Décidément, les projets de remodelage des pays d’Afrique du Nord et du Proche et Moyen-Orient fleurissent avec constance au sein des centres de recherche israélo-anglo-saxons. En effet, nous pouvons recenser une accumulation de travaux et de conciliabules œuvrant dans cette voie depuis un siècle.
Le point de départ de ces remaniements peut être situé à la date du 16 mai 1916 avec les « accords Sykes-Picot » préparant le démantèlement de l’Empire ottoman et la répartition des territoires entre les puissances colonisatrices française et anglaise. Dans cette affaire, la Grande-Bretagne se tailla la part du lion en s’adjugeant les territoires riches en pétrole et en gaz, l’Irak et le Koweït.
Dans la foulée de ces accords, la publication de la « Déclaration Balfour », le 2 novembre 1917, fut une étape supplémentaire. Reconnaissant un foyer juif en Palestine en liaison avec le président de la Fédération sioniste, Chaim Weizmann, futur premier président de l’État d’Israël, le gouvernement britannique ouvrait la voie à des tensions permanentes dans la région. Cette politique s’opposait complètement à celle de l’Église catholique qui estimait – comme l’avait affirmé le pape saint Pie X lors de sa rencontre avec le fondateur du sionisme Theodor Herzl en janvier 1904 – que les juifs n’ayant pas reconnu la messianité du Christ, ils ne pouvaient pas revenir sur une terre sanctifiée par la vie de Jésus (« non possumus », selon la tradition de l’Église). La révolution de Vatican II et la reconnaissance par Jean-Paul II de l’État d’Israël ont radicalement modifié la donne.
Rappelons aussi que l’expression « Déclaration Balfour » devrait, en fait, s’appeler « Déclaration Milner », du nom d’Alfred Milner, bras droit du cosmopolite Cecil Rhodes, comme l’a révélé le livre de Carroll Quigley « The Anglo-American Establishment ».
La mainmise sur la péninsule Arabique par les États-Unis suite aux accords conclus entre le président Roosevelt et Ibn Séoud (« Pacte de Quincy »), en février 1945, suivie de la création de l’État d’Israël en 1948, ouvre un nouveau chapitre dans les relations entre les mondes juif talmudique et musulman. Les guerres opposant l’État d’Israël, soutenu par le monde anglo-saxon, au monde musulman conduisent à l’élaboration de nouveaux concepts comme celui du « choc des civilisations » élaboré par l’islamologue Bernard Lewis dans son ouvrage « Islam » paru en 1957. Travaillant en liaison avec le géopolitologue Zbigniew Brzeziński, il élabore une théorie poussant à la balkanisation du monde musulman (« l’arc de crise »), projet présenté par la revue Time le 15 janvier 1979.
Dans la même veine, nous retrouvons une politique de démantèlement des pays arabes dans le rapport d’Oded Yinon paru en 1982 et traduit de l’hébreu en anglais par le président de la Ligue israélienne des droits de l’homme Israël Shahak. Pour certains défenseurs d’Israël, ce texte serait un faux élaboré par Shahak. Toutefois, ce dernier ne fut jamais inquiété ni poursuivi en justice suite à cette traduction. S’il avait inventé ou falsifié le texte, ses détracteurs se seraient fait une joie de montrer l’original pour condamner l’impétrant. Plus de 30 ans après la parution de cette traduction, ceux qui rejettent le texte d’Israël Shahak comme faux n’ont toujours pas trouvé le temps de publier le document original. Mais qu’attendent donc ces « nuques raides » ?
Ajoutons à la liste des destructions des États arabes le rapport de Richard Perle en 1996 (« A Clean Break ») et les travaux du lieutenant-colonel Ralph Peters parus dans la revue militaire américaine « Armed Forces Journal » en mai 2006, que nous traitons entre autres dans notre livre « La marche irrésistible du nouvel ordre mondial ».
Dans la même logique, nous pouvons relever la dernière mouture parue dans le New York Times, le 29 septembre 2013, sous la plume de Robin Wright [PDF]. Travaillant dans ce qui se fait de mieux (ou de pire) dans l’intelligentsia américaine (Carnegie Endowment, US Institute of Peace, Woodrow Wilson International Center, Yale, Stanford) (son blog), cette égérie de la cause, partie visible d’un travail reposant sur les structures de « l’État profond », reprend les travaux de ses prédécesseurs et balkanise à tout va la Libye et les pays de la péninsule Arabique en fonction des critères religieux (sunnites, chiites, druzes, alaouites…) et ethniques selon des critères politiques fédéralistes. Pareil à la multiplication des pains, Robin Wright explique comment on passerait de cinq à quatorze États en précisant que les frontières étatiques pourraient être facilement modifiées suite aux guerres et aux conflits ethniques. Son auteur évoque même l’idée de créer trois cités-États : Bagdad, Misrata et Djébel el-Druze.
Force est de constater que ces cartes du New York Times présentent des similitudes avec celles élaborées par Ralph Peters. Nous retrouvons en particulier la même entité géographique autour de Médine et de La Mecque. En dernière analyse, l’intérêt de ces documents officiels est de montrer que ces cénacles israélo-anglo-saxons ne sont pas prêts à lâcher prise dans leurs folles ambitions.
Le dynamitage du monde musulman
Ils finiront par mettre le monde à feu et à sang
Pierre Hillard15 articles
Pierre Hillard est professeur de relations internationales à l’école supérieure de commerce extérieur de Paris. Historien de formation, diplômé de science politique et d’études stratégiques, spécialiste de l’Allemagne, des affaires européennes et de la que...
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Pierre Hillard est professeur de relations internationales à l’école supérieure de commerce extérieur de Paris. Historien de formation, diplômé de science politique et d’études stratégiques, spécialiste de l’Allemagne, des affaires européennes et de la question des minorités, il centre son étude sur le partenariat transatlantique et la gouvernance mondiale.
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