À une époque pas si lointaine — et toujours pas révolue dans plusieurs lieux — où des religions officielles étaient en vigueur dans les pays du monde, il allait de soi que les institutions vouées à la promotion du dogme et à l’exercice du culte détiennent une relation bilatérale avec l’État.
Alors que l’État utilisait bien souvent l’Église pour assurer son contrôle sur les populations, cette dernière pouvait profiter d’une position sociale enviable. La nouvelle religion officielle, celle du commerce libéré de toute entrave, présuppose un nouveau type de relation entre l’État et le nouveau clergé des affairistes et des intérêts privés.
Quand on postule que le commerce se doit d’être le plus émancipé possible, soit extirpé des vieilles limites imposées par les États et les nations, il paraît logique que les transnationales doivent détenir un pouvoir plus grand que celui du gouvernement.
La grande révélation
C’est sensiblement ce que Pierre Paradis semble avoir découvert hier en déclarant que Monsanto, entreprise américaine spécialisée dans les biotechnologies agricoles, était devenue plus puissante que le gouvernement, à l’instar, dit-il, d’autres géants du même genre.
À l’Assemblée nationale depuis 1980, Paradis a peut-être été marqué par une époque où l’intervention de l’État voulait dire quelque chose, et sa longue carrière de député d’arrière-ban sous Jean Charest a possiblement causé un désintérêt chez lui qui a affecté sa capacité à constater ce qui se tramait pendant ces années, soit la transformation de l’État en grosse succursale.
La vocation du ministre aujourd’hui? Être une figure officielle, rouler en limousine, serrer des mains et découper des rubans. Paradis s’est aujourd’hui réveillé de sa torpeur, échappant une déclaration qui traduisait un aveu d’impuissance.
Mal lui en fera: sa phrase mal calculée pourrait lui valoir bien des conséquences politiques.
On n’attaque pas de tels intérêts sans en payer le prix, à commencer par un renforcement prévisible du contrôle sur la libre expression des ministres.
Une démocratie malade
Une simple recherche sommaire sur Monsanto nous l’indique, si l’entreprise constitue désormais un État en elle-même, elle fait figure d’État-voyou. Qu’à cela ne tienne, sa capacité à souffler la pluie et le beau temps sur une nation est sans équivoque.
Observe-t-on un enjeu aussi terre-à-terre que celui-là — soit l’utilisation de pesticides qui pourraient s’avérer dangereux pour la santé et pour l’environnement — qu’on constate immédiatement que la capacité d’agir de l’État est en voie d’extinction, même si sur papier le gouvernement était en droit de légiférer.
Cette souveraineté nationale est présentement l’objet de menaces brutales que font peser les ententes de libre-échange, dont les plus récentes sont le Partenariat transpacifique et l’Accord économique et commercial global, qui favoriseront les poursuites judiciaires contre les États par les entreprises, si celles-ci estiment que leurs profits seront lésés.
Mais tout cela est conforme au grand rêve d’idéologues en culottes courtes qui se prétendent économistes, lequel rend forcément supérieure une institution à but lucratif qu’une autre qui serait vouée au bien commun.
On se demandera toujours pourquoi ces experts patentés en veulent tant à la démocratie.
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