Marie Vastel Ottawa — Alors que les conservateurs affirment qu'ils doivent modifier le programme de la Sécurité de la vieillesse pour assurer sa pérennité, le directeur parlementaire du budget est venu contester cet argument brandi depuis deux semaines par le gouvernement. Malgré l'arrivée des baby-boomers à la retraite, le fédéral aura l'argent nécessaire pour verser à tous leurs prestations, et ce, même au moment où le plus grand nombre d'entre eux les réclameront. Aussitôt contredits, les conservateurs s'en sont pris une fois de plus à la crédibilité de Kevin Page.
Dans son rapport publié hier, le directeur parlementaire du budget conclut que le fédéral pourrait avoir exagéré la «crise financière» appréhendée à la suite du départ des baby-boomers du marché du travail pour la retraite. Car, puisque le gouvernement fédéral a choisi de réduire la croissance de ses transferts aux provinces en matière de santé — un changement annoncé en décembre —, le bureau de M. Page a revu ses estimations et déterminé «que la structure financière au niveau fédéral était viable».
Kevin Page reconnaît que le paiement des pensions de retraite des baby-boomers se fera sentir dans les coffres d'Ottawa, mais il note que le gouvernement a une marge de manoeuvre pour y répondre. Il n'y aurait pas d'imminent danger que le programme social destiné aux aînés et financé par les recettes du gouvernement croule sous le fardeau financier, car un dividende budgétaire de 0,4 % du produit intérieur brut (PIB) découle des réductions des transferts fédéraux en santé, dont la croissance annuelle sera désormais arrimée sur la croissance économique plutôt que sur le taux de 6 %. L'enveloppe libérée se chiffrerait à 7 milliards de dollars en 2011-2012, pour augmenter par la suite avec le PIB.
«Selon la projection du DPB [directeur parlementaire du budget], le gouvernement fédéral pourrait réduire ses revenus, augmenter ses dépenses de programme ou une combinaison des deux de 0,4 % du PIB, tout en maintenant une viabilité financière», tranche le document.
Avec les changements démographiques à venir, les prestations versées aux aînés devraient passer de 14,8 % des dépenses de programme en 2010-2011 à 20,9 % en 2030-2031. Et pendant la période de croissance, la dette nationale devrait continuer de diminuer. Les prestations prévues pour les aînés auront dans 20 ans atteint un sommet, pour retomber par la suite à 14,9 % des dépenses de programme.
Confronté à ces conclusions du directeur parlementaire du budget qui défont carrément l'argument au coeur du plaidoyer des conservateurs, le ministre des Finances, Jim Flaherty, les a simplement rejetées du revers de la main. Le ministre a indiqué hier que ce même M. Page, lors d'un passage en comité parlementaire l'an dernier, avait lui-même dit que le déficit fiscal était causé par les changements démographiques. «Et aujourd'hui il sort un rapport qui dit tout le contraire. Incroyable, non fiable et non crédible», a scandé M. Flaherty à sa sortie des Communes.
«Combien de fois M. Flaherty s'est-il trompé dans ses prévisions? [...] S'il y a quelqu'un qui manque de crédibilité, c'est ce gouvernement fédéral et le ministre des Finances [...] pas le directeur parlementaire du budget», a rétorqué le porte-parole néodémocrate en matière de finances, Peter Julian.
À l'intérieur de la Chambre, ses collègues avaient tour à tour refusé de commenter le rapport, de même que de préciser les intentions de leur gouvernement quant au sort du programme de la Sécurité de la vieillesse. La ministre des Ressources humaines, Diane Finley, a simplement affirmé qu'il était «très important d'écouter les autres experts qui disent que, si rien n'est fait aujourd'hui, il y aura vraiment et sûrement une grande crise dans ce programme».
Il y a deux semaines, en Suisse, le premier ministre Stephen Harper avait annoncé que le fédéral apporterait des changements au régime de retraite «afin d'en assurer la viabilité pour la prochaine génération». Or, voilà que le directeur parlementaire du budget vient de saper son argumentation. «Si le gouvernement décide de faire quelque chose, il doit trouver un autre argument, parce que l'argument de la viabilité, de la durabilité, franchement, n'existe pas», a dénoncé le chef intérim du Parti libéral, Bob Rae. L'une des options envisagées par les conservateurs serait de hausser l'âge d'admissibilité au programme de la Sécurité de la vieillesse de 65 à 67 ans.
Kevin Page a été nommé par M. Harper en 2008, lorsque le premier ministre a créé son poste en lui donnant le mandat de «présenter au Parlement une analyse indépendante sur l'état des finances de la nation, le budget des dépenses du gouvernement, ainsi que les tendances de l'économie nationale».
Ce n'est pas la première fois qu'il doit subir les attaques des troupes conservatrices. Au début de 2011, il s'était attiré leurs foudres en contestant leurs prévisions que leur déficit record pourrait être réduit sans douleur notamment grâce aux départs volontaires de milliers de fonctionnaires fédéraux. En réaction à un rapport de
M. Page qui mettait en doute ses projections, le président du Conseil du trésor de l'époque, Stockwell Day, l'avait accusé d'avoir «grossièrement tort», scandant que ce pouvait bien être lui qui se trompait puisque «le directeur parlementaire du budget n'est pas le pape»!
Les conservateurs ont revu depuis leur plan de réduction du déficit, devenu plus rigoureux et réclamant désormais à tous les ministères des plans de réduction de leurs dépenses prévoyant des compressions de 5 % ou 10 % de leurs budgets. Le ministère des Finances devait au départ choisir parmi ces deux plans pour économiser 4 milliards par année en exigeant des compressions plus importantes de certains ministères si d'autres étaient incapables d'en faire suffisamment. Depuis quelques semaines, des ministres parlent de compressions atteignant 8 milliards et l'appareil gouvernemental s'attend à d'importantes réductions de personnel avec le prochain budget, attendu dans quelques semaines.
Le directeur du budget contredit Harper
Pas de crise, le programme de la Sécurité de la vieillesse est viable, conclut Kevin Page
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