Le frisson linguistique

Le problème est bien plus profond que celui de la langue d’affichage ou du commerce chez le petit dépanneur

Tribune libre 2008

La bataille de la langue est perdue. Les chiffres qu’on a, comme sans doute
ceux qu’on nous cache, ne viennent que confirmer ce que n’importe quel
observateur sensible à la condition linguistique du Québec sait déjà depuis
longtemps. On a beau essayer de camoufler ces chiffres, comme l’OQLF, d’en
trahir la vérité comme le fait plus pernicieusement aujourd’hui dans La
Presse Yves Boisvert, ou encore de plonger jusqu’au cou dans la pensée
magique comme le faisait hier sa consoeur Lysiane Gagnon, les faits
demeurent, évident et impitoyables. La réalité est peut-être même pire, si
on considère les efforts faits par ceux qui contrôlent l’information pour
éviter de plonger le Québec dans une autre crise linguistique.
Dans un article de l’Actualité paru il y a peu, l’écrivain Jacques Godbout
prédisait la disparition de la culture québécoise fonctionnelle d’ici 2070.
Les dernières données permettent de croire qu’il était très optimiste. Les
plus jeunes, privés de références historiques, acculturés, plongés bien
malgré eux dans un univers globalisé et une mondialisation imposée, voient
bien que, de Pékin à Washington en passant par Bruxelles, le pouvoir,
économique ou politique, s’exerce en anglais. Les plus vieux, fatigués par
tant de batailles toujours à recommencer, épuisés par une société avide de
productivité et de performance, dégoûtés par les mensonges et les trahisons
des gouvernants et autres puissants, ont perdu le peu le confiance qu’ils
s’étaient un jour donné et ont pris refuge dans un cynisme des plus
improductifs. Rien qui permette d’espérer.
Le frisson linguistique qui fait aujourd’hui trembloter le Québec illustre
bien cette situation. Au lieu d’agir, au lieu d’intervenir rapidement,
fermement, avec la détermination de vouloir changer les choses, on se bat
sur fond d’études et de chiffres déjà bien connus. La logique de réflexion
a remplacé la logique d’action. Que ferons-nous quand tous les chiffres
auront été dévoilés? On en débattra pendant des mois et cela mènera
éventuellement à la mise sur pied de comités et commissions, puis on
attendra leurs recommandations. Ensuite, on discutera de celles-ci,
longuement. Puis on créera un organisme gouvernemental qu’on mandatera pour
développer un plan d’action. Éventuellement, cela mènera à des projets de
loi, puis à des règlements d’application, mais surtout à …dans bien
longtemps.
Le problème est bien plus profond que celui de la langue d’affichage ou du
commerce chez le petit dépanneur. Le problème est lié à l’effritement de la
culture, à la disparition du sentiment d’appartenance, à l’affaiblissement
des nationalismes (ici comme ailleurs). Il est surtout lié aux volontés du
grand commerce international de niveler et d’aplanir les différences
toujours trop coûteuses à gérer, et à nos gouvernements non représentatifs,
trop faibles, et peut-être parfois un peu corrompus, toujours trop enclins
à céder devant le poids des lobbys.
Si on pense changer les choses, il faut passer à l’action, vite, très
vite, et avec la dernière des énergies. De plus il faut que le traitement
soit comme le mal : invasif et global, transformant à la fois tous les
aspects de notre société. Et cela commence d’abord par prendre le contrôle
de notre destinée, à tous points de vue.
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2 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    21 avril 2008

    En tant pis aussi pour la France. La France mérite le même sort que le Québec. Je donne ne pas cher de la francophonie ou même de la France, si le Québec disparaît. Ne vous inquiétez pas là dessus. On préservera les apparences encore quelques années, on contineura à jouer le jeu et à apaiser. On continuera à donner des suçons et des hochets. Mais en bout de compte on grugera, on diluera, on exterminera la culture, l'histoire et la langue en douceur, par touche.
    Que pensez-vous sera l'état du français au Canada dans 100 ans ? Le français au Canada c'est comme la grenouille que l'on met dans une casserole. On ne la fait pas bouillir immédiatement. On réchauffe tranquilliment. La grenouille s'endort et meurt ébouillantée sans s'en apercevoir. Tant pis pour nous mais aussi tant pis pour la France.

  • Georges-Étienne Cartier Répondre

    26 janvier 2008

    Et voilà ! Parfaitement dit !
    Bien.
    Mais ceci dit, professeront doctement les Pontifes du "Bien" et du "Mal" et les "Z`observateurs-inquiets", cette démarche est "pure et dure" et le fait d`un "zélote", d`un "fanatique"de "fanum"=temple !), d`un "idéologue", d`un "intolérant discriminant", donc d`un "répugnant" ...à rejeter et exclure (!) ?
    Ben non, c`est tout bonnement...

    impur, naturellement , comme l`est la vie quoi,
    lucide et donc courageux car resistant à la
    tentation de ne pas "voir" les choses désagréables
    ni d`en assumer les conséquences pénibles sur le
    confort soumis de la soi disant "paix sociale",

    réaliste car fondé sur des faits
    avérés et non sur une religion politique
    impérialiste révélée,

    critique et de ce fait légitimement
    discriminant
    car issu d`une utilisation honnête
    des termes, des idées qu`ils expriment et des
    dynamiques et situations qu`ils reflètent,
    dans leur définition acceptée,

    ferme et volontaire comme ce à quoi
    on est en droit de s`attendre de quiconque sait
    ce qu`il veut,
    radical enfin puisque ça s`adresse à la racine
    incontournable de notre problème.
    Il faut être vraiment pervers pour trouver un telle démarche "répugnante " !