WASHINGTON | Le gouvernement de Donald Trump a annoncé lundi une mesure qui verrouille l’accès à l’asile pour les migrants arrivés à la frontière sud, suscitant les foudres du Mexique et un recours immédiat en justice.
L’administration républicaine a fait savoir qu’elle refuserait, à compter de mardi, les demandes d’asile formulées à la frontière sud par des migrants qui n’auront pas sollicité le statut de réfugiés au Mexique ou dans un autre pays sur la route des États-Unis.
«Les États-Unis sont généreux, mais complètement débordés par le fardeau créé par les centaines de milliers d’étrangers arrêtés à la frontière sud», a justifié le ministre de la Justice Bill Barr, en souhaitant que la nouvelle règle «décourage les migrants économiques qui veulent exploiter notre système d’asile».
Les conséquences concrètes du texte, qui prévoit des exceptions notamment pour les victimes de traite des êtres humains, n’ont pas été explicitées. Mais le Mexique s’est déjà élevé contre toute volonté de renvoyer les migrants sur son sol.
«Nous allons être très vigilants sur le respect du principe de non-refoulement, conformément au droit international», a déclaré le chef de la diplomatie mexicaine Marcelo Ebrard, en exprimant son «désaccord» avec la décision des États-Unis.
La puissante organisation de défense des droits civiques ACLU a de son côté fait savoir qu’elle allait saisir la justice en urgence pour bloquer la nouvelle règlementation.
Des tribunaux ont déjà invalidé plusieurs tentatives du gouvernement de restreindre le droit d’asile, notamment une circulaire qui interdisait de formuler une demande en cas d’entrée clandestine dans le pays.
Si elle devait malgré tout s’appliquer, la nouvelle règle pourrait empêcher des centaines de milliers de migrants d’accéder à la première économie mondiale, et les forcer à rester au Mexique où plus de 40% de la population vit dans la pauvreté.
«Succès»
Depuis mars, plus de 100 000 personnes ont été arrêtées chaque mois après être entrées clandestinement aux États-Unis.
Originaires en grande majorité de pays pauvres et violents d’Amérique centrale, Guatemala, Salvador et Honduras en tête, ces migrants déposent généralement une demande d’asile qui leur permet de se maintenir sur le territoire américain le temps de l’examen de leur dossier par un juge de l’immigration.
Donald Trump les accuse de disparaître ensuite et de gonfler le nombre des quelque 10,5 millions de sans-papiers présents aux États-Unis.
Le président républicain, qui a fait de la lutte contre l’immigration illégale une de ses priorités, cherche à la fois à endiguer les flux et à augmenter les expulsions de clandestins.
La police migratoire devait commencer dimanche une vague d’arrestations de grande ampleur visant les familles, mais elle n’a pas semblé se matérialiser dans l’immédiat, ce qui n’a pas empêché Donald Trump de saluer «le succès» de l’opération.
En menaçant son voisin de sanctions douanières, il a obtenu récemment que le Mexique renforce ses contrôles à la frontière, ce qui a permis de réduire les arrivées de 28% en juin. Il a également obtenu que les demandeurs d’asile attendent au Mexique que leur dossier soit traité par les tribunaux américains.
Malgré cette baisse, les postes des garde-frontières et les centres de rétention sont totalement engorgés et les conditions de vie en leur sein font l’objet de nombreuses critiques.
Pays sûr
L’immigration devrait être un des thèmes centraux de la campagne présidentielle de 2020, avec une opposition démocrate vent debout contre la rhétorique et les mesures des républicains.
«Ils trouvent que leur politique d’intimidation n’est pas assez cruelle donc, maintenant, ils veulent interdire aux demandeurs d’asile de trouver la sécurité dans notre pays», a tweeté Beto O’Rourke, l’un des prétendants à l’investiture démocrate pour 2020, après l’annonce du gouvernement.
Tout comme l’Union européenne permet de renvoyer les demandeurs d’asile dans le pays membre par lequel ils sont entrés dans l’UE, les lois américaines prévoient la possibilité de refuser les demandes d’asile des migrants ayant transité par un pays tiers considéré comme «sûr». Mais elles renvoient la définition des pays « sûrs » à la conclusion d’accords bilatéraux.
Le gouvernement américain presse le Mexique et d’autres pays de signer des accords en ce sens, mais se heurte à de fortes réticences. La Cour constitutionnelle du Guatemala a ainsi bloqué dimanche la conclusion éventuelle d’un tel accord.
«Nous ne débuterons aucune négociation sur le statut de “pays tiers sûr” sans recevoir le feu vert du Parlement», a de son côte rappelé lundi Marcelo Ebrard.