Le Conseil d'agglomération du 22 février dernier a, finalement, approuvé un projet de convention à l'effet d'accorder un soutien financier de 1,3 M$ au Centre de prévention de la radicalisation menant à la violence (CPRMV).
Il serait utile de rappeler que cet organisme a été mis sur pied par la Ville de Montréal en 2015, cela avec l'appui du gouvernement du Québec et toute une kyrielle de partenaires actifs sur le front du militantisme communautaire. Par ailleurs, il s'agit d'un organisme qui est doté d'un mandat provincial qui porte spécifiquement sur la prévention des crimes et des incidents haineux.
Des pratiques mises en doute
Le CPRMV a fait récemment parler de lui à cause de l'embauche de deux « consultants » qui avaient déjà été accusés d'avoir tenté de quitter le Canada afin de participer à une opération terroriste à l'étranger. Il s'agissait d'El Mahdi Jamali et de Sabrine Djermane.
Le directeur de l'organisme, Herman Deparice Okomba, avait défendu ce choix – lors d'une entrevue à l'émission de Bernard Drainville à la station 98,5 FM – en expliquant que le recours à la réinsertion sociale pour les personnes radicalisées faisait partie de la politique administrative du CPRMV.
De fait, à l'instar des firmes de sécurité informatique qui embauchent d'anciens hackers, la direction du nouvel organisme utilise la réinsertion sociale pour mettre à contribution des militants qui ont déjà flirté avec des idéologies qui peuvent être suspectes.
Il s'agit d'un pari passablement risqué, surtout s'il fallait qu'une poignée d'anciens militants djihadistes soit mise à contribution pour étudier le comportement de certains mouvements identitaires, à l'instar de La Meute ! On pourrait carrément parler de conflits d'intérêts dans un pareil cas.
Une approche qui s'apparente à de la surveillance policière
Le rôle central de cet organisme consistera, dans un proche avenir, à dépister les « comportements à risque » afin de mettre en action des approches qui peuvent aller des campagnes de sensibilisation menées sur les campus étudiants jusqu'à la délation en bonne et due forme.
D'ailleurs, on a qu'à consulter le site officiel de l'organisme pour comprendre la nature multidisciplinaire du travail qui est appelé à être mené sur le terrain d'une potentielle radicalisation : il s'agit d'intervenir en amont afin de sensibiliser les publics cibles et de prendre « en charge des situations de radicalisation menant à la violence ».
Le programme d'action du CPRMV comprend une grille d'évaluation des « risques de radicalisation » qui s'apparente à un outil destiné à « normaliser » les comportements en société. Ainsi, les consultants de l'organisme ont mis sur pied un « baromètre des comportements » qui constitue un outil de dépistage des comportements qui pourraient être jugés sensibles ou à risque.
Le spectre de la radicalisation comporte quatre types de comportements qui peuvent mener, si l'on se fie à la méthodologie du CPRMV, aux formes extrêmes de la radicalisation. On y traite des comportements non significatifs, préoccupants, inquiétants et alarmants.
Vers la délation généralisée ?
Déjà, le fait d'« afficher un intérêt marqué pour l'actualité nationale ou internationale » y est qualifié de comportement « non significatif », bien que pouvant mener à une certaine forme de radicalisation.
Là où ça se corse, c'est lorsqu'un citoyen « développe une sympathie pour les discours et les thèses conspirationnistes », ici on parle d'un « comportement préoccupant ». On comprendra que le seul fait de remettre en question la version officielle de certains évènements pourrait constituer, si l'on se base sur cette approche, un symptôme alarmant qui fera de vous un délinquant potentiel.
Par ailleurs, il est fort instructif de consulter le PLAN D'ACTION 2018 de l'organisme pour y lire que l'on propose de « développer les outils nécessaires à la systématisation du processus d'évaluation et de tri des situations potentielles de radicalisation rapportées sur la plate-forme Info-Radical ».
Parmi les outils nécessaires, on y parle notamment de « poursuivre le développement d'une application mobile de signalement des actes haineux et d'accès aux ressources pour les victimes ou témoins d'actes motivés par la haine. »
Il s'agit, de fait, de mettre sur pied un système informatisé qui pourrait s'apparenter à un outil de délation. Des précédents existent déjà aux États-Unis, dans un contexte où les citoyens américains sont invités à rapporter aux autorités tous types de comportements « à risque » sur la place publique. Une histoire à suivre...
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