Les stratèges péquistes ont déjà encerclé une date pour la tenue des prochaines élections générales au Québec: le lundi 4 décembre.
Bien sûr, dans un monde idéal, M. Charest préférerait attendre que les snowbirds reviennent du Sud pour tracer leur croix au bon endroit, après que son ministre des Finances aurait eu le temps de déposer un budget d'autant plus généraux qu'il ne serait que virtuel, comme celui que Pauline Marois avait présenté en mars 2003. Malheureusement, nous ne vivons pas dans un monde idéal.
Le printemps 2007 risque de donner lieu à un chassé-croisé électoral, voire à un embouteillage qui pourrait forcer M. Charest à tout reporter à l'automne suivant. Il se retrouverait alors dans une position que ne souhaite aucun chef de gouvernement, à la merci du moindre scandale ou d'un ralentissement économique encore plus marqué et sans aucune marge de manoeuvre.
D'un sondage à l'autre, la situation actuelle rappelle de façon troublante celle qui prévalait au début de l'automne 1998, alors que Lucien Bouchard s'évertuait à dire qu'il n'y avait pas d'élections dans l'air.
Cette année-là, les sondages de la fin du mois d'août avaient placé le PQ loin derrière les libéraux, qui venaient eux aussi de se donner un nouveau chef, dont la performance avait beaucoup déçu. Soudainement, le 25 septembre, CROP révélait que les deux partis étaient désormais à égalité, même si le taux de satisfaction à l'endroit du gouvernement Bouchard était de seulement 40 %.
Cette fois-ci, c'est le 27 septembre que CROP a décrété l'égalité, avec un taux de satisfaction de... 41 %. En 1998, les élections avaient finalement eu lieu le 30 novembre. La victoire du PQ avait été serrée et même amère, inaugurant des années de calvaire pour M. Bouchard, mais Jean Charest se contenterait volontiers de ce cas de figure. Cela pourrait difficilement être pire que son premier mandat.
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La politique réserve parfois des surprises, mais il faudrait presque un miracle pour permettre au gouvernement conservateur de survivre au prochain budget Flaherty. Le Bloc québécois ne peut plus reculer sans se ridiculiser, et on imagine mal le prochain chef libéral inaugurer son règne en volant au secours de Stephen Harper.
À partir du moment où M. Harper dit privilégier la voie du consensus entre les provinces plutôt que de proposer sa propre solution, il faut comprendre qu'il n'est plus disposé à indisposer l'Ontario, sans oublier l'Alberta, pour plaire au Québec. En tout cas, pas maintenant.
M. Flaherty pourrait toujours retarder un peu l'échéance, mais son gouvernement tombera tôt ou tard, que ce soit en février ou en mars. Dès lors, la plus grande partie du printemps sera accaparée par la campagne fédérale.
Cela empêcherait M. Charest de déclencher lui-même des élections. Deux campagnes simultanées ne feraient que semer la confusion dans la population. Sans parler des organisateurs, qui ne sauraient plus où donner de la tête. Théoriquement, il serait toujours possible de tenir deux scrutins consécutifs, mais l'intérêt des électeurs a des limites, de sorte qu'il faudrait vraisemblablement attendre à l'automne.
La situation pourrait se compliquer davantage s'il fallait que le paysage change à Ottawa. Même s'il envoie des signaux assez inquiétants ces jours-ci, M. Harper demeure le meilleur allié de M. Charest.
Or rien n'assure que les conservateurs seront réélus. La possibilité que les libéraux reprennent le pouvoir à Ottawa, qui semblait presque absurde, ne peut plus être écartée. Pour le PLQ, ce serait la catastrophe. Ni Bob Rae ni Michael Ignatieff ne semblent voir la question du déséquilibre fiscal de la même façon qu'à Québec. Et le premier réflexe des Québécois devant un gouvernement libéral à Ottawa consiste à faire contrepoids en élisant le PQ à Québec.
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Pour le moment, le déséquilibre fiscal demeure malgré tout une carte électorale jouable pour M. Charest. Il risque toutefois de devenir un boulet si les «discussions très intenses» évoquées par le ministre responsable des Affaires intergouvernementales canadiennes, Benoît Pelletier, ne donnent pas les résultats escomptés.
André Boisclair a beau assurer qu'il participera à toutes les conférences fédérales-provinciales auxquelles il sera invité, personne ne s'attend à des propositions très constructives de sa part.
Mercredi, le nouveau porte-parole du Bloc québécois en matière de finances, Pierre Paquette, a plutôt bien accueilli l'idée que Québec puisse profiter de la baisse de 1 % de la TPS pour augmenter la TVQ d'autant, comme M. Harper l'avait lui-même évoqué dans une entrevue au Devoir.
M. Paquette y voyait «la seule façon de protéger de façon durable le Québec de l'humeur des gouvernements qui se succèdent à Ottawa et de planifier selon les besoins qui lui sont propres». En 2002, le rapport Séguin avait d'ailleurs proposé d'abandonner la totalité de la TPS aux provinces et d'éliminer en retour l'ensemble des transferts fédéraux.
M. Boisclair a plutôt accusé le gouvernement Charest de vouloir priver les contribuables québécois de la baisse de la TPS et de faire preuve d'à-plat-ventrisme devant Ottawa. En avril dernier, il avait déjà rabroué François Legault -- plus poliment, il est vrai --, qui avait proposé exactement la même chose. «Je vais travailler sur une autre proposition», avait alors dit M. Legault. On l'attend toujours.
Bien sûr, il y a la souveraineté. Tant qu'il peut lui opposer les milliards d'Ottawa, même virtuels, M. Charest serait certainement ravi d'en discuter pendant une campagne électorale. Au printemps prochain, ses arguments pourraient devenir beaucoup moins convaincants. Il n'est tout de même pas pour refaire le coup du passeport !
mdavid@ledevoir.com
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