Le casino s'anime

Québec 2007 - Analyse

La scène politique est un casino car tous les vrais politiciens sont des joueurs. Selon des rumeurs persistantes, Jean Charest s'apprêterait à lancer les dés en vue d'élections le 26 mars. Le pari est risqué.
Risqué, parce que même si le plus récent sondage CROP montre que le Parti libéral a devancé le PQ, la marge n'est que de trois points (donc en deçà de la marge d'erreur), et que le PQ garde une bonne avance dans les comtés francophones.
Risqué, parce que le taux de satisfaction des électeurs, même s'il a augmenté ces derniers temps, reste peu glorieux, à 43%.
Risqué, parce que le budget Harper, lequel devrait en principe régler le déséquilibre fiscal, est prévu pour le 20 mars, donc six jours avant le scrutin. M. Charest a certainement reçu de M. Harper l'assurance que ce budget sera «bon pour le Québec», et il est vrai que M. Harper a tout intérêt à favoriser la réélection du gouvernement Charest. Mais le gouvernement fédéral n'a pas que le Québec à satisfaire. Il s'agit donc d'un élément impondérable.
Par contre, même si l'opposition aux Communes semble avoir modéré ses ardeurs, un gouvernement minoritaire peut toujours être renversé inopinément. En reportant la date des élections à la fin du printemps ou à l'automne, M. Charest risque de voir sa campagne chevauchée par celle du fédéral, ce qui n'engendrerait qu'une extrême confusion et embrouillerait considérablement les enjeux.
De toute façon, il y a plusieurs raisons de croire que le PLQ aurait de bonnes chances de l'emporter.
Même s'il accuse un net retard dans l'électorat francophone, cela n'a rien de neuf - c'était aussi le cas en 2003 -, et ce fossé pourrait être comblé par une campagne vigoureuse. M. Charest, on s'en doute, sera un meilleur «campaigner» qu'André Boisclair. Il a eu facilement raison de Bernard Landry, qui était un adversaire autrement plus coriace que le fragile chef du PQ.
M. Charest peut aussi compter sur «la prime de l'urne», l'ingrédient qui a toujours bien servi les libéraux. On sait en effet que les électeurs sympathiques aux libéraux sont plus discrets que les autres, pour toutes sortes de raisons: ils sont plus âgés, donc plus réticents à révéler leur intention de vote; ou alors, dans certains milieux il n'est pas de bon ton de voter «à droite», encore moins s'il s'agit d'un gouvernement sortant. Au Québec comme ailleurs, les sondages sous-estiment systématiquement l'ampleur du vote conservateur.
Autre facteur qui joue en faveur des libéraux, le PQ est de plus en plus vulnérable. Il a dégringolé de 16 points depuis l'élection d'André Boisclair, et sort à peine d'une fronde que le jeune chef a fait avorter de justesse.
La gauche du parti le trouve trop centriste, pas assez pro-syndical. L'aile conservatrice, qui lui reprochait déjà son manque de maturité, ne s'est pas encore relevée du choc qu'elle a éprouvé en voyant le chef souverainiste apparaître dans un sketch de collégiens débiles. «L'équipe de rêve» dont parlait M. Boisclair n'existe pas: les candidats potentiels se défilent l'un après l'autre.
Le bouquet, c'est que pour apaiser ses militants, M. Boisclair se serait engagé à faire une campagne axée sur la souveraineté, sous prétexte que les sondages indiquent qu'il y a plus de Québécois sympathiques à la souveraineté (45%) qu'au PQ. Voilà qui fera parfaitement l'affaire des libéraux, qui souhaitaient ardemment que le référendum soit au coeur de la campagne.
Effectivement, les stratèges péquistes s'illusionnent grandement en s'imaginant que les 45% de Québécois supposément souverainistes voteront en bloc de leur côté. Primo, il ne s'agira pas d'une élection référendaire. Secundo - et surtout - il faut pondérer sérieusement cet appui théorique à la souveraineté. Nombre de Québécois voient l'idée d'un bon oeil - en tout cas, ils ne sont pas contre - mais l'on sait par d'autres sondages que la dernière chose qu'ils veulent, c'est un référendum.
La contradiction est de taille, car de vrais souverainistes souhaiteraient au contraire un référendum le plus tôt possible, puisque c'est là le passage obligé vers la souveraineté. Cet appui à la souveraineté, loin d'être un engagement ferme et résolu, n'est donc pour l'instant qu'une adhésion vague, molle et velléitaire - rien qui puisse constituer un tremplin électoral.
Chose certaine, Jean Charest doit déjà se frotter les mains à la perspective de faire la lutte sur le thème du référendum.


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