Un gars tu-seul qui tient tête, se fait « dérouler le rebord » par trois polices dans un Tim Hortons, a parfois plus de courage que bien des analystes politiques*. Assis sur leurs mains pendant la période la plus trouble du respect des libertés publiques, les intellectuels québécois n’ont pas grouillé gros. De toutes les réponses irrationnelles à une menace, la solution québécoise a été parmi les plus excessives et les plus improvisées.
Il n’y eut aucune résistance intellectuelle aux actions de l’État. Ni casseroles ni Femen ; il n’y eut que l’impayable docteur Mailloux et l’imprévisible nationaliste Guy Bertrand pour contester sur YouTube le rituel étatique. Faut dire que Guy Rocher n’est pas toujours disponible. Pas grand monde non plus, dans le grand Tim Hortons québécois, pour défendre un gars qui se fait poivrer et risque de faire un infarctus aux mains de trois intrépides policiers. Le microfascisme provincial avance masqué par les meilleures intentions. Du côté des syndicats, pas de requête en jugement déclaratoire pour éclairer la portée des décrets sur l’application des conventions collectives. Plutôt que de servir de garde-fous, les universités se sont empressées d’abdiquer leur autonomie devant la litanie des nouveaux cas que l’on prend bien soin dans les médias de ne jamais distinguer trop longtemps des hospitalisations ou des rétablissements. Les amphithéâtres universitaires restent fermés alors que les saunas sont rouverts.
Le travail à la maison est aussi devenu le travail sur la maison. Dans l’île du Dr Arruda, on attend la deuxième, en rêvant de la troisième vague de bombardements médiatiques.
À la manière d’une bulle du magistère catholique, l’expression « on attend les consignes de la Santé publique » a gagné les consciences et retentit parmi les anxieux et les convulsifs. Entretenue depuis six mois, cette « panique » a d’ailleurs au Québec toutes les allures d’un phénomène religieux d’hystérie collective dont on pressent le dénouement. Afin de maintenir l’intérêt du téléspectateur et continuer d’alimenter par fax les majorettes de l’information officielle, certains croient même qu’à la reprise d’automne, il faudra innocemment confondre les premières victimes de l’influenza avec celles de la COVID-19. On oubliait déjà 200 morts icittes et là lors de la première vague**, « 'gard bien » qu’à la seconde, on va encore s’emmêler les pinceaux. Le grand n’importe quoi bureaucratique et son mur à mur, Montréal et les régions confondues sans égard au nombre de cas ou aux économies fragiles. Pour maintenir la tension dramatique, l’État doit exagérer la « deuxième » vague pour ensuite distribuer solennellement la communion à un éventuel vaccin comme dans un grand congrès eucharistique. L’État exhibitionniste, l’État-providence dans toute sa fausse sollicitude !
Entre-temps, il faut continuer de brasser la soupe des mauvaises nouvelles, monter en épingle les éclosions locales et faire de gros plans sur les infections d’orteils. Certes, le mal existe, la réaction pour y faire face reste démesurée.
Dès septembre sur vos écrans, Trudeau et Legault réapparaîtront comme des reprises de Deux filles le matin. Platitude et répétition de cette pastorale sanitaire : pharmaciens, virologues, répétant inlassablement à des citoyens complètement infantilisés les mêmes niaiseries sur le masque en dessous du nez, par-dessus les lunettes, les ongles crottés ou non. Les intervieweurs obséquieux remerciant ensuite les spécialistes d’avoir daigné prendre du temps pour nous, pauvres pécheurs, sans compter la ministre Bécassine Guilbault rappelant ses ouailles à la docilité.
À qui profite la pandémie ? Aux agences de tites-polices privées, aux quincailleries et aux affameurs-épiciers qui, au début de la pandémie, ont retiré les rabais de leurs étagères. Grâce aux vagues de la COVID-19, la CAQ surfe sur la vague de l’opinion publique. Sans rire, le ministre Dubé parle d’« imputabilité » des insouciants gestionnaires d’acronymes comme si la Santé publique était elle-même au-dessus de tout soupçon. Et la missive du 25 mars au CHSLD ? Comme si le cadre juridique de l’imputabilité avait été modifié. Depuis la Révolution tranquille, le mot « imputabilité » est dépourvu de toute signification. C’est plutôt : on l’a collectivement « échappé » ou encore « on tient le système à bout de bras » pour finalement déboucher sur l’implacable « y manque tellement de ressources » depuis la réforme Cruchon ou celle de Machin-Truc avant nous autres. C’est clair qu’efficace de même, le travail à distance facilite grandement la vie des désespérés, des cancéreux, des cardiaques, des enfants et des vieillards. La souffrance infligée par l’exagération politique et la réaction irrationnelle à la crise sanitaire reste muette. Elle est comptabilisée ailleurs que dans les statistiques officielles sur la pandémie, parions qu’elle est plus meurtrière.
La passivité syndicale aura elle aussi un prix lorsque profitant du culte de sa personnalité, Legault distinguera dans les prochaines « négos » entre les « anges gardiens », les travailleurs essentiels et le reste des miraculés pour baisser les salaires. La candeur hypnotique des populations devant cette mise en scène n’aura d’égal que le réveil brutal de chacun au milieu des décombres de l’économie et devant sa situation personnelle. Pas sûr non plus que les Québécois voudront passer un deuxième été à Pointe-Calumet ou sur des chaises pliantes au bout de la route à Natashquan. Le masque n’est d’aucune utilité contre un gouvernement d’improvisateurs, mais je comprends qu’on finisse par vouloir collectivement se voiler la face.
* Port du masque : intervention policière dans un Tim Hortons
** La fin des décomptes par « fax », annonce
Legault