Il n’y avait pas une heure que Philippe Couillard avait succédé à Jean Charest que la préparation de la prochaine élection générale semblait déjà avoir pris le pas sur le grand renouveau promis durant la course au leadership.
Officiellement, le « grand congrès d’orientation » qu’il évoquait encore hier matin demeure à l’ordre du jour, mais le nouveau chef du PLQ s’est empressé de mettre un bémol au cours d’un point de presse impromptu. « On sait qu’il y a un échéancier électoral, ça peut changer bien des choses. » La semaine dernière, l’ancien conseiller de Robert Bourassa, Jean-Claude Rivest, suggérait de renoncer à renverser le gouvernement Marois pour une période d’un an, afin de permettre un renouvellement en profondeur du discours libéral. Clairement, M. Couillard n’y est pas disposé. Au bout du compte, l’opération pourrait bien n’être que symbolique.
Objectivement, les libéraux ont tout intérêt à laisser le gouvernement faire le sale travail de dégraissage de l’appareil gouvernemental dont ils devraient eux-mêmes se charger s’ils revenaient prématurément aux affaires, mais il sera très difficile de laisser passer une occasion de précipiter sa chute. Le compte à rebours semble bel et bien commencé.
L’ancien premier ministre Charest avait donné le ton samedi soir avec un discours féroce sur les méfaits péquistes. Des trois candidats, c’est indéniablement Pierre Moreau qui était au diapason de l’humeur des militants libéraux, quand il a dénoncé « l’entreprise de déconstruction nationale » menée par le PQ. Que peut-il y avoir de plus urgent que d’y mettre fin ? Après tout, pourquoi ne pas réfléchir dans le confort du pouvoir ?
Hier, M. Charest a également envoyé un message clair à son successeur, qui entend « reprendre l’initiative de la discussion » dans le dossier constitutionnel : la priorité doit être l’économie et non pas la Constitution. M. Couillard était en Arabie durant les années de l’après-Meech dont M. Charest a conservé de douloureux souvenirs. Le nouveau chef libéral, qui ne manque aucune occasion de rappeler son attachement au fédéralisme, n’a peut-être pas pris toute la mesure du danger qu’un nouvel échec ferait courir à l’unité canadienne. On se chargera certainement de le lui faire comprendre.
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Daniel Johnson avait été cruellement blessé en 1983, quand il avait terminé troisième derrière Pierre Paradis dans la course qui avait marqué le retour de Robert Bourassa. À l’époque, M. Johnson était cependant un jeune député, élu à peine deux ans plus tôt, qui devait bénéficier d’une deuxième chance dix ans plus tard.
Pour Raymond Bachand, l’humiliation qu’il a subie hier est d’autant plus difficile à encaisser qu’à son âge, il n’aura pas d’autre chance. Qui plus est, il n’était pas une recrue, mais un ministre des Finances respecté, même si ses politiques étaient contestées. Dans la hiérarchie ministérielle, il était nettement au-dessus de Pierre Moreau.
Cette troisième place a des allures de rejet. Plusieurs au PLQ ne lui ont pas pardonné son passé péquiste et il peut se demander si, malgré sa conversion au fédéralisme, il n’était pas encore trop nationaliste pour les militants libéraux, dont l’attachement au Canada est sans doute plus inconditionnel que le sien. Même si, dans un geste de conciliation, M. Couillard lui demandait de conserver son poste de porte-parole en matière de finances, M. Bachand peut difficilement ne pas voir dans sa promesse d’une réforme majeure de la fiscalité un désaveu de ses propres politiques. Il a promis de terminer son mandat de député d’Outremont, mais le coeur n’y sera plus.
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Inversement, la carrière politique de M. Moreau vient de faire un grand pas. Il apparaît maintenant comme un incontournable numéro 2. Si la raison commandait aux militants libéraux de choisir M. Couillard, qui a les meilleures chances de les ramener au pouvoir, leur coeur était avec le député de Châteauguay.
Contrairement à ce qui s’était produit au NPD durant la course à la succession de Jack Layton, Jean-Marc Fournier a réussi à faire en sorte que les libéraux offrent une opposition efficace, mais M. Moreau serait certainement très performant au poste de chef parlementaire, en attendant le jour où M. Couillard fera sa rentrée à l’Assemblée nationale. Au cours de la très difficile dernière année qu’a vécue le gouvernement Charest, il a été le seul qui a réussi à marquer des points.
M. Moreau devra patienter avant de satisfaire ses ambitions, mais il a tout le temps devant lui. M. Couillard peut être assuré de sa loyauté, mais il conservera toujours à l’esprit que quelqu’un est prêt à prendre la relève, si jamais il trébuche. Et, un jour ou l’autre, on finit toujours par trébucher.
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