[Cher M. Descôteaux->5789],
J’aimerais attirer votre attention sur certains écueils d’une réforme par la voie parlementaire telle qu’entreprise au Québec. Tout d’abord, question de légitimité et d’intelligence, l’on peut se demander si l’ensemble des partis, même avec un consensus, représente la volonté citoyenne sur ce dossier, ou s’ils ne représentent que des volontés partisanes conjuguées. S’ils représentent des volontés partisanes conjuguées, l’on peut se questionner sur la légitimité de leurs délibérations sur leur mode d’accession au pouvoir.
Comme vous le savez, je défends l’idée d’Assemblée citoyenne au Québec, mais ce n’est pas que par principe, mais aussi de manière très pragmatique, car il y a des gens qui ne veulent pas d’une réforme de type Massicotte. Or, le scrutin que nous obtiendrons, avec la démarche entreprise par M. Charbonneau et cie., c’est un mode de scrutin de compromis entre celui proposé par Massicotte et le mouvement de réforme qui gueule pour faire passer une réforme plus sensée. Les effets de la réforme Massicotte, prise au sens pur, seraient de créer un système où les partis qui obtiennent, globalement, moins de 13 % des sièges seraient sous-représentés, et non représentés ou très peu représentés s’ils obtiennent moins de 10 % des sièges. Ce faisant, une alliance PQ-PVQ-QS ne pourrait se faire que si ces partis obtiennent chacun au moins 15 % des sièges, or, si l’un d’entre eux est sous la barre fatidique de 13 %, sa représentation en chambre et celle de la coalition seront affectées, ce qui me fait dire que cette coalition devrait, tout dépendant de la répartition des votes à l’intérieur de la coalition, aller chercher 50-60% des votes pour gouverner. Les deux partis de droite, ADQ et PLQ, eux, n’auraient besoin que de 50% dans tous les cas, mais pourraient même profiter d’une confiscation des votes de la coalition adverse pour gouverner avec une minorité de voix.
Ceci dit, ceci est bien sûr dans le présent contexte politique du Québec, ça peut changer, mais ça illustre quand même bien quelles seront les logiques du nouveau système semi-proportionnel proposé par Massicotte : garder les partis progressistes émergents dans la marge, et faire en sorte que toute diversification partisane dans ses rangs limite du coup ses chances de former le gouvernement. La gauche a aussi tendance à être plus fractionnée, comme vous le savez, les Français en sont un exemple éloquent, probablement dû au fait qu’ils, les gens progressistes, ont des structures d’autorités plus égalitaires.
Évidemment, l’ADQ et le PLQ donneront une carotte à l’âne, question de le faire avancer, mais il est possible que l’aménagement qu’ils proposent fasse tout de même bien l’affaire de l’ADQ et du PLQ, divise le mouvement de réforme – qui est scindé, malgré qu’on ne le dit pas très fort, entre conservateurs et progressistes – et fasse passer la pilule dans la gorge du PQ. Étant donné que cet écueil, à mon avis, doit être évité, il convient d’user d’une stratégie pour assurer que le mode de scrutin adopté soit une véritable proportionnelle, et non un scrutin semi-proportionnel favorisant la droite au détriment de la gauche.
Cette stratégie, c’est d’attaquer la légitimité même du gouvernement à réformer le mode de scrutin et demandant une Assemblée citoyenne sur le modèle de la Colombie-Britannique et de l’Ontario. Avec la mobilisation qui existe déjà au sein du mouvement de réforme, il est clair, à mon avis, que le scrutin choisi ne sera pas moins qu’un scrutin à l’allemande, mais que l’on pourrait obtenir mieux, un autre scrutin à finalité véritablement proportionnelle, qui permette, de plus, d’assurer une représentation régionale plus acceptable, ce qui n’est pas le cas du scrutin à l’allemande. Je n’y vois donc aucun risque de régresser au niveau du scrutin Massicotte. Il est dommage que l’incompétence, non la mauvaise foi de tous, mais parfois aussi une incompétence doublée d’une certaine arrogance, pousse les gens à proposer une voie de réforme qui soit périlleuse, à mon avis, pour le Québec.
Le fruit semble peut-être mûr, M. Descôteaux, mais il est déjà pourri de l’intérieur, car l’arbre lui-même est gravement malade. Seul l’arbre de la voie citoyenne permettra, à mon avis, de garantir et d’assurer que la réforme ne soit pas une réforme du scrutin entachée d’intérêts partisans et idéologiques.
Cordialement,
David Litvak
Site web de la [campagne pour une Assemblée citoyenne sur la réforme du mode de scrutin au Québec->www.assemblee-citoyenne.qc.ca]
Réplique à Bernard Descôteaux
Le fruit n’est pas mûr, mais bien pourri de l’intérieur
Réforme électorale
David Poulin-Litvak51 articles
[Campagne pour une Assemblée citoyenne sur la réforme du mode de scrutin au Québec ->http://www.assemblee-citoyenne.qc.ca/]
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2 commentaires
Archives de Vigile Répondre
4 avril 2007Rappelons que la voix citoyenne s'est déjà exprimée formellement à plusieurs reprises sur la question du scrutin :
1. Prise 1: Le projet de réforme péquiste qui débute officiellement en 1977 et reprend les travaux débutés par le PLQ dès 1970. Une consultation populaire a lieu en 1979. Plusieurs systèmes sont officiellement recommandés :
* La représentation proportionnelle régionale modérée (RPRM)
* La proportionnelle territoriale (PT)
* La représentation proportionnelle personnalisée (RPP)
Le projet de réforme tombe en hibernation en 1985.
2. Prise 2 : Le projet de réforme péquiste de 2002-2003. Une consultation populaire d'envergure est alors tenue. Les systèmes proportionnels sont encore une fois fortement suggérés ou simplement recommandés par les intervenants. Le rapport du comité directeur présidé par Claude Béland recommande formellement, attention, surprise :
* Le scrutin de représentation proportionnelle régionale
Non satisfait des montagnes de documents publiées par toutes sortes de personnes sur le sujet depuis des années, le gouvernement du PLQ, composé de gens élus grâce aux défauts du scrutin qu'on tente justement de remplacer par une réforme, repart à zéro avec l'intention d'obtenir un autre résultat que celui que la récente consultation populaire a fournit à l'Assemblée nationale.
La réforme que le PLQ a commandée à M. Massicotte est à l'opposé de l'ensemble des solutions favorisées par les simples citoyens informés et les spécialistes depuis les années 1970. C'est un système de type compensatoire qu'on ne peut honnêtement pas qualifier de proportionnel au sens entendu dans tous les autres systèmes. Selon Pierre Serré, docteur en sciences politiques et spécialiste des modes de scrutin, le modèle Massicotte «favoriserait outrageusement le Parti libéral du Québec, écarterait le Parti québécois du pouvoir de manière permanente, favoriserait les tiers partis fédéralistes de droite tout en limitant l'influence des partis issus de forces de démocratisation de la société québécoise». Quelle chance que ce gouvernement PLQ-ADQ!
Le PLQ exploite l'ignorance du citoyen moyen sur un sujet fort complexe afin de faire adopter un mode de scrutin qui n'est pas ce que la voix citoyenne exige depuis 30 ans au moins, mais au contraire ce qui arrange les adversaires de celle-ci.
Une Assemblée citoyenne permettrait de faire triompher la voix populaire qu'on tente de balayer sous le tapis en offrant le cadre propice à l'étude et à la délibération de citoyens sur un sujet qui les concerne directement. Dans ce cadre, les partis politiques pourront aussi soumettre leurs opinions, mais ils ne pourront pas contrôler l'issue de la délibération citoyenne.
Voir la chronologie de la réforme au Québec à cette adresse : http://www.assnat.qc.ca/FRA/publications/rapports/rapci1.html
Jean Pierre Bouchard Répondre
3 avril 2007Proportionnelle et mauvais rapport avec une minorité anglophone à parti unique.
Alchimie délicate et faite de tous les dangers des formes diverses de réforme électorale.
Réforme partiale et dangereuse des libéraux de Charest.
La meilleure réforme du système de scrutin est probablement celle qui n'est pas faite.
L'éditorial de M.Descôteaux tout en surface et inconscient des périls de cette réforme n'est pas digne du Devoir.