Agnès Maltais devait être sous une mauvaise étoile le jour où elle a été assermentée ministre du Travail dans le gouvernement Marois. À moins, ce qui est plus probable, qu'elle souffre, comme plusieurs de ses collègues, d'un sérieux manque de direction.
Chose certaine, rarement une ministre du Travail, un poste généralement assez calme, n'aura été à ce point au centre de l'action gouvernementale. Et de tous les députés de l'Assemblée nationale, elle est probablement la plus heureuse de se retrouver en vacances.
La grève dans l'industrie de la construction et l'épisode de la loi spéciale n'auront pas été faciles pour Mme Maltais et le résultat n'est pas à son avantage non plus. Disons qu'elle ne sort pas grandie de ce conflit et du bras de fer avec les partis d'opposition.
Précisément au même moment, lundi, les changements controversés de la ministre Maltais au régime d'aide sociale entraient en vigueur, touchant notamment le supplément mensuel de 129 $ pour « contraintes temporaires à l'emploi » pour les prestataires de 55 ans et plus.
Pauvre Agnès Maltais, ce n'est pas tout: même les producteurs maraîchers s'en mêlent, lui demandant d'annuler la décision du précédent gouvernement de payer, dès l'an prochain, les cueilleurs de fraises et de framboises à l'heure (salaire minimum) plutôt qu'à la quantité récoltée. Même les petits fruits, généralement associés aux douceurs de l'été, ont un goût amer pour la ministre du Travail!
L'adoption de la loi spéciale forçant le retour au travail des travailleurs de la construction du secteur institutionnel laissera aussi un goût amer dans la bouche de la ministre et de tout le gouvernement.
Le Parti libéral et la CAQ ont offert un rappel et une gifle au gouvernement Marois: vous êtes MINORITAIRES, vous ne pouvez pas imposer unilatéralement vos conditions. Le moins que le gouvernement aurait pu (et dû) faire, c'est de mettre le PLQ et la CAQ dans le coup. Un petit coup de fil samedi pour discuter des grandes lignes du projet de loi, c'est tout ce qu'il aurait fallu pour calmer les esprits. Mais comme le gouvernement ne l'a pas fait, il peut difficilement blâmer l'intransigeance des amis d'en face.
À un moment (surréaliste!), la ministre Maltais a même vaguement menacé de vouloir retirer son projet de loi si l'opposition ne marchait pas avec elle! Pow! Pow! T'es mort sinon je ne joue plus!
Agnès Maltais a perdu des plumes dans cet épisode, ça ne fait aucun doute, mais il y a une autre grande victime: le supposé esprit de collaboration à l'Assemblée nationale entre tous les partis, au-delà des visées partisanes, pour le bon fonctionnement du gouvernement et pour les intérêts supérieurs du Québec et blablabla...
Le gouvernement péquiste a fait apparemment le pari que les Québécois jugeront durement la position « irresponsable » du PLQ et de la CAQ, alors que ceux-ci ont voulu donner une leçon à Mesdames Marois et Maltais.
Ils se trompent tous les deux. Personne ne gagne dans ce psychodrame parlementaire estival. Un bel exemple de la bulle politique dans laquelle s'isolent parfois les partis politiques. La réalité, c'est qu'entre le BBQ, la tondeuse et la piscine, l'immense majorité des Québécois s'en tape des petites joutes parlementaires.
Le plus ironique, c'est qu'après cette partie de bras de fer perdue d'avance par le gouvernement, tout le monde est reparti satisfait du résultat, en s'appropriant évidemment le mérite et en se congratulant abondamment sur Twitter et dans tous les bulletins de nouvelles.
C'est vrai que la solution imposée par le PLQ et la CAQ est plutôt raisonnable. La formule 2-2 (2 % d'augmentation - 2 ans de prolongation de convention collective), plutôt que 2-1, aurait peut-être été préférable, mais ce n'est pas une catastrophe non plus.
On a dit et écrit ces derniers jours que le PQ est trop proche des syndicats et qu'en face, le PLQ et la CAQ sont trop favorables au patronat. C'est vrai dans les deux cas, ce qui démontre, si nous avions vraiment besoin de cette démonstration, que ce n'est pas à l'Assemblée nationale, mais bien à la table de négociation, que doivent se négocier les conditions de travail de cette industrie.
Je n'ai entendu personne dire qu'il faut revenir au régime des « décrets de la construction », qui, jusqu'au milieu des années 90, dictait les règles dans ce secteur.
On note d'ailleurs une incohérence évidente dans la position du gouvernement: comment plaider en faveur du droit de négocier et, simultanément, imposer des conditions de travail pendant quatre ans? À moins qu'on ne reconnaisse pas ce droit aux deux parties impliquées?
Une loi « spéciale » qui dure quatre ans, ça n'a plus rien de... spécial, ça devient la norme.
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