Mario Beaulieu, le chef du Bloc Québécois, avait son assemblée d’investiture aujourd’hui et le Parti Québécois était là pour manifester clairement son soutien. Mais ce moment d’unanimité dans la famille souverainiste ne doit pas faire illusion. De vraies questions stratégiques se posent concernant le rapport du Parti Québécois avec le Bloc Québécois. Et la situation est difficile pour le PQ. Il peut difficilement abandonner le Bloc à son propre sort sans se faire accuser de larguer la cause souverainiste, de ne plus croire à sa capacité de rebondir. Bien des souverainistes, surtout chez les plus militants, ne le pardonneraient pas au PQ.
Apparemment, le rôle sacré du Bloc à Ottawa est encore un élément de la doctrine souverainiste officielle, comme l’a appris assez rapidement Pierre Karl Péladeau pendant la course à la chefferie. Mais le PQ ne peut pas non plus lier absolument son sort au Bloc comme aux belles années de ce dernier, puisque les chances sont élevées qu'il se plante une fois pour toutes - le PQ risquerait alors d'être éclaboussé par une telle défaite et plusieurs seraient tentées de voir dans cette défaite la sienne. Ce serait, à bien des égards, une défaite inutile pour PKP, et on chercherait à voir là une preuve de son incapacité à relancer la cause souverainiste.
Il est bien possible qu'aujourd'hui, avec le nouveau cycle politique qui commence, que les Québécois, sans cesser de pratiquer un certain nationalisme soft sur la scène fédérale, concentrent leur souverainisme sur la seule scène québécoise. D’ailleurs, on note que les partis politiques fédéraux ne croient pas nécessaire, actuellement, de jouer une carte nationaliste dans leur conquête du Québec. On assiste, en quelque sorte, à une normalisation de la politique canadienne au Québec, comme si elle n’était plus hypothéquée par la question nationale. On aurait tort de ne pas prendre au sérieux l’épuisement actuel du nationalisme québécois.
Paradoxalement, aussi étrange que cela puisse paraître, il y avait une dimension nationaliste dans le vote pour le NPD en 2011 : les Québécois faisaient bande à part. Ils votaient encore une fois en bloc, même s’ils ne votaient pas pour le Bloc Québécois. En un sens, ils se comportent encore comme un peuple, même s’ils ne le savent plus, et ne veulent plus nécessairement savoir qu’ils en sont un. Les Québécois, d’ici quelques mois, lorsqu’ils s’intéresseront à nouveau à la politique fédérale, se montreront-ils critiques de leurs députés NPD et seront-ils prêts à les congédier, ou considéreront-ils, du moins pour un temps, que le NPD véhicule bien leurs aspirations à Ottawa?
Le Bloc, actuellement, n’espère pas revenir aux scores de ses belles années. Mais il croit, peut-être avec raison, qu’il existe encore un créneau politique à occuper, celui d’un nationalisme décomplexé, affirmé et militant, clairement indépendantiste, et cela, même à Ottawa. Reste à définir ce que sera son seuil de réussite? S’il obtient trois ou quatre députés, s’il est condamné à végéter à Ottawa, ils seront nombreux à vouloir mettre la clef dans la porte. Mais s’il obtenait une dizaine de sièges, et qu’il envoyait une petite force de frappe à Ottawa, clairement vouée à faire le procès du fédéralisme canadien sans jouer le jeu de la respectabilité fédérale, Mario Beaulieu pourrait se dire mission accomplie.
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