Vers un monde multipolaire

Le glacis de la connerie

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Chronique de P-H Perrier

Faisant mentir les théories du réchauffement climatique, nous venons de vivre un hiver qui a même perturbé l’état des relations diplomatiques à l’échelle planétaire. Bienvenu dans l’ère de glace de la géopolitique. En effet, rien ne va plus depuis l’affaire de l’empoisonnement de l’ancien espion russe Sergueï Skripal au Royaume-Uni. Profitant de la fonte des glaces, le Canada vient d’expulser, manu militari, une poignée de diplomates russes afin de faire bonne figure dans le peloton des colonies d’Oncle Sam.


Mettre au pas l’ours mal léché


Le Premier ministre canadien, Justin Trudeau, désireux de faire oublier ses déboires en sol indien, vient de prendre le crachoir afin de « remonter les bretelles » d’un Poutine comparé à un véritable délinquant. Le frère siamois du président Macron invite l’ours mal léché à faire amende honorable « que ce soit en reculant dans son engagement dans la Donbass ou en se retirant de la Crimée, ou en prenant la responsabilité pour … les questions importantes que le Royaume-Uni a posées à la suite de l’incident du terrible empoisonnement il y a quelques semaines à Salisbury, ou celles autour de l’OTAN, de la Syrie, de l’Arctique ». Fidèle à son rôle de potiche, Trudeau ne fait qu’égrainer un chapelet d’images d’Épinal qui ne correspondent en rien à la réalité d’une géopolitique en pleine mutation.


La porte-parole du cabinet du Premier ministre canadien, Chantal Gagnon, a beau répéter que « la Russie doit respecter les règles établies de l’ordre mondial », on peut, légitimement, se questionner sur la pertinence de cette forme de pensée magique qui ne fait que conforter le Canada dans son rôle d’acteur de second plan. N’entretenant pas de véritable contentieux avec la Russie, le Dominion canadien vient de ternir à jamais son indépendance diplomatique et confirme, dans les faits, sa soumission face aux diktats imposés par les commanditaires de Davos. Portant à bout de bras une doctrine du multiculturalisme qui bat de l’aile, les oligarques canadiens s’en prennent aux nations qui ne sont pas alignés sur cet « ordre mondial » qui semble avoir été taillé sur mesure pour satisfaire aux appétits des grandes multinationales. Et vogue le navire…


Oncle Sam perd les pédales


Ce curieux coup de théâtre s’est produit au même moment où l’homme fort de Moscou vient d’être réélu avec un mandat sans équivoque. Il n’y a pas à dire, c’est la catastrophe pour un empire américain qui perd son monopole au Moyen-Orient, n’arrive plus à imposer sa monnaie de singe sur les marchés et qui se fait, même, damer le pion par les forces armées russes au chapitre de la supériorité technologique.


Fidèles à leurs habitudes, les oligarques américains viennent de renverser la table des échecs en nommant le faucon John Bolton au poste de conseiller du président américain en matière de sécurité nationale. Cette nomination tombe à pic afin de permettre à l’état profond américain de respirer un peu, tout en s’appuyant sur la technique éprouvée de l’inversion accusatoire.


Les animaux malades de la peste


Ainsi, l’État russe est le principal responsable de l’élection du président Trump, après qu’une poignée de ses ressortissants ait investi quelques milliers de pauvres dollars en publicité Internet durant la dernière campagne présidentielle. Jouant cette carte à fond, les huiles de l’appareil d’état américain accusent la Russie de commettre des exactions répétées en Syrie, alors que le Pentagone n’a de cesse de procéder à des frappes illégales au pays de Bachar el-Assad. Accusant la Russie d’occuper « illégalement » la Crimée – malgré qu’un référendum dûment organisé ait confirmé la volonté de ses habitants de revenir dans le giron russe – les Américains et leurs supplétifs n’ont pas hésité à commanditer un coup d’état qui aura permis d’installer une junte militaire à Kiev.


N’y allant pas avec le dos de la cuillère, John Bolton considère qu’il faut mettre au pas la Russie, l’Iran et la Corée du Nord, trois puissances montantes qui refusent d’utiliser le dollar américain pour leurs transactions d’hydrocarbures et qui tentent de préserver les capacités régaliennes de leurs états respectifs.


Manifestement incapables de juguler une crise économique et migratoire qui menace leur équilibre social, les satellites du grand frère américain s’en prennent à une Russie coupable de tout et de rien. Un ancien diplomate canadien, Ferry De Kerckhove, estime que cette réaction coordonnée [c’est le cas de le dire] traduit possiblement un « ras-le-bol » face au comportement de la Russie sur la scène internationale … selon ce que rapportait récemment Radio-Canada, la Pravda du Dominion canadien. Poussant sa pseudo-analyse d’un cran, De Kerckhove déplore que les pays en cause n’osent pas « aller plus loin que ça ». Malgré tout, le propagandiste estime que toute cette agitation « n’est pas qu’un grand coup d’épée dans l’eau, parce qu’on se doit de dire à Poutine : « Assez, c’est assez » … ». Et c’est ici que le bât blesse puisque ceux qui s’opposent à la montée en puissance de la maison Russie sont, fort justement, les commanditaires des opérations djihadistes visant à déstabiliser certains pays du Moyen-Orient, tels que la Syrie, qui refusent de céder leurs ressources naturelles contre un plat de lentilles.


Vers un monde multipolaire


Il serait pertinent de rappeler aux amnésiques, et autres donneurs de leçon patentés, que la Russie et la Syrie ont signé des traités d’assistance mutuelle en matière de défense et de sécurité. Il va sans dire que la nouvelle administration américaine aura fini par céder aux pressions des lobbies néoconservateurs désirant en finir avec cet « axe du mal » qui refuse de se laisser déstabilisé par des « révolutions de couleur » qui sont autant de signes avant-coureurs d’une série de coups d’état destinés à réduire à néant la géopolitique du monde panarabe. C’est ce qui explique l’obsession des faucons du Pentagone concernant cet increvable axe chiite qui va de l’Iran jusqu’au Liban, en passant par l’Irak et la Syrie. L’« axe du mal » menace la Pax Americana en profondeur puisque même les traditionnels alliés, tels que la Turquie ou l’Arabie Saoudite, ne savent plus sur quel pied danser et se mettent à jouer sur tous les tableaux à la fois. Il faut dire que la Russie, la Chine et les autres membres de l’Alliance de Shanghai seraient disposés à investir des sommes colossales afin de reconstruire une partie des infrastructures détruites au Moyen-Orient et de prendre le contrôle d’une exploitation gazière qui constitue un véritable Klondike.


Incapables de durablement impacter la Russie avec leurs sanctions délétères, les kapos de l’Otan font des pieds et des mains afin d’isoler la puissance slave en multipliant les foyers de discordes partout où elle avait réussi à nouer des alliances géostratégiques. Rien n’échappe à la voracité de l’« Œil qui voit tout », puisque Justin Trudeau pousse le toupet jusqu’à reprocher aux Russes de vouloir étendre leur sphère d’influence aux quatre coins d’une zone arctique qui représente un terrain d’opération qui se dérobe, pour l’heure, aux visés impérialistes des puissances atlantistes. Manque de pot, puisque la Russie et ses alliés n’entendent pas se conformer aux desiderata d’une poignée d’états compradores incapables de faire le ménage chez eux.


Manifestement, tout ce « glacis de la connerie » risque de fondre comme neige au soleil avec l’arrivée du printemps. La saison des semailles sonne le glas de l’Ère de glace d’un Empire qui n’est déjà plus que l’ombre de lui-même…



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Patrice-Hans Perrier181 articles

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Patrice-Hans Perrier est un journaliste indépendant qui s’est penché sur les Affaires municipales et le développement urbain durant une bonne quinzaine d’années. De fil en aiguille, il a acquis une maîtrise fine de l’analyse critique et un style littéraire qui se bonifie avec le temps. Disciple des penseurs de la lucidité – à l’instar des Guy Debord ou Hannah Arendt – Perrier se passionne pour l’éthique et tout ce qui concerne la culture étudiée de manière non-réductionniste. Dénonçant le marxisme culturel et ses avatars, Patrice-Hans Perrier s’attaque à produire une critique qui ambitionne de stimuler la pensée critique de ses lecteurs. Passant du journalisme à l’analyse critique, l’auteur québécois fourbit ses armes avant de passer au genre littéraire. De nouvelles avenues s’ouvriront bientôt et, d’ici là, vous pouvez le retrouver sur son propre site : patricehansperrier.wordpress.com





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1 commentaire

  • Marc Labelle Répondre

    2 avril 2018

    Merci pour cette analyse au ton ironique savoureux.  Il y a lieu d’être optimiste : ces sombres nuages annoncent la fin de la mainmise anglo-saxonne sur le monde en général et le Québec en particulier.  Gardons le moral et préparons la riposte émancipatrice contre le ridicule Dominion canédiune.