Opposé à une tribune d'enseignants refusant la règle du «masculin l'emportant sur le féminin», le ministre de l'Education Jean-Michel Blanquer affirme ne vouloir qu'«une grammaire», sous les bravos de l'Assemblée nationale.
Le ministre de l’Education, Jean-Michel Blanquer, s'est montré abrupt à l'évocation de la question de l'écriture inclusive le 15 novembre devant l'Assemblé nationale. Il a répondu à une inquiétude de la députée Laurence Vichnievsky (Modem) au sujet d'une tribune publiée sur le site de Slate par des professeurs refusant d'enseigner que «le masculin l'emporte sur le féminin». Totalement opposé à leur fronde, il a confirmé qu'il n'y aurait qu'«une grammaire» et que l'on ne saurait «accréditer l’idée que notre langue soit de quelque manière quelque chose qui vienne en support des inégalités». En guise de preuve, il développe un argument imparable : «La France a comme emblème une femme, Marianne.»
Bien entendu il n’y a pas autant de grammaires que de professeurs
L'intervention de Jean-Michel Blanquer semble venir sceller un débat faisant rage depuis plusieurs mois, entre les partisans de l'écriture inclusive, dont la règle d'accord est une petite partie, et ses opposants. Laurence Vichnievsky s'alarme qu'avec cette tribune, «314 enseignants […] abusent ainsi des prérogatives de puissance publique associées à leur fonction».
Jean-Michel Blanquer a tenté de trouver les mots pour rétablir l'hégémonie de la grammaire traditionnelle et remettre les éducateurs dans le droit chemin. «Bien entendu il n’y a pas autant de grammaires que de professeurs. Ce programme comporte une grammaire», croit-il bon de rappeler face aux députés, comme on peut l'entendre dans cette vidéo.
Il suffit de dire que cela s’accorde au masculin
Alors si deux options s'opposent, qui seront les arbitres suprêmes ? Jean-Michel Blanquer s'appuie sur «L'usage et l'Académie française». L'Assemblée des immortels est fermement opposée à l'écriture inclusive, qu'elle estime être un «péril mortel».
Mais le ministre a toutefois une considération pour les féministes qui ne tolèrent pas la fait que le masculin l'emporte sur le féminin : il suffit de conserver la règle, mais de changer de formulation. «Bien entendu on n’est pas obligé de dire que le masculin l’emporte sur le féminin, il suffit de dire que cela s’accorde au masculin», note-t-il, cette nuance sémantique a semble-t-il convaincu son auditoire, qui l'applaudit plusieurs fois à tout rompre.
«Je serai vigilant pour qu’il n’y ait qu’une grammaire, comme il n’y a qu’une langue et qu’une République», martèle-t-il. Phrase qu'il a reprise sur son compte Twitter.
Pour rendre la déception moins amère, le ministre de l'Education rappelle que l’un des plus «beaux mots de la langue est féminin : la République». Il ajoute que «notre langue a porté bien des combats féministes hier, continue de le faire aujourd'hui et le fera encore demain».
Une controverse qui fait couler beaucoup d'encre
Actuellement en France, le débat fait rage entre les partisans de l'écriture inclusive, souhaitant qu'une nouvelle orthographe se dépouille des «stéréotypes» de sexe et de genre. Elle compte gommer autant que possible le «genre» des mots afin d'éviter tout préjugé sexiste, en ajoutant, entre autres la terminaison «e», entre deux points dits «médians». L'écriture inclusive enjoint ainsi d'écrire, par exemple, nous sommes «fie.è.r.e.s» ou encore «auteur.rice.s».
Pour le ministre de l'Education Jean-Michel Blanquer, qui s'était exprimé le 16 octobre sur le plateau de BFMTV, cette graphie est «une façon d'abîmer notre langue». Par ailleurs cette règle ne lui semble pas être une priorité. «Lire, écrire, compter. On doit revenir aux fondamentaux sur le vocabulaire et la grammaire», a-t-il déclaré. L'Académie française dont il se réclame reproche à cette forme d'écriture d'aboutir «à une langue désunie, disparate dans son expression, créant une confusion qui confine à l'illisibilité».
Le ministre de l'Education a créé une rupture nette en prenant ses fonctions au sein du gouvernement Macron. Il endosse parfois la réputation de conservateur, par exemple en revalorisant l'enseignement des langues anciennes ou en insistant sur les fondamentaux. «ll se présente comme un homme neuf tout en passant tout son temps à ressusciter les idées du passé», avait expliqué à son sujet au magazineLe Point Stéphane Crochet, secrétaire général du SE-Unsa, un syndicat habituellement modéré.