En janvier 2001, Bernard Landry avait inauguré son règne en piquant une colère contre le gouvernement Chrétien, qui conditionnait le versement d'une subvention de 18 millions au jardin zoologique et à l'aquarium de Québec à la présence du drapeau canadien.
Il avait eu beau plaider une référence à la tauromachie, on s'était indigné d'un océan à l'autre du mépris avec lequel le nouveau premier ministre du Québec avait parlé de ce «bout de chiffon rouge».
M. Landry avait sans doute exprimé son irritation de manière excessive, même s'il est vrai que l'omniprésence de l'unifolié dans la «capitale nationale» du Québec peut devenir agaçante. Soit, Québec a déjà eu le statut de capitale du Canada, mais il y a déjà très longtemps de cela.
La récente controverse sur la reconstitution de la bataille des plaines d'Abraham a eu pour effet de relancer le débat sur l'espace démesuré dont le gouvernement fédéral est propriétaire à Québec. Ainsi, l'ancien président de la Commission de la capitale nationale, Pierre Boucher, a proposé que, dans un esprit de réconciliation, les Plaines soient remises entre des mains québécoises.
Le geste serait indéniablement élégant. Si on exclut la malheureuse initiative de l'actuel président de la Commission nationale des champs de bataille, André Juneau, qui semble avoir agi de son propre chef, il faut cependant reconnaître que la population n'a pas eu à se plaindre de la gestion fédérale, bien au contraire.
Depuis un siècle, les Québécois ont pu jouir d'un des plus beaux parcs urbains au monde. Quand on se souvient des erreurs d'urbanisme monstrueuses qui ont été commises à Québec au nom du prétendu développement, on frissonne à la pensée de ce qui aurait pu advenir des Plaines si la Ville en avait été la propriétaire.
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Même si la reconstitution de la défaite française de 1759 constituait une provocation inutile, il est tout à fait normal qu'au sein d'une fédération, le gouvernement central tienne à conserver sa juridiction sur certains lieux qui ont une valeur historique ou patrimoniale pour l'ensemble du pays et, jusqu'à nouvel ordre, les Québécois ont choisi de demeurer au sein de la fédération canadienne.
Le statut des terrains situés sur la colline parlementaire est une autre affaire. Au sein de la fédération canadienne, les provinces sont souveraines dans leurs champs de compétence. Il devrait aller de soi qu'elles soient propriétaires du lieu où elles exercent cette souveraineté.
Mon collègue Antoine Robitaille a obtenu copie d'une lettre que l'ancien ministre responsable des Affaires intergouvernementales canadiennes dans le gouvernement Charest, Benoît Pelletier, avait adressée en juillet 2006 à son vis-à-vis fédéral de l'époque, Michael Chong, pour régulariser une situation totalement incongrue.
Quel que soit le motif pour lequel le gouvernement fédéral a fait, en 1881, l'acquisition de terrains situés devant l'Hôtel du Parlement, lui-même construit entre 1877 et 1886, il n'a aucune raison de les conserver plus longtemps.
Il est absurde et même franchement humiliant que l'Assemblée nationale soit locataire du terrain sur lequel ont été élevées les statues de trois anciens premiers ministres, et non des moindres. Dans le cas de René Lévesque, cela relève presque du masochisme. Ou du sadisme, selon le point de vue.
Qui plus est, la lettre de M. Pelletier est demeurée sans réponse. Cela a dû être assez mortifiant pour un homme qui, dans son rapport de 2001, avait redéfini la politique constitutionnelle du PLQ sur la base du principe de «courtoisie» qui devrait animer le fédéralisme, ici comme ailleurs.
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Il est vrai que M. Chong, dont la nomination aux Affaires intergouvernementales avait constitué une surprise, ne semblait pas particulièrement bien disposé à l'égard des aspirations du Québec. À peine quatre mois après avoir reçu la lettre de M. Pelletier, il avait démissionné du cabinet Harper pour protester contre la reconnaissance de la nation québécoise. À moins que son français déficient ne l'ait empêché de comprendre le sens de la demande qui lui était faite?
À l'époque, Stephen Harper et Jean Charest ne manquaient pourtant aucune occasion de chanter les vertus du «fédéralisme d'ouverture». Il y avait là une belle occasion d'en faire la démonstration à peu de frais. Le Canada anglais a beau se plaindre des réclamations du Québec, il doit bien valoir quelques mètres carrés de pelouse.
S'il s'agissait seulement des mauvaises dispositions de M. Chong à l'endroit du Québec ou simplement de négligence de sa part, pourquoi ne pas être revenu à la charge auprès de ses successeurs, que ce soit Peter Van Loan ou Rona Ambrose? Le gouvernement Charest aurait-il interprété le silence d'Ottawa comme de la réticence et préféré ne pas insister?
Bien entendu, il n'est jamais trop tard pour bien faire, même si les relations entre MM. Harper et Charest se sont considérablement refroidies depuis. Il se trouve que l'actuelle ministre des Affaires intergouvernementales dans le gouvernement conservateur est précisément une députée de Québec. Oui, je sais, il ne faut pas attendre grand-chose de Josée Verner, mais une fois n'est pas coutume.
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mdavid@ledevoir.com
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