Les adversaires de Justin Trudeau n’ont pas manqué de décocher des uppercuts au boxeur amateur cette semaine : on donne de l’argent aux organismes de charité, on ne leur en prend pas, ont lancé conservateurs et néodémocrates.
Pour Andrew Coyne (National Post et Postmedia), les révélations entourant les honoraires demandés par M. Trudeau pour des discours prononcés devant des organismes de charité montrent que le jugement du chef libéral n’est pas une science exacte. Il y a visiblement des lacunes, écrit-il.
Mais dans cette histoire, dit Coyne, tout est question d’interprétation. Le chroniqueur estime ainsi que de manière générale, il est acceptable de se faire payer pour prononcer des discours, si tant est que les gens soient prêts à payer. Mais se faire payer pour parler devant un organisme à but non lucratif ? C’est plus délicat, dit Coyne. Et encore plus quand la personne qui parle est millionnaire, et qu’il s’agit d’un député. Rien ne l’interdit, mais la zone est grise.
Coyne soutient ensuite qu’il est plus problématique pour un député de facturer des discours à des entreprises qu’il serait en mesure d’aider par son travail parlementaire. Il y a là apparence de conflits d’intérêts, dit-il. Quant à l’idée qu’un député rate des séances parlementaires pour aller prononcer des discours payants, c’est carrément inacceptable, souligne Coyne.
Chaque cas est discutable, mais le chroniqueur estime au final qu’il est évident qu’un député bien nanti ne devrait pas rater des débats pour aller prononcer des discours chèrement facturés à des organismes de charité ou des entreprises. C’est une évidence que Justin Trudeau a pris trop de temps à comprendre, pense Coyne.
En éditorial, le Globe and Mail écrit que Justin Trudeau avait tort, tout simplement. L’organisme qui réclame 20 000 $ à Trudeau fait fausse route, mais le Globe pense que Trudeau n’avait pas à facturer quoi que ce soit au départ. « Les députés sont payés à temps plein pour le service public », dit-il.
L’affaire donne l’impression que Justin Trudeau s’est servi des organismes devant lesquels il parlait pour se construire une petite entreprise personnelle, dit le Globe. Le journal félicite le chef libéral d’avoir proposé de remettre l’argent, mais s’étonne qu’il n’ait pas compris plus tôt que c’était ce à quoi s’attendaient les Canadiens.
Cette affaire s’inscrit plus largement dans le grand débat qui porte sur la transparence et l’imputabilité en matière de dépenses des parlementaires, écrit pour sa part Tim Harper dans le Toronto Star. Les ennuis du sénateur Mike Duffy ont déclenché une prise de conscience qui fait qu’on s’intéresse aujourd’hui aux activités de Justin Trudeau ou aux vacances du ministre John Baird dans une résidence officielle canadienne à Londres.
Harper félicite donc Elizabeth May pour avoir mis en ligne ses dépenses cette semaine. Pendant que les libéraux et les néodémocrates s’obstinent à savoir qui est le plus ouvert à la transparence, la chef du Parti vert a agi, remarque le chroniqueur. On connaît désormais combien son bureau dépense en frais de nettoyage, en abonnements, en sécurité, tout.
Aux députés qui s’inquiètent des conséquences d’une trop grande transparence (va-t-on leur reprocher la moindre dépense ?), Tim Harper répond qu’au fond, la question est simple : seriez-vous capable de justifier tous vos revenus et dépenses s’ils étaient révélés ? Si oui, ça va.
Québec et Grèce, même combat
Dans la foulée de l’arrestation de Michael Applebaum, le chroniqueur Kelly McParland a dressé cette semaine un parallèle entre le mouvement souverainiste et la corruption. Il écrit dans le National Post que si le Québec avait voté oui en 1995, il faudrait aujourd’hui le décrire comme on décrit… la Grèce.
« Un petit pays profondément endetté, avec une économie faible et contrôlée par l’État, un endroit où règne la corruption et qui tente de survivre face à d’autres marchés plus puissants et peu intéressés par ses inquiétudes culturelles. »
Selon lui, « l’obsession de l’indépendance » a placé le Québec au bord du gouffre financier. Et l’endettement provoqué par la volonté de l’État d’offrir des programmes sociaux généreux a créé un terreau fertile pour la corruption, estime McParland.
« Il n’est certainement pas irraisonnable de suspecter que les vastes efforts consacrés à se battre contre le Canada depuis si longtemps ont drainé beaucoup [de ressources] qui auraient pu être mieux utilisées ailleurs », dit-il. McParland s’inquiète que même à l’heure grave que vit le Québec, le gouvernement demeure obnubilé par la souveraineté : projet de loi 14, isolation de minorités (sikhs et juifs), promotion de la souveraineté sur les produits de la ferme…
Rae part
Le départ de Bob Rae a été souligné par plusieurs dans les derniers jours. Notamment Lawrence Martin (iPolitics), qui écrit que personne au Parlement ne possède les qualités qu’avait le député de Toronto : un mélange d’érudition, d’éloquence et d’expérience.
Rae fut assez intelligent pour ne pas se lancer l’an dernier dans la course qui a couronné Justin Trudeau, ajoute Martin. Une décision qui paraît aujourd’hui plus pertinente que jamais, puisque les scandales qui affectent les conservateurs ont surtout montré que la population a soif de changement. Et ce changement, Bob Rae n’aurait pu l’incarner, dit Lawrence Martin.
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