Les Innus de la Basse-Côte-Nord ont établi un blocus à l’entrée du chantier de l'ouvrage hydroélecrique de la Romaine, près de Havre-Saint-Pierre, empêchant tout véhicule d’y pénétrer.
Le gigantesque chantier est complètement paralysé par une barricade érigée par deux communautés innues de la Côte-Nord.
«C’est un blocus total. Tous les services d’urgence peuvent rentrer et ceux qui veulent sortir peuvent, mais il n’y a rien qui rentre», indique au Journal Joël Malec, entrepreneur forestier innu et porte-parole des protestataires.
Autour de lui, une centaine de personnes, dont des femmes et des enfants, bloquent l’unique voie d’accès au chantier du complexe hydroélectrique.
M.Malec prévient que personne ne bougera tant que le premier ministre Philippe Couillard n’aura pas pris l'engagement formel de rencontrer leur chef et ne se sera pas engagé à assurer le respect des droits de sa nation.
«On a de la bouffe pour au moins cinq jours, des génératrices, du fuel, du gaz. On est là pour rester», insiste-t-il.
Revendications
Les Innus protestent contre Hydro-Québec et le gouvernement qui, selon eux, bafouent leurs droits et mettent en péril l'environnement.
La communauté accuse Hydro-Québec de ne pas respecter l’entente signée en 2008, en lien avec leurs droits territoriaux. «Hydro-Québec a décidé de noyer 50% de la population d’arbre dans les bassins du projet Romaine et nous autres, on est contre ça. Ça va occasionner du mercure pour les générations futures», a dénoncé Rodrigue Wapistan, le chef de la communauté de Nutashkuan, lors d’un entretien avec le Journal.
La communauté affirme que son autonomie économique est également menacée, alors que des emplois devaient être accordés au sein de la communauté pour le déboisement et ainsi y contribuer. « Nous voulons sortir de notre misère et offrir un avenir meilleur à nos enfants et petits-enfants. Mais comment faire quand notre territoire et nos ressources sont détruits ? Et que nos droits sont continuellement ignorés ?», a souligné le chef dans un communiqué émis plus tard, mercredi.
«En inondant nos territoires sans notre consentement, Hydro-Québec a non seulement porté préjudice à nos droits ancestraux, mais elle a aussi miné notre développement économique et social en plus de mettre en péril l'écosystème», déclare le Chef de Nutashkuan, Rodrigue Wapistan.
L'inondation de 278 kilomètres carrés de terres a provoqué une augmentation importante de taux de mercure dans l'eau, explique M.Malec. «Cette technique est une menace à l'équilibre et peut comporter des risques majeurs pour l'ensemble de l'écosystème et notre population. Pour nous, c'est catastrophique», poursuit-il.
Le spectre d’Oka
À couteaux tirés avec le gouvernement et Hydro-Québec dans ce dossier depuis des mois, les Innus n’ont pas choisi d’agir aujourd’hui au hasard.
«C’est pour les 25 ans de la crise d’Oka», indique M.Malec un sourire jaune dans la voix.
Le soulèvement mohawk, dont on soulignait le 25e anniversaire samedi, s’était déclaré lui aussi sur la base de revendications territoriales ancestrales.
Il avait lui aussi débuté par l’érection d’une barricade, avant de donner lieu à une fusillade mortelle. Il aura fallu 78 jours pour dénouer la crise.
Comme les Mohawks avant eux, les Innus préviennent que s’ils n'obtiennent pas satisfaction, ils intensifieront leurs moyens d'action.
– Avec la collaboration de Emy-Jane Dery
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