Le modèle écossais inspire la Catalogne autant qu’il embarrasse Madrid

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Le référendum écossais aura aussi des conséquences sur le processus québécois

Chacun retient son souffle. Pour Madrid et Barcelone, le référendum écossais est plus qu’un événement majeur de la vie politique britannique et bien davantage qu’un casse-tête pour l’Union européenne (UE). Prélude à la consultation sur l’indépendance fixée par Barcelone au 9 novembre, il ne manquera pas d’avoir des conséquences sur le « processus catalan ». Il n'est qu'à voir la manifestation monstre qui a envahi les rues de Barcelone jeudi 11 septembre.
Que se passera-il en cas de victoire du « yes » ? « Une injection de vitamines pour les nationalistes », assure le politologue catalan Josep Ramoneda. « Il s’agirait d’une démonstration spectaculaire de l’indépendantisme renforçant l’idée qu’il est possible de mener une sécession de manière pacifique », souligne l’analyste politique au Real Instituto Elcano, Ignacio Molina. « L’UE serait obligée d’éclaircir sa position, de se mouiller », espère de son côté le secrétaire pour les affaires étrangères et européennes du gouvernement nationaliste catalan, Roger Albinyana.
Et en cas de « no » ? « Nous continuerions de demander de pouvoir voter », assure M. Albinyana. « Ce serait surtout un grand soulagement pour le gouvernement espagnol », estime M. Molina.
Depuis que le premier ministre britannique, David Cameron, a annoncé, en octobre 2012, l’accord pour la célébration d’un référendum en Ecosse, Madrid vit un cauchemar. Coïncidence malheureuse pour le gouvernement, un mois plus tôt, le 11 septembre 2012, une manifestation géante en faveur de l’indépendance avait rassemblé près d’un million de personnes dans les rues de Barcelone. Mais, pour le chef du gouvernement Mariano Rajoy, tout comme pour l’opposition socialiste, pas question d’autoriser un référendum d’indépendance dans l’un des moteurs de l’économie espagnole.
« En autorisant le référendum écossais, M. Cameron a empêché M. Rajoy d’utiliser comme argument le fait qu’il n’existe pas de “droit à l’autodétermination” », souligne M. Molina. Et en le justifiant comme une question de “qualité démocratique”, il a fait preuve de peu de diplomatie et mis Madrid dans la position d’un gouvernement antipathique. » Pour ne pas dire antidémocratique.
« CONSULTATION ILLÉGALE »
Depuis deux ans, Barcelone s’appuie en effet sur l’esprit « démocratique » de David Cameron pour critiquer la rigidité de M. Rajoy. Alors que le référendum écossais est le fruit d’un accord entre Londres et Edimbourg, la consultation catalane a été fixée unilatéralement par Barcelone après l’opposition du gouvernement et malgré le vote contraire du Congrès des députés. Elle sera sans nul doute suspendue par Madrid, qui saisira le Tribunal constitutionnel dès sa publication au Bulletin officiel, probablement dans les prochains jours.
« Le référendum écossais est notre modèle, confirme Roger Albinyana. Nous demandons à M. Rajoy qu’il imite M. Cameron et laisse s’exprimer le peuple de Catalogne. » « Au Royaume-Uni, Londres n’empêche pas le référendum de l’Ecosse, mais appelle à voter contre. Nous, nous devons lutter pour pouvoir voter, déclarait au Monde le numéro deux du gouvernement catalan, Francesc Homs, en visite à Paris cet été. Au XXe siècle, les frontières de l’Europe ont presque toujours été modifiées par les guerres. On peut accepter de les modifier au XXIe siècle par la paix et la démocratie. »
Un argument contesté par Madrid, qui souligne que la démocratie consiste d’abord à respecter les lois. Or la consultation catalane serait illégale. « Le Royaume-Uni n’a pas de Constitution écrite », rappelle régulièrement M. Rajoy. D’où la possibilité d’un simple pacte politique pour déléguer à l’Ecosse l’organisation d’un référendum. Au contraire, celle de l’Espagne stipule dans son article 2 « l’indissoluble unité de la nation espagnole » et précise dans l’article 92 que tout référendum doit s’adresser à « tous les citoyens », et non à une seule partie d’entre eux.
« La situation catalane et celle de l’Ecosse n’ont rien à voir, a encore insisté M. Rajoy le 5 septembre. Je ne vois que deux similitudes. La première est que chacun des deux quitterait l’UE et tous les traités internationaux. La seconde, une chute du PIB et des niveaux de bien-être et de richesse de celui qui se sépare dans d’énormes proportions. »
La « une » d’ABC, mardi 9 septembre, journal conservateur proche du gouvernement, témoigne de l’utilisation politique du cas écossais. Une pleine page avec le visage de David Cameron inquiet sur fond de drapeau britannique et ce titre : « Le risque de sécession secoue la livre et la Bourse de Londres ».
De son côté, le journal catalan La Vanguardia reprend en « une » les critiques du premier ministre écossais, Alex Salmond, concernant le renforcement de l’autonomie écossaise que propose M. Cameron en cas de victoire du « non », qualifiée de « pot-de-vin » et souligne que « le gouvernement n’a aucune intention de se regarder dans le miroir de Cameron ».
Lundi, M. Rajoy a dû encore rassurer les responsables du Parti populaire réunis en comité exécutif, en réaffirmant qu’il « n’y aura pas de référendum », ajoutant que « le gouvernement a préparé toutes les mesures à prendre si quelqu’un prétend organiser une consultation illégale ».


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