Finalement, il a fallu peu de chose pour ébranler les deux colosses de l'information télévisée italienne que sont le journal de 20 heures de Rai Uno (service public) et celui de TG5 (groupe Mediaset contrôlé par la famille Berlusconi). Ils ont dû concéder un peu de leur audience - 5 points de moins pour le premier et 6 pour le second - à celui de la 7, relancé, dirigé et présenté par le journaliste Enrico Mentana, qui a atteint près de 10 % en deux semaines, soit presque la moitié de la part de marché de chacun de ses deux concurrents.
Peu de chose, c'est-à-dire juste un peu plus d'objectivité. Sur un fond vert, derrière un sobre bureau, M. Mentana ne fait pas que présenter les faits. Il les hiérarchise et les remet dans le contexte. Bref il fait du journalisme là où beaucoup de ses pairs nommés directement par le président du conseil, Silvio Berlusconi, restent aux ordres. La montée en puissance du journal de la 7, propriété de la branche médias du groupe Telecom Italia, apparaît presque comme un fait politique. Un acte de résistance.
La crise ouverte entre Silvio Berlusconi et son rival Gianfranco Fini a fourni à Enrico Mentana l'occasion de satisfaire une partie des Italiens, lassés de la propagande et assoiffés d'explications. Le mardi 7 septembre, il a invité M. Fini à s'expliquer en direct alors que la concurrence donnait la parole aux soutiens de M. Berlusconi. Résultat : des pics d'audience à 12 % au cours de l'intervention du président de l'Assemblée nationale.
"Comme les vignerons"
Est-ce cela, la raison du succès de M. Mentana ? Présenter l'actualité italienne autrement que comme une alternance insipide de déclarations officielles et de faits divers sans intérêts ? "Je suis comme les vignerons, répond-il. Ce n'est pas à moi de commenter ma production. Les chiffres sont devant les yeux de tout le monde. Moi, je fais un journal, ce sont les autres qui les regardent."
Pour Aldo Grasso, spécialiste de la télévision au quotidien milanais Corriere della Sera, "jamais les journaux télévisés n'ont connu une telle crise, comme si les choses importantes étaient devenues secondaires". "L'idée de Mentana, poursuit-il, a été simplement de renouer avec l'information."
"Nous avons surtout cherché un journal complet, ordonné et libre, explique M. Mentana. La crise politique redonne aux Italiens le goût de la politique et d'une information non contrôlée." Pour le présentateur, ce succès est aussi une revanche. Ancien journaliste de Canale Cinque (groupe Mediaset), il en avait démissionné avec éclat, en février 2009, pour marquer son désaccord avec le choix éditorial de la chaîne.
Philippe Ridet
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