On peut avancer que jamais la mise en évidence de la mésinformation n’a été aussi rapide que dans le cas du massacre de Houla, en Syrie. (Et nous insistons sur ce terme de “mésinformation”, et non “désinformation”, comme on le verra plus bas.) Jamais il n’est apparu aussi rapidement que la démarche de mésinformation est un réflexe courant (et non, par exemple, une “entreprise concertée” ou machinée), et, pourrait-on dire, un réflexe normal, dans la presse-Système, dans le monde de la communication, etc. Tout cela ne nous livre pas la vérité du massacre de Houla mais la vérité incontestable du personnel-Système qui se fait vertu de nous “informer”.
• Il y a d’abord, bien entendu, l’affaire de la fameuse photo de BBC.News montrant des rangées de corps recouverts, publiée pour illustrer l’information sur le massacre de Houla de mai 2012 en Syrie, et qui s’avère être une photo prise en Irak, en 2003. L’auteur de cette photo, Marco di Lauro, “en est tombé de sa chaise“ lorsqu’il a vu l’article illustré de BBC.News. Il s’en est aussitôt confié au Daily Telegraph, le 27 mai 2012… «Photographer Marco di Lauro said he nearly “fell off his chair” when he saw the image being used, and said he was “astonished” at the failure of the corporation to check their sources.» La BBC.News a changé son illustration dès que la chose fut connue, c’est-à-dire très vite, et publié des explications à la fois embarrassées et pompeuses, exploit typiquement britannique-Système. Il s’agit de souligner qu’il y avait la mention “which cannot be independently verified” avec la photo, qui semble, selon le plaideur embarrassé, l’exonérer de toute responsabilité dans la fraude, qui deviendrait alors involontaire… Sauf que, sauf si l’on n’est pas pris la main dans le sac soi-disant innocent, comme la BBC.News, on laisse aller ces documents “which cannot be independently verified”, qu’on finit par les prendre pour vérité pure et dure, qu’on ne rectifie rien lorsqu’il s’avère, trois semaines ou deux mois plus tard, qu’il s’agit si probablement que c’en est assuré, d’une fraude et d’un document faussaire. C’est ce que nous dit Russia Today, le 28 mai 2012…
«These words about information “which cannot be independently verified” have become a trademark of media coverage of the 14-month conflict in Syria. Before UN special envoy Kofi Annan brought his peace plan to the troubled Arab country, the Syrian government had remained reluctant to open borders to most international journalists.
»But even now the bulk of information comes from people calling themselves opposition activists – via amateur videos uploaded to YouTube or eyewitness reports. But sometimes it looks that the mantra “cannot be independently verified” serves as a disclaimer to publish information which wouldn’t stand a chance of ever being verified.»
• D’une façon plus générale, la manipulation la plus primaire a régné et souvent continue à régner en maîtresse pour l’affaire du massacre à Houla. On a vu hier quelques exemples de cette manipulation primaire, aussi bien dans le “saucissonnage” avantageux de l’info, aussi bien avec ABC.News (AP) qu’avec The Independent (voir le 28 mai 2012). Il s’agit vraiment d’un réflexe primaire, dont un œil qui veut bien aller au-delà du titre peut découvrir dès le premier paragraphe (cas de AP) que le sens du titre (Syrie implicitement coupable) est démenti par le détail de la nouvelle impliquée (le texte voté par l’ONU). Un bon article de Patrick Henningsen, sur Infowars, le 28 mai 2012, recense un certain nombre de cas similaires ou approchants. Une documentation similaire est fournie par Tony Cartalucci, sur LandDestroyer, notamment avec son article du 29 mai 2012 où il détaille le cas plus précis d'un article du Guardian, le 28 mai 2012, :
«The Guardian in their piece titled, “Houla massacre survivor tells how his family were slaughtered,” admits that the heart-wrenching emotionally manipulative narrative it published comes straight from a nameless boy allegedly produced by “a town elder who is a member of the Syrian Revolutionary Council and is now caring for him.” This fact, however, is buried paragraphs below, hopefully read long after the Guardian’s intended message takes hold in the minds of readers.»
• On retrouve, cas intéressant, ce même réflexe de manipulation primaire chez Max Fisher, de The Atlantic le 28 mai 2012. (Là aussi, exemple parmi d'autres, nullement une exception...) Fisher développe un long argumentaire plein de nuances de bon aloi sur le cas de BBC.News, qualifiant le choix de la photo d’“erreur innocente” ou de simple réflexe de donner une illustration dramatique («…maybe by honest mistake or maybe out of a misplaced desire to increase their social media following with a viral photo, mislabeled it and sent it out into the ether.») Ces deux explications ne sont pas fausses à notre sens (voir plus bas), mais le plus intéressant est que Fisher sème lui-même dans son texte au moins deux cas de “manipulation primaire”…
• D’abord, lorsqu’il rappelle le cas libyen, puis cite le cas syrien, en expliquant que ces photos et documents “which cannot be independently verified”, “aident le monde à déterminer ses impressions et par conséquence ses réactions, qui furent au bout du compte décisives” (cas libyen). Fisher n’évoque pas le fait que ces photos et documents ne purent effectivement pas être “vérifiés d’une façon indépendantes“, ou, quand ils le furent, s’avérèrent le plus souvent être des faux et des montages ; ce qui conduit au constat que les “réactions décisives” fondées en assez bonne part sur de tels photos et documents, avec l'état d'esprit qui va avec, furent et sont infondées, faussaires, et finalement catastrophiques, – catastrophe effective et chaque jour constatée dans le cas libyen et autour de la Libye. («In the first days of the Libyan revolution, the protests that became scenes of violent crackdown that became armed uprisings were all documented by sympathetic Libyans, whose photos helped form the world's impressions and thus its response, which was ultimately decisive. The same has been true of Syria, where locals have recorded damning videos of, for example, anti-aircraft tanks firing round after round into suburban homes.»)
• Ensuite lorsqu’il mentionne le fait de l’intervention immédiate de l’ONU après le massacre de Houla, pour lui démarche importante et impliquant dans cette logique la justification de l’emploi de documents “which cannot be independently verified” s’ils vont dans le bon sens, et puisqu’ils vont dans le bon sens… Ce fait selon Fisher est que le texte voté à l’ONU à l’unanimité (y compris Russes et Chinois) “suggère” que le gouvernement syrien est responsable ; cela est belle et bonne logique par rapport à ce qui précède, sauf que cela est faux. Comme on le voit dans le cas de ABC.News (toujours ce texte du 28 mai 2012), le texte identifie les tir de chars et les attribue aux Syriens, ce qui est évident puisque seuls les Syriens gouvernementaux ont des chars, mais il cite également des assassinats à bout portant et par balles et conclut que les responsabilités ne peuvent pas pour l’instant être établies. Cela rejoint la position russe (les deux côtés sont impliqués, mais on ne sait qui est vraiment responsable, à l’origine, du massacre). Enfin, et contrairement à ce qu’affirme Fisher qui est enfermé dans sa conviction que, de toutes les façons, le gouvernement Assad est le coupable, ce n’est certainement pas la première fois que l’ONU condamne immédiatement un massacre dans ces conditions, – c’est-à-dire sans désigner le coupable, contrairement à ce que Fisher écrit dans sa phrase mielleuse (“suggérant que le gouvernement syrien est responsable”, – suggestion qui vaut pour ceux qui sont sous le coup de ce processus psychologique, – la suggestion, – consistant à convaincre, ou à se convaincre de quelque chose dont il importe d’être convaincu) : «Late on Saturday, United Nations officials took what was, for them, the unusual step of immediately acknowledging what had happened, declaring it a “brutal crime,” and suggesting the Syrian government was responsible. Normally, the UN would wait days, weeks, or even months to conduct its own investigation and review…»
… Certes, nous parlons à propos de la presse-Système de “mésinformation” (mauvaise information) plutôt que de “désinformation” (acte volontaire pour tromper, en répandant des fausses informations). (Dans le cas de ceux qui fabriquent le matériel de base destiné à la presse-Système, rebelles”, ONG orientées, divers bandits du domaine, etc., c’est bien de la désinformation, souvent artisanale d’ailleurs ; mais ceux-là ne nous intéressent pas dans ce propos, on connaît leur jeu.) Notre conviction est que, si la désinformation existe dans toute cette volaille de la presse-Système et du système de la communication du bloc BAO, elle est en amont, dans le chef de ceux qui diffuseront d’une façon robotique des “mésinformations”, et qu’elle relève d’une auto-désinformation à partir d’un courant général de jugement a priori sur la culpabilité de la Syrie, avant procès, avant enquête, avant même le forfait lui-même. Nous avons affaire à une robotisation, à un machinisme de la pensée, avec une psychologie dévastée par l’action de pression du Système, et une raison totalement subvertie et agissant par conséquent dans le sens qu’on sait. Les manipulations enregistrées dans ce cas du massacre de Houla sont d’une extrême grossièreté et relèvent plus d’un réflexe rendant compte de cette auto-désinformation originelle que d’une démarche consciente de désinformation. Le cas de la BBC est effectivement celui qu’expose Fisher, et sans doute une “erreur innocente”, tant il est grossier ; il révèle simplement que les auteurs sont persuadés de la culpabilité syrienne, quoi qu’il se passe, et qu’ils l’étaient avant le massacre de Houla, culpabilité syrienne dans le massacre assurée avant même que ce massacre ne survînt. Comme nous l’écrivions hier (remplacer l’expression “diplomatie de robots” par “information de robots”, de toutes les façons ils sont de la même boutique-Système) :
«Il s’agit d’une diplomatie de robots, celle de nombre d’acteurs du bloc BAO, s’exprimant par la fébrilité de la condamnation sans appel avant enquête et jugement, représentant une sorte d’étrange soulagement (“enfin un massacre”) qui devait sembler, aux premières nouvelles toutes déformées, rendre crédible et justifié le torrent d’anathèmes et de condamnations qui caractérise cette même étrange diplomatie, depuis plusieurs mois : “Enfin un massacre qui justifie toutes les accusations lancées depuis des mois”, semblant ainsi rétrospectivement transformer les anathèmes en vérités et les condamnations en “justice est faite”.»
Nous avons donc bien affaire à des hystériques dans le sens pathologique du mot… Et le constat est qu’ils le deviennent de plus en plus, hystériques, et qu’ils se précipitent sans prendre la moindre précaution, sans aucune pudeur de rien, sans exercer la moindre habileté des désinformateurs qu’ils ne sont pas. Ce sont des croyants totalement infectés par le Système, qui jettent tout ce qui leur passent par la main pour justifier leur foi. Pour l’instant, nous ne savons pas le fin mot du massacre de Houla, – si nous l’avons jamais, – mais nous avons un examen concluant, et un diagnostic irréfutable sur la pathologie de tous les serviteurs du Système. Le fait est qu’ils sont de moins en moins efficaces, dans leur fébrilité, parce que leurs manigances fiévreuses et inconscientes de malades mettent à jour leur pathologie dès les premiers jours de l’acte qui justifie l’exacerbation de cette pathologie. On comparera ces montages grotesques de mésinformations bricolées de ces trois derniers jours avec les opérations de désinformation de la Guerre froide, qui restaient inconnues en tant que telles pendant des mois, sinon des années, et dont certaines n’ont jamais été mises à jour.
Simplement, il faut savoir que ces gens-là, même si vous mettez à jour leur système hystérique de mésinformation, dans les jours, voire dans les heures qui suivent, n’en sont modifiés en rien. Car ces gens-là, voyez-vous, ils croient, et leur Dieu est le Système. Pour autant, continuez à les mettre à jour car, plus ils le sont, plus leur hystérie s’amplifie, et la grossièreté de leurs actes et le désordre qui s’ensuit avec.
(Nombreux liens dans le texte original)
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