[Réplique (À Andrée P. Boucher, mairesse de Québec)->1408]
Dans votre analyse de la situation du français au Québec, tout à fait à propos dans le contexte linguistique actuel, vous avez omis, madame, d'attirer l'attention sur un aspect important de cette problématique, celui de la dimension politique qui lui est attachée.
Le problème de la qualité de la langue, chez nous, ne vous en déplaise, est d'abord celui d'un peuple qui ne détient pas tous ses pouvoirs, qui n'a pas toutes les marges pour affirmer son identité et qui consacre depuis trop longtemps ses meilleures énergies à se prouver qu'il existe. Et cela dans un univers anglais qui, lui, s'irradie magistralement dans les communications de tout ordre !
Madame, la langue française, au Québec, ne s'est pas dégradée ; nous l'entendons et la lisons davantage, voilà tout. Mais dans le combat constant que nous menons pour sa survie, les forces ne sont pas égales, quoiqu'en disent les membres d'une certaine élite canadienne-française à laquelle vous vous identifiez. Le frère Untel et bien d'autres promoteurs d'un esthétisme langagier ont été rapides à tirer sur les locuteurs et les modes d'apprentissage, mais aveugles devant les vraies contraintes.
Le problème demeurera entier au Québec si nous valorisons le statut de nation minorisée qui est le nôtre présentement. Se battre pour conserver des acquis, dont celui de la langue, sera toujours plus le reflet de nos hésitations, de nos tergiversations, de petites avancées et de reculs légendaires.
Pour accorder à sa langue toute l'attention qu'elle mérite, il faut d'abord la savoir indispensable à son quotidien, à son éducation, à ses travaux et à ses débats. Un trop grand nombre de Québécois croient que notre langue, pourtant proclamée officielle au Québec, doit s'effacer en affaires et partager à parts égales la place avec l'anglais dans la vie publique québécoise.
Rien ne permet alors de penser que, malgré les renforts que vous envisagez, Québec, la ville, saura résister longtemps à l'anglicisation qui dépasse en intensité négative, à Montréal, la "descente aux enfers" du français.
La piètre qualité de la langue n'a rien à voir avec la montée du nationalisme québécois, madame. C'est plutôt grâce à ce dernier que le monde entier sait maintenant que, quelque part en Amérique, on se bat pour faire un pays de langue française. Et que, depuis ce temps, on lutte aussi pour pouvoir lire les affiches dans cette langue sur les murs de la ville que vous dirigez.
La souveraineté du Québec sera l'élément déclencheur de politiques linguistiques fermes et stimulantes sur ce territoire où la langue officielle, quittant le statut folklorique qui est le sien au Canada, passera de la défensive à l'affirmation. C'est à ce moment-là seulement que le français aura enfin plus que ses lettres de noblesse dans la tête et dans le coeur de ses habitants : il deviendra un élément de fierté.
* L'auteure est présidente du conseil d'administration du conseil de la souveraineté de la capitale nationale.
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