AMÉRIQUE DU NORD - Face aux pressions du Canada anglais, le dirigeant libéral Stéphane Dion pourrait bientôt renoncer à sa double nationalité.
Ludovic HIRTZMANN
WESTERN STANDARD, CALGARY SUN, LE SOLEIL
« QUAND VIENDRA le temps de prendre des décisions sur la guerre contre le terrorisme, est-ce que Dion sera indûment influencé par la France, un pays qui joue les avocats de tous les États terroristes au monde et leur fournit des armes ? » Lorsque, au lendemain de l'élection de Stéphane Dion à la tête du Parti libéral, Ezra Levant, éditeur de l'hebdomadaire Western Standard, écrit ces lignes dans le Calgary Sun, le chroniqueur conservateur déclenche l'une des plus virulentes polémiques de cette fin d'année. Le chef du Parti libéral, dont la mère est française, lui doit cette nationalité. Parmi les 120 000 Français vivant au Québec, beaucoup ont hérité de cette nationalité, transmise de génération en génération.
La semaine passée, attaqué de toutes parts par les médias anglophones, mais aussi par le chef des néodémocrates, Jack Layton, Stéphane Dion a dû affirmer sa loyauté envers le Canada. Cette situation ne manque pas de piquant, puisque le chef libéral, l'un des plus farouches opposants à l'indépendance du Québec, a toujours collaboré activement avec le Canada anglais. À l'instar de plusieurs politiciens canadiens binationaux, l'ancien protégé de Jean Chrétien n'omet pas son devoir de réserve envers la France. L'an dernier, au moment du référendum sur la Constitution européenne, Stéphane Dion avait déclaré au quotidien québécois Le Soleil : « Je ne vote pas parce que je ne vis pas en France, mais au Canada. Je ne vote pas dans un pays où je ne réside pas. »
Après de nombreuses tergiversations, le nouveau capitaine des libéraux a déclaré, en fin de semaine : « Si un nombre important de Canadiens jugent que ma citoyenneté française pose problème et que cet état de fait contribue à maintenir Stephen Harper au pouvoir,... alors je serai triste mais renoncerai à la citoyenneté française. » Ce renoncement ne serait pas une première. L'an dernier, le gouverneur général du Canada, Michaëlle Jean, a renié la nationalité française pour obtenir le poste de représentante de la reine Elisabeth II au Canada.
« L'affaire Dion » ressemble étrangement à l'une des ces charges antifrançaises dont le Canada anglais fait régulièrement ses choux gras. Les premiers ministres canadiens nés au Royaume-Uni ont pourtant été nombreux. Le dernier en date, John Turner, né en Angleterre, a été premier ministre du Canada dans les années 1980, sans que personne ne trouve rien à y redire. Le débat parfois haineux sur la double nationalité de Stéphane Dion intervient alors que le gouvernement conservateur parle de remettre en cause la possibilité pour les Canadiens de posséder une double nationalité. L'été dernier, le rapatriement de plusieurs milliers de Canadiens d'origine libanaise de Beyrouth a coûté 85 millions de dollars aux contribuables. Une somme que le gouvernement Harper a jugée trop élevée pour des Canadiens d'adoption.
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
Aucun commentaire trouvé