Je ne sais pas si vous partagez mon point de vue, mais je ne savais pas que François Legault avait ça en lui.
Je ne le soupçonnais pas.
Oh, je savais qu’il avait du pif, du flair, qu’il était capable de « sentir » les Québécois, de deviner ce qu’ils voulaient et ne voulaient pas, comme Mario quand il dirigeait l’ADQ...
Mais qu’il possédait un réel talent de chef, de leader ?
Ça, je ne le soupçonnais pas.
Mais alors, pas pantoute.
PAS UNE GROSSE POINTURE
Je vais être franc avec vous : quand il était ministre péquiste (à l’Industrie, à l’Éducation, puis à la Santé), monsieur Legault ne m’impressionnait pas outre mesure.
Il me semblait correct, sans plus.
Il faisait la job, comme on dit.
Pas mauvais, mais pas spectaculaire non plus.
Un excellent soldat, mais pas une grosse pointure.
Certaines personnes sont des leaders nés. Il suffit de les entendre parler trois minutes pour qu’on se dise : « Ça, c’est un chef ! »
Ça tient à peu de choses.
La confiance en soi. L’éloquence. La force de persuasion.
Ils ont un talent inouï pour te faire partager leur passion. Ils t’expliquent leur projet, et t’as tout de suite le goût d’embarquer.
Or, monsieur Legault, lui, n’est pas un grand orateur (sa voix tremblote).
Il n’a pas une grande force de persuasion. Vous avez ressenti des frissons quand il a présenté son fameux projet Saint-Laurent ? Moi non plus. J’ai éprouvé de plus vives sensations en feuilletant le catalogue Eaton du temps des Fêtes.
Et il ne dégage pas une confiance en lui exceptionnelle (il me fait penser aux chanteurs country qui finissent toujours leur toune en disant « Scusez-la ! »).
Or, qui l’eût cru ? C’est justement ces faiblesses qui font que monsieur Legault est un si bon leader, ces temps-ci !
TI-POIL
Comme le révélateur en photographie, les crises font ressortir ce qu’il y a de mieux – et de pire – chez les individus.
Les humoristes ratés qui carburent à la bile se montrent dans toute leur petitesse et leur médiocrité (« J’espère qu’Untel va pogner le virus, ark ark ark ! »).
Et les « bons Jacks » qui n’ont jusqu’à présent jeté personne en bas de leur chaise nous apparaissent soudainement comme des modèles de probité, d’honnêteté et d’intégrité.
C’est le cas de François Legault.
Ce n’est pas l’Homme de fer.
Ce n’est pas un chef de guerre redoutable et impitoyable.
C’est juste un bon Jack.
Et c’est justement ce qu’il nous faut, ces temps-ci.
Tsé, le voisin serviable qui est toujours prêt à te donner un coup de main ? Le gars à qui tu peux toujours faire confiance ? Qui va pousser ton char quand tu vas être pogné dans le banc de neige (et Dieu sait que ça m’est souvent arrivé au fil des ans...) ?
Bien, c’est lui.
Mon grand-père dirait : « Un bon yâble. »
Comme l’était Ti-Poil.
Vous vous souvenez de René Lévesque ? Quand il lançait des sourires timides en haussant les épaules du haut de ses cinq pieds trois pouces ?
Je sais que c’est toujours risqué de brandir le fantôme du politicien le plus aimé des Québécois, mais il y a quelque chose de René Lévesque dans Legault.
On se reconnaît en lui.
C’est aussi ça, un chef.