Au moins, le New York Times sert encore à quelque chose. Parfois, dans une bouffée inattendue et incontrôlée d’un reportage rendant compte de la vérité de la situation du monde, il ouvre rapidement, avant de la refermer, une fenêtre sur cette vérité. Ainsi en est-il de la Syrie, avec ce reportage du 9 décembre 2011, où est mise en évidence la division d’ores et déjà structurelle de l’opposition au président Assad. Cela implique une situation pire qu’en Libye où ces divisions sont apparues au grand jour après la chute de Kadhafi. Ici, le désordre préexiste à la cause ultime qui, en général, entraîne le désordre, dans les interventions “humanitaires”. C’est une sorte de progrès, pour ainsi dire…«Even as the government of President Bashar al-Assad intensifies its crackdown inside Syria, differences over tactics and strategy are generating serious divisions between political and armed opposition factions that are weakening the fight against him, senior activists say.
»Soldiers and activists close to the rebel Free Syrian Army, which is orchestrating attacks across the border from inside a refugee camp guarded by the Turkish military, said Thursday that tensions were rising with Syria’s main opposition group, the Syrian National Council, over its insistence that the rebel army limit itself to defensive action. They said the council moved this month to take control of the rebel group’s finances.
»“We don’t like their strategy,” said Abdulsatar Maksur, a Syrian who said he was helping to coordinate the Free Syrian Army’s supply network. “They just talk and are interested in politics, while the Assad regime is slaughtering our people.” Repeating a refrain echoed by other army officials interviewed, he added: “We favor more aggressive military action.”
»The tensions illustrate what has emerged as one of the key dynamics in the nine-month revolt against Mr. Assad’s government: the failure of Syria’s opposition to offer a concerted front. The exiled opposition is rife with divisions over personalities and principle. The Free Syrian Army, formed by deserters from the Syrian Army, has emerged as a new force, even as some dissidents question how coordinated it really is. The opposition inside Syria has yet to fully embrace the exiles…»
Ce reportage rend compte d’une situation “sur le terrain” qui implique une complication sans précédent dans un cas semblable, et qui a son répondant au niveau diplomatique, où les choses ne cessent de se compliquer, et les ententes factices de se défaire… La semaine dernière, la présidence de la Ligue Arabe était, à Bruxelles, en visite à l’Union Européenne. Selon une source européenne, le président de la Ligue Arabe «a réalisé, durant cette réunion, combien cette sorte de rencontre représentait un risque considérable pour la Ligue, lui-même placé devant les représentants d’une bureaucratie européenne qui ne cesse de plaider l’intervention en Syrie sans en mesurer les conséquences.» Pour la plupart des pays arabes, aujourd’hui, l’intervention du bloc BAO en Libye, dans les conditions où elle s’est passée, avec les résultats qu’elle a amenés, est perçue comme «une insulte au monde arabe». Cette position est décrite comme transcendant les lignes habituelles de partage, entre pays arabes conservateurs et pro-occidentaux et les autres. En fait, la Ligue Arabe représente pour une fois quelque chose d’assez tangible, c’est-à-dire l’évolution des pays arabes vers une position d’antagonisme avec les projets interventionnistes du bloc BAO, en même temps que la recherche de plus en plus prononcée d’une voie évitant absolument l’extension du conflit et toute forme d’intervention internationale structurée.
Ces “projets interventionnistes du bloc BAO” eux-mêmes ne cessent de prendre eau, devant la complexité de la situation en Syrie (voir le NYT) autant que devant les risques qu’implique la perspective de l’internationalisation du conflit. La même source observe qu’alors que la majorité des Occidentaux (essentiellement les Européens) considèrent avec une légèreté qui laisse pantois le poids militaire des Russes, et leur résolution éventuelle, une petite minorité grandissante commence à s’interroger à ce propos, et à se demander si les Russes, cette fois campés sur une position ultra-dure après quelques expériences amères de “coopération” avec le bloc BAO, «ne sont pas prêts, s’il le faut, et non sans une certaine satisfaction, à envisager une situation de confrontation directe avec l’Ouest». De leurs côtés, les pays du bloc BAO (à la différence des institutions européennes) songent désormais à mettre en évidence la recherche d’une solution diplomatique.
Résultat général à ce jour ? Effectivement et à la différence de la Libye, le désordre en Syrie a été installé avant même l’intervention du bloc BAO, c’est-à-dire avant même que ne se manifeste l’immuable cause du désordre dans la politique générale du bloc, installant un foyer de tension et de tension au cœur du Moyen-Orient, comme facteur paralysant de toute possibilité de réarrangement de la situation générale, y compris et même surtout à l’avantage du bloc BAO. Tout se passe comme si l’existence même du bloc BAO, sa seule dialectique, les intentions qui sont évoquées ou qui lui sont prêtées, ses caractères d’arrogance et d’irresponsabilité dans sa position générale, sa prétention à représenter l’expression de vertus objectives lui donnant le pouvoir de transmuter l’illégalité en légalité et de faire fi de la souveraineté des autres, suffisaient à provoquer par avance le désordre qui résulte toujours des interventions faites au nom de cette vertu affirmée universelle. Le bloc BAO est donc arrivée au terme de son périple, qui correspond après tout à l’évolution du Système dont il est l’émanation : son existence même, sans nécessité d’action, est source systématique de désordre.
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