Selon un rapport déclassifié par Washington, les Etats-Unis et l'URSS étaient sur le point de lancer un conflit nucléaire en novembre 1983.
La National Security Archive des Etats-Unis a déclassifié fin octobre un rapport de février 1990 du Conseil consultatif pour le renseignement étranger auprès du président américain (President's Foreign Intelligence Advisory Board, PFIAB), rapporte Lenta.ru.
Selon les auteurs du rapport, les actions irréfléchies des Etats-Unis ont placé les relations avec l'Union soviétique au bord d'une guerre pendant les exercices militaires Able Archer 83, consacrés au début d'un conflit nucléaire.
Le scénario des exercices américains Able Archer 83, organisés dans le cadre des manœuvres d'automne traditionnelles de l'Otan, comprenait plusieurs provocations importantes que l'URSS aurait pu prendre pour la préparation d'une frappe nucléaire réelle. Pendant les exercices, des bombardiers américains munis de maquettes de bombes nucléaires ont survolé l'Europe.
Par ailleurs, l'Otan a pour la première fois porté l'état d'alerte de ses troupes au niveau maximal DEFCON 1 ("blanc", ou "guerre nucléaire imminente"), alors que le niveau précédent, DEFCON 2 ("rouge"), n'a été décrété que pendant la crise des missiles de Cuba et l'opération Tempête du désert en Irak. Le niveau d'alerte DEFCON 1 a été simulé, mais les autorités soviétiques avaient des raisons de s'inquiéter, puisque l'Otan avait utilisé de nouveaux codes de communication et imposé un silence radio.
En réponse, l'URSS et ses partenaires du Pacte de Varsovie ont placé les Forces aériennes de la Pologne et de la République démocratique d'Allemagne en état d'alerte renforcé, intensifiant les vols de reconnaissance et suspendant les vols d'entraînement. Selon le rapport, "des têtes nucléaires ont été transportées par hélicoptères vers des sites de lancement". Les agents secrets soviétiques en Occident ont reçu l'ordre de rechercher des signes de préparation d'une frappe nucléaire contre l'URSS.
L'Otan et avant tout les Etats-Unis n'ont pas remarqué cette réaction nerveuse du Kremlin. Mais les mesures prises par Moscou ont inquiété le Royaume-Uni. La première ministre Margaret Thatcher a informé les Etats-Unis des préparatifs militaires soviétiques.
La CIA et les autres services secrets américains avaient du mal à croire que l'URSS soupçonnait leur pays de préparer une apocalypse nucléaire et s'apprêtait à riposter. Selon le rapport, les responsables américains qualifiaient cette hypothèse d'absurde, puisque la riposte soviétique aurait porté un préjudice inadmissible aux Etats-Unis même si la première frappe nucléaire américaine avait détruit la plupart des silos soviétiques.
Moscou s'était antérieurement engagé à ne jamais utiliser en premier les armes nucléaires et considérait donc le déploiement de missiles américains Pershing II en Europe et le développement par Washington du projet Initiative de défense stratégique (IDS, dite aussi Guerre des étoiles) comme la préparation d'une guerre nucléaire contre l'URSS.
Les journaux soviétiques ne cessaient d'exposer la position russe à ce sujet et de dénoncer la politique agressive des Etats-Unis. Mais les autorités américaines ne les prenaient pas au sérieux, qualifiant ces articles de propagande.
Ce n'est qu'en mai 1984 que le chef de la CIA William Casey a soumis un mémorandum au président Ronald Reagan avec une nouvelle interprétation des événements de 1983. Selon ce document, Moscou avait effectivement estimé que les Etats-Unis pouvaient lancer une guerre nucléaire à l'automne 1983 sous le couvert des exercices Able Archer 83.
Les Etats-Unis peuvent toujours considérer la Russie, héritière en droit de l'URSS, comme l'Empire du mal et se persuader que toutes les informations publiées dans ce pays sont de la propagande. Mais cela signifie que les autorités américaines ne comprennent pas les mobiles des dirigeants russes et risquent de se retrouver à tout moment en état de confrontation avec Moscou.
Selon les télégrammes du département d'Etat américain publiés par WikiLeaks, Moscou a prévenu Washington dès 2008 que le rapprochement entre l'Otan et l'Ukraine pourrait provoquer "une guerre civile dans ce pays et la Russie serait obligée de décider si elle doit s'immiscer dans le conflit alors qu'elle ne voudrait pas le faire". On a vu la réalisation de ce scénario en février-mars 2014.
Les dirigeants américains risquent d'être surpris par les actions de Moscou s'ils considèrent toujours les propos du Kremlin comme un simple moyen de pression et de la propagande, sans les prendre au sérieux.
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