Tous les experts s'entendent pour dire que nous sortons lentement mais sûrement — sauf accident — de la récession économique mondiale. Bien des pays sont aujourd'hui couverts de cicatrices qui mettront du temps à disparaître, mais d'autres se relèvent de façon spectaculaire. C'est le cas de la Russie, où des élèves de Polytechnique ont récemment mené une mission exemplaire et qui peut être très utile à nos entreprises.
L'ancien coeur de l'URSS anticipe un recul de l'ordre de 8,5 % cette année. Cependant, il affiche une croissance soutenue de 0,5 % par mois depuis les 5 derniers mois. Le dernier sondage des perspectives d'affaires de KPMG nous apprend que l'optimisme est présent chez les chefs d'entreprises des secteurs manufacturiers et de services, qui placent la Russie au deuxième rang pour la confiance accordée, tout de suite après le Brésil et devant la Chine. Rappelons que la prospérité russe repose notamment sur d'immenses richesses naturelles qui l'ont dernièrement propulsée au premier rang des pays producteurs de pétrole et de gaz. Voilà un moteur puissant...
Renoncer à quelques clichés...
Si la Russie a opéré des changements politiques et sociaux profonds depuis l'implosion de l'URSS et du communisme dans les années 1990, elle reste en décalage par rapport aux nouvelles technologies développées dans les pays avancés. Un virage technologique permettrait d'accélérer et surtout de valoriser sa croissance. Parce que cette étape, nous l'avons déjà franchie au Québec, nous avons les moyens de rayonner en Russie.
En tête de peloton dans leur secteur respectif, des firmes comme Bombardier et SNC-Lavalin l'ont déjà compris et sont présentes à Moscou. Le moment est sans doute venu de renoncer à certains clichés nord-américains par rapport à la Russie et de voir le potentiel que représentent 142 millions d'habitants pour nos propres entreprises. Ces possibilités énormes, il est vrai, ne sont pas à l'abri de certaines difficultés liées à la culture des affaires et à l'éthique.
Le rapport final de la mission Poly-Russie 2009, en particulier, témoigne de cet état de fait. Ce projet aura nécessité un an de préparation, et une vingtaine d'étudiants en génie de l'École polytechnique y ont pris part. Leur périple a amené ces jeunes à explorer quatre grands secteurs industriels: les mines et les minéraux, le gaz et le pétrole, l'aéronautique et l'aérospatiale et, enfin, les nanotechnologies et la biopharmaceutique. Nos futurs ingénieurs ont fait un travail remarquable dont les gens d'affaires d'ici pourront s'inspirer lors du développement et de la mise en oeuvre de leurs stratégies russes.
L'âme russe
L'économie du Québec compte parmi les vingt premières au monde pour ce qui est du PNB per capita, mais elle n'a que sept millions huit cent mille habitants. Nous avons tout intérêt à travailler de concert avec le géant russe, nordique lui aussi, et qui a encore beaucoup de chemin à faire pour atteindre notre niveau de vie. Mais comme cet immense pays fait partie du fameux BRIC, il avance très rapidement. Le Québec, grâce à son dynamisme dans les hautes technologies contemporaines et dans la gestion des ressources naturelles dans un contexte de développement durable, peut se révéler un partenaire précieux. De son côté, la Russie, avec sa taille, son histoire et son riche patrimoine intellectuel et culturel, peut beaucoup nous apporter.
Sa mutation récente vers une économie de marché rend parfois son pas hésitant et pas toujours adroit, mais nul ne peut douter de la volonté russe d'amélioration et de modernisation. Ni de ses probabilités de succès. Le savoir-faire québécois, nos traditions éthiques, à préserver et consolider (!) et notre expertise internationale font de nous un partenaire de choix pour des échanges profitables aux deux pays..
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Bernard Landry - Ancien premier ministre du Québec, professeur à l'UQAM et professeur associé à l'École polytechnique
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