Il est surprenant de constater qu’il existe encore, en 2011, une frange de la population minoritaire anglophone du Québec n’ayant pas pris acte et accepté le caractère français du Québec, tel qu’institué en 1977 par la Charte de la langue française. Pleurant leur sort de minorité « opprimée » sur Facebook, sur les blogues, sur leurs sites racistes, en appelant à l’ONU pour que cesse le « nettoyage ethnique » du « Kebekistan », ils tentent même présentement d’organiser une manifestation contre la Loi 101 en avril prochain. Leur délire persécutoire n’a d’égal que leur ignorance absolument totale du sort des autres minorités dans le monde et du fait qu’il serait difficile de trouver une minorité plus choyée que la leur.
Pour une population totale d’à peine plus de 400 000 anglophones nés au Québec – la minorité anglophone historique -, les anglophones disposent pourtant de plus d’une quinzaine d’hôpitaux, d’écoles primaires, secondaires, du plus gros cégep au Québec, de l’université la mieux financée, de plusieurs dizaines de villes bilingues, de services gouvernementaux largement bilingues, de commerces les servant dans leur langue, de groupes de défense, d’un gouvernement fédéral finançant généreusement leurs institutions, d’une Cour suprême vaillant au grain afin de les défendre. Un peu plus et on leur construit un TGV en or vers l’Ontario.
Connaissez-vous une seule minorité au monde jouissant de tels privilèges? Pas moi. Ou si peu. Il est possible que les Rhodésiens aient eu de tels avantages, mais ceux-ci n’ont pas perduré dans le temps, contrairement à ceux des anglophones du Québec. Si la minorité anglophone du Québec avait une plus grande connaissance du monde, si elle cessait de vivre repliée sur elle-même dans un sempiternel complexe de supériorité vis à vis d’autochtones québécois refusant d’accepter de disparaître, elle se rendrait compte de l’incroyable chance dont elle jouit. Elle serait même peut-être un peu honteuse de l’ampleur des avantages dont elle dispose.
En Suisse, par exemple, où la population germanophone forme plus de 60% de la population, de nombreux cantons sont unilingues francophones, ne dispensant virtuellement aucun service dans la langue majoritaire au pays. Loin d’en appeler au génocide parce que les cantons de Jura, Neuchâtel, Vaud et Genève fonctionnent intégralement en français, les locuteurs germanophones acceptent leur qualité de minorité et comprennent qu’ils ont le loisir de déménager dans un canton germanophone s’ils veulent des services dans leur langue.
En Belgique, également, où la population néerlandophone compose près de 55% de la population totale, ses locuteurs ne disposent d’aucun droit dans toute la Wallonie (à l’exception de « communes à facilités » offrant une certaine forme de bilinguisme et d’où origine la majorité des conflits linguistiques). En clair, ils sont peut-être majoritaires dans l’ensemble du pays, mais la Wallonie fonctionne exclusivement en français. La minorité flamande accepte son sort sans broncher, sachant qu’elle peut aller vivre en Flandre si elle le désire.
Même chose pour la province d’Åland, appartenant à la Finlande. Bien que la langue officielle de la Finlande soit le finlandais, tous les services d’Åland sont offerts exclusivement en suédois. On offre pourtant des services à la minorité finlandaise, c’est-à-dire des traducteurs! Imaginez-vous le scandale que cela ferait au Québec?
Idem pour les îles Féroé, appartenant au Danemark mais où presque toutes les institutions fonctionnent en féroïen. Vous ne verrez jamais un locuteur danois des îles Féroé parler de nettoyage ethnique, car il est entendu que ce territoire est principalement féroïen. Un locuteur désirant parler le danois a le loisir de déménager au Danemark.
Il serait possible de citer des dizaines d’autres exemples du genre – notamment de pays ou nations démocratiques n’allouant que des peccadilles à leurs minorités – mais ce serait inutile. Ce n’est pas tant à nos lois ou à ce qu’ils perçoivent comme un manque de respect à leur égard que certains anglophones en ont; c’est à notre existence en tant que collectivité francophone d’Amérique du Nord qu’ils en veulent. Au-delà de l’affichage ou des mesures scolaires, ils refusent d’accepter l’article premier de la Loi 101: « Le français est la langue officielle du Québec ». Près de trente-quatre ans après le dépôt de la Loi 101 par Camille Laurin, cette simple réalité d’un État dans l’État, d’un Québec unilingue français dans un Canada offrant un français de façade pour mieux assimiler sa minorité francophone leur est inacceptable.
Robert Laplante parlait de ce phénomène comme étant celui de la « double-majorité »: la minorité anglophone du Québec refuse d’accepter son statut de minorité au Québec et s’accroche à son désir ancien de former de nouveau la majorité canadienne au Québec. D’où son attachement à des institutions sur-financées, que ce soit McGill ou le méga-hôpital de 1,5 milliards qu’on lui construit à nos frais, ce qui la conforte dans son statut majoritaire, voire colonial. Chaque école, chaque hôpital, chaque présence institutionnelle anglaise sont considérés comme autant de drapeaux plantés dans le cœur de la majorité québécoise afin non seulement de l’affaiblir, mais de faire reconnaître la primauté de la majorité anglophone canadienne sur celle-ci.
Or, puisque les Canadiens-français ont compris, au regard de l’ethnocide les décimant depuis près d’un siècle dans la fédération canadienne, qu’ils n’avaient pas d’avenir en tant que minorité pancanadienne et qu’ils ont décidé, face à un Canada devenant de plus en plus unilingue anglais, de former une majorité francophone au Québec, toute forme de remise en question du droit de cette majorité d’imposer sa langue sur son territoire réduirait la capacité de survie du français. Autrement dit: en tentant de faire primer la majorité canadienne (anglophone) sur la majorité québécoise (francophone), la minorité anglophone tente de refaire des Québécois une minorité dépossédée d’elle-même et n’ayant pas la capacité d’assurer sa survie.
Le fait d’assurer un Québec français ne constitue donc aucunement un « nettoyage ethnique » ou une discrimination. Il s’agit de la conséquence logique de l’incapacité du Canada d’assurer la survie des francophones. Nous sommes devenus des Québécois précisément parce qu’il s’agissait de la seule façon d’assurer notre survie collective. Ainsi, toute tentative de refaire de nous des Canadiens-français – ou des « Québécois francophones », ce triste pléonasme qu’on entend de plus en plus – en discréditant nos lois et nos institutions ou en déplorant que nous n’accordions pas davantage de « droits » aux anglophones ne pourrait que conduire à un insupportable recul affaiblissant encore une fois notre capacité à assurer la survie de notre langue.
Le fait de devenir Québécois a eu deux conséquences: nous avons choisi, après que le Canada ait décidé lui-même de ne rien faire pour le français, de laisser tomber nos compatriotes francophones des autres provinces et nous avons choisi, également, d’imposer le français aux anglophones du Québec. Si les premiers ont compris l’importance de ce geste et ont été nombreux à se joindre à nous pour assurer le développement d’un État francophone en Amérique du Nord, plusieurs des seconds ont préféré vivre dans le doux souvenir d’une époque où nous étions de dociles Pea Soup canadiens-français disparaissant en silence.
On dit parfois de la folie qu’il s’agit d’une reproduction constante des mêmes erreurs en espérant une conséquente différente. Cette minorité d’extrémistes anglophones ne peut, en affichant son délire persécutoire basé sur l’ignorance de ses (trop nombreux) privilèges, que nous encourager à mieux comprendre la nécessité, pour le Québec, de réaffirmer la primauté du français sur son territoire afin d’enrichir l’Amérique du Nord d’une présence française majoritaire et sûre d’elle-même.
En nous méprisant de la sorte, ces extrémistes nous font peut-être le plus beau des cadeaux: ils nous incitent à reconsidérer à la baisse les privilèges qu’on accorde à la minorité anglophone du Québec afin de réduire le niveau de nuisance de sa minorité la plus extrémiste n’ayant pas pris acte du désir de survie d’une nation aspirant au même traitement que toutes les autres sur cette planète.
Le délire persécutoire des extrémistes anglophones
en appelant à l’ONU pour que cesse le « nettoyage ethnique » du « Kebekistan », ils tentent même présentement d’organiser une manifestation contre la Loi 101 en avril prochain
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