drapeaux rouges dans l'esprit de M. Charest.
Mais il y a plus. Le cabinet de relations publiques National a confirmé que deux autres ex-conseillers politiques des libéraux aujourd'hui à son emploi, Marin Daraîche et Lisa Lavoie, travailleront au dossier du gaz de schiste. M. Daraîche a oeuvré dans les équipes politiques du premier ministre Charest et de la vice-première ministre, Nathalie Normandeau. Mme Lavoie, quant à elle, était jusqu'à tout récemment directrice adjointe du cabinet de la ministre de l'Environnement, tenu alors par Line Beauchamp.
Tous ces liens entre l'industrie et le gouvernement sont trop étroits et portent ombrage à l'indépendance dont doit faire preuve un gouvernement dans l'exercice de ses fonctions.
Le gouvernement Charest soutient qu'il n'y a là rien d'inconvenant. Que ces personnes « ont le droit de gagner leur vie ». Et que le paravent du Bureau des audiences publiques en environnement (BAPE) sera efficace et suffisant.
Les liens entre gouvernement et lobbies se sont resserrés depuis la loi de 2002. Au fédéral, ces liens sont plus surveillés depuis 2006, grâce à une loi adoptée par le gouvernement Harper qui oblige le respect d'une période de cinq ans entre tout travail politique et emploi au sein d'un lobby.
Le Parti québécois a tout à fait raison de parler de « proximité inquiétante » entre le Parti libéral et certains lobbies. Les assurances proférées par Mme Normandeau ne suffisent pas. Et la désinvolture dont elle fait preuve dans le dossier démontre que son gouvernement prend à la légère les soupçons que la population partagera avec le PQ. Son incapacité à comprendre cela fournit une preuve que ce gouvernement Charest est déconnecté de la réalité après sept années au pouvoir. A-t-il besoin que lui soient rappelés les autres dossiers litigieux où ses intérêts politiques sont questionnés par la population ?


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